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Toujours plus d’emplois précaires à l’université
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Un rapport souligne l'envolée du nombre d'enseignants vacataires à l’université. L'occasion de rappeler le manque de moyens financiers de l’enseignement supérieur public qui conduit à sous-payer des professeurs. Une situation précaire pour ces vacataires ne relevant ni du droit de la fonction publique ni du Code du travail.
Les vacataires représentent plus de la moitié des enseignants à l’université
Initialement conçu pour suppléer au manque ponctuel de professeurs titulaires ou contractuels, le statut de vacataire s’est largement banalisé et développé depuis 2020, constate le collectif Nos services publics dans son rapport. Au nombre de 167 000, les vacataires se trouvent désormais majoritaires au sein du personnel enseignant des facultés (50 000 enseignants-chercheurs titulaires, 13 000 enseignants titulaires, 20 000 enseignants contractuels). Ils assurent 5,6 millions d’heures équivalent TD soit l’équivalent du service d’enseignement de 15 000 enseignants ou de 29 000 enseignants-chercheurs.
La généralisation de ce statut s’explique par le manque de moyens financiers de l’enseignement supérieur. À présent indépendantes depuis la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités), les universités sont contraintes de rogner leurs dépenses de recrutement dans un contexte de sous-financement global. Or, une heure de vacation, assimilée à une prestation de service, coûte cinq fois moins cher qu’une heure de cours assurée par un professeur titulaire (50 € contre 300 € en moyenne) tout en présentant l’intérêt de ne pas comptabiliser les vacataires dans les effectifs de l’établissement.
Vacataire : un statut dévoyé et précaire
En recourant massivement aux vacataires, les universités ont détourné ce statut de sa vocation première, quitte à se mettre dans l’illégalité. Contrairement à l’obligation qui leur est faite, nombre de vacataires n’exercent pas d’activité parallèle, mais les universités ferment les yeux. Considérés comme des indépendants (parfois comme des autoentrepreneurs), ces vacataires ne relèvent ainsi ni du droit de la fonction publique ni du Code du travail. Une « invisibilisation » qui nuit à la fois à leurs conditions de travail et à leur protection sociale. Loin d’être sollicitée pour des tâches ponctuelles et limitées (ce qui devrait être la norme), la majorité des vacataires assure des cours et des TD de manière régulière, souvent pour les enseignements de 1ʳᵉ année délaissés par les titulaires. Par cette continuité de service, ces vacataires devraient donc être reconnus comme agents contractuels et bénéficier ainsi des avantages inhérents à ce statut (traitement indiciaire, congés payés, formation, indemnité de fin de contrat, obligation d’embauche avec un contrat de travail). Or ce n’est pas le cas. Et le flou juridique de leur situation complexifie leur accès à la protection sociale en leur interdisant le bénéfice de la Sécurité sociale comme des allocations chômage.
À la précarité juridique du statut de vacataire s’ajoute la précarité financière. La vacation n’entraîne pas une rémunération horaire, mais une rémunération à la tâche. Si on rapporte la rémunération au temps de travail effectif (tenue des cours et TD, temps de préparation, correction des copies) et au niveau d’études, les vacataires sont payés en deçà du SMIC horaire. Et double peine, ils sont souvent payés avec plusieurs de mois de retard, la mensualisation de leur salaire (officiellement obligatoire depuis 2020), étant impossible puisqu’ils ne peuvent être défrayés qu’une fois leur tâche effectuée. De surcroît, dans la mesure où les vacataires sont fréquemment de jeunes chercheurs en attente de postes, cette phase de transition (et de maigres revenus) se prolonge parfois indéfiniment, faute d’ouverture de postes en nombre suffisant.
Ce rapport sonne le glas d’un système en bout de course face à l’augmentation croissante du nombre d’étudiants. Pour le collectif Nos services publics, le recours massif à la vacation occasionne un surcoût de gestion et une désorganisation administrative et pédagogique qui nuit à la qualité du service public, à l’attractivité de la recherche et aux vacataires eux-mêmes. Longtemps dans le déni, le gouvernement doit enfin prendre conscience de l’inadéquation de ce statut. Une reconsidération qui passe par la contractualisation ou, encore mieux, par la titularisation des vacataires. Un sujet de plus, et non des moindres, sur le bureau du Premier ministre...
Josée Lesparre © CIDJ
Actu mise à jour le 23-04-2024
/ créée le 23-04-2024
Crédit photo : Nicolayhg / PIxabay