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Les étudiants face aux incertitudes de la crise sanitaire

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Les étudiants face aux incertitudes de la crise sanitaire

Après une interruption de l’accueil en présentiel qui aura duré 6 mois, les établissements d’enseignement supérieur ont rouvert leurs portes avec un protocole sanitaire qui encadre la vie des campus. Entre risque épidémique et enseignement hybride à 50% en présentiel et à 50 % à distance, pas facile de rester serein pour les près de 2,8 millions d’étudiants qui ont fait leur rentrée.

Depuis le 06 octobre, les établissements d'enseignement supérieur, universités et grandes écoles, situés en zone d'alerte renforcée et en zone d'alerte maximale, doivent réduire leur capacité d'accueil à 50 % dans les espaces d'enseignement, de restauration et les bibliothèques universitaires. « Un effet d’annonce », réagit Jacques Smith, délégué national de l'Uni. « Les établissements n’ont pas attendu ces mesures pour mettre en place l’accueil en présentiel à 50 % ». Mais cette organisation soulève des interrogations, notamment d’un point de vue pédagogique.

Crise sanitaire : un cadrage qui reste imprécis

Pour contrer la crise sanitaire, le Ministère a mis en place dès le mois d'août, un protocole sanitaire à suivre dans les établissements d’enseignement supérieur : distanciation physique (au moins un mètre entre chaque étudiant, un siège vacant pour espacer dans les amphis, salles de cours et bibliothèques), port systématique du masque, aération des espaces clos 10 à 15 minutes par jour en l’absence des étudiants et organisation de la circulation pour éviter regroupements et croisements trop importants.

« Mais, il n’y a pas eu vraiment de cadrage national, les consignes données étaient floues. Plusieurs universités se sont organisées selon leurs moyens. Cela a donné une rentrée avec des amphis surchargés dans certaines universités, des gestes barrières pas toujours respectés », relève Helno Eyriey, vice-président de l’Unef. « Beaucoup ont alors rapidement pris des mesures pour dédoubler les effectifs, mais d'autres n’ont pas pu faire autrement, faute de moyens. La Sorbonne Nouvelle avait décidé dès l'été d'instaurer une alternance par jour de naissance : les étudiants nés un jour pair viennent les semaines paires et ceux nés un jour impair viennent les semaines impaires. L’université de Montpellier a fait le choix d’alterner cours numériques et cours en présentiel le même jour, donc c’est très compliqué en terme de présence dans les locaux », poursuit-il.

Les étudiants face à l’enseignement hybride

« On avait demandé bien avant la rentrée une augmentation des moyens pour les établissements afin que les cours puissent se passer en présentiel en respectant les mesures barrières », explique Paul Mayaux, président de la Fage. Même requête du côté de l’Uni et de l’Unef. Les organisations étudiantes sont d’accord sur la nécessité pédagogique de privilégier les cours en présentiel. En effet, les cours à distance se résument bien souvent à des cours filmés par l’enseignant. « Il n’y a pas le côté pratique, primordial dans certaines filières, ni les échanges avec l’enseignant qu’on peut avoir en présentiel », déplore Helno Eyriey. À l’Uni, c’est le « gros biais de l’enseignement à distance » qui est pointé du doigt.

« La seule solution pour que la formation et que les diplômes de l’enseignement supérieur restent de qualité, c’est de faire cours en présentiel », soutient Jacques Smith. « Avec les examens à distance, nos diplômes sont bradés et l’enseignement supérieur s’en retrouve déclassé ». Le représentant syndical indique rester vigilant sur les modalités des partiels à venir. « Nous ne voulons pas nous retrouver avec des 10/20 délivrés d’office comme dans certaines universités l’année dernière », prévient Jacques Smith. « À côté des directives qui sont données par le ministère, il y a la liberté pédagogique des établissements d’enseignement supérieur », rappelle Paul Mayaux. L’Unef plaide pour un plus grand cadrage afin que les traitements soient les mêmes et qu’il y ait un maximum de cohérence entre les différentes pédagogies employées et dans le traitement des étudiants à l’échelle nationale.

Initialement, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, avait demandé aux établissements de privilégier le présentiel pour les étudiants de 1re année. « Mais on a constaté très peu d’universités qui ont mis en place une organisation spécifique », déclare Helno Eyriey. Pour les néo-bacheliers, cette première rentrée étudiante aura le goût de l’étrange. Déjà impactés par la crise sanitaire durant leur dernière année de lycée, ils doivent fournir beaucoup plus d’efforts pour s’adapter à leur nouvel univers… « On peut se demander si les L1 ont le niveau requis pour une première année dans l’enseignement supérieur », alerte Jacques Smith qui craint un potentiel échec de masse.

« Une minorité d’étudiants nous disent qu’ils sont satisfaits des cours à distance et de la jauge à 50 % comme réponse à la crise sanitaire à condition de leur donner les moyens de pouvoir suivre correctement », explique Paul Mayaux. En effet, la même problématique qui s’est posée lors du confinement demeure pour certains : la difficulté d’accès à une connexion internet ou à un ordinateur.

La crise sanitaire accentue la précarité étudiante

Des mesures d’urgences avaient été mises en place durant le confinement pour contrer les difficultés économiques des étudiants. À la rentrée, le montant des inscriptions à l’université a été gelé pour l'année 2020-2021, les bourses ont été revalorisées, le repas à 1 euro dans les restaurants universitaires pour les boursiers a été instauré. Mais pour la Fage, il faut aller plus loin en réformant en profondeur le système de bourses sur critères sociaux.

« Pour ceux qui n’entrent pas dans les critères d’attribution et qui ont en plus des difficultés à trouver un job actuellement, c’est la double-peine », souligne Paul Mayaux. « En 30 ans, on n’avait jamais vu une telle situation de précarité. Nous avons distribué près de 30 000 paniers repas depuis le début de la crise sanitaire à travers nos épiceries solidaires. Certains étudiants ne mangent pas durant plusieurs jours », s’alarme le président de la Fage.

Les étudiants sont dans l'incertitude pour le semestre à venir, voire pour l'année à venir. La vie étudiante est impactée par les mesures sanitaires. Les soirées et évènements qui permettent de créer du lien au sein des établissements ont été largement ralentis. « Mais cette situation crée aussi de l'entraide parmi les étudiants », affirme Jacques Smith.

« Retomber dans un confinement serait catastrophique. D'après un sondage que nous avons réalisé avec Ipsos, 73 % des étudiants ont déclaré avoir été affectés au niveau de leur santé mentale durant cette période », prévient Paul Mayaux.

Pour l'heure, il n'est pas question de fermer à nouveau l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, même si selon Santé publique France, ils recensent un tiers des clusters identifiés depuis la rentrée. « Un cluster est défini par au moins 3 cas confirmés ou probables, dans une période de 7 jours, appartenant à une même communauté ou ayant participé à un même rassemblement de personnes, qu’ils se connaissent ou non », définit Santé publique France.

Des mesures sont prises au cas par cas lorsque des clusters sont identifiés. Cela peut aller de la fermeture partielle à la fermeture complète de l’établissement pour une durée déterminée. Dans ce cas, les étudiants suivent l’intégralité des cours à distance.

 

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Actu mise à jour le 09-10-2020 / créée le 09-10-2020

Crédit photo : Pixabay