« Les rires et les larmes, rien n’était joué, tout était vrai » : Ceux qui rougissent, la série adolescente qui flirte habilement avec le documentaire
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La série "Ceux qui rougissent" nous plonge dans l'univers d’un groupe de lycéens en option théâtre. Confrontés aux méthodes inhabituelles d'un professeur remplaçant, ces jeunes finissent par se prendre au jeu et à se découvrir par la pratique artistique. Cette série, à regarder ici, met en scène des acteurs débutants comme Anaëlle Heroguelle et Nicolas Kessler jouant leurs propres rôles, et offre un regard authentique et drôle sur l'adolescence et le pouvoir transformateur du théâtre.
Comment avez-vous été sélectionnés pour votre rôle dans la série Ceux qui rougissent ?
Anaëlle Heroguelle : J’étais lycéenne en seconde à Reims lorsque j’ai participé au casting. J’ai commencé le théâtre en classe de 3ᵉ, inscrite par mes parents pour m’aider à m’ouvrir aux autres. Notre prof nous a partagé une annonce de casting, et avec Charles, un camarade qui joue aussi dans la série, nous avons décidé d’envoyer une vidéo. Être sélectionnée me paraissait totalement impossible. Lors du casting, je n’ai pas su comment réagir face à la caméra : j’étais très gênée et, à un moment, j’ai même senti les larmes monter. Mais j’avais été moi-même et c'est peut-être cela qui m'a valu d'être rappelée pour un second tour à Paris. Je n’en revenais pas ! Jusqu'à la veille du tournage, je pensais qu'il devait y avoir une erreur.
Nicolas Kessler : Certains ont été repérés dans les lycées, d’autres en casting, et c’est mon cas. Comme je vis en Moselle, j’ai passé le casting à Strasbourg. C’était mon premier casting et un rêve qui se concrétisait : à trois ans, je voulais devenir clown, puis à huit ans, j’ai commencé le théâtre. J’organisais des spectacles pour les voisins de mon âge, mais il ne fallait pas qu’ils bougent ou qu’ils parlent, sinon je m’énervais ! Lors du casting, j’étais très intimidé, surtout parce que ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais. Ce n'était pas la scène classique avec un jury vous observant réciter un texte. Au contraire, nous étions un groupe d'une trentaine de jeunes réunis dans une salle. Quand Julien (Julien Gaspar-Oliveri, le réalisateur, co-scénariste et interprète de la série, NDLR) est entré, un silence s'est installé. Il ne disait rien, se contentait de nous observer, avant de s’approcher soudainement de quelqu’un pour lui demander pourquoi il était là, ce qu’il voulait faire de sa vie, pourquoi il souhaitait devenir comédien. Plus tard, on nous a demandé d'écrire sur nos peurs ou de rédiger une lettre imaginaire venant de quelqu'un dont on aurait aimé entendre les mots. Ensuite, chacun a lu son texte devant le groupe. Dans l'après-midi, nous avons été invités à utiliser ces écrits pour créer des scènes en petits groupes. Cette expérience nous a poussés à partager des éléments très personnels et émouvants. Je pense que c'est précisément cet exercice qui a mis en avant notre fébrilité et notre sensibilité.
Presque un an plus tard, le tournage débute pour vous et neuf autres adolescents. À ce moment-là, vous n’aviez toujours pas reçu le scénario ?
Nicolas Kessler : C’était pendant les vacances d’été, et quel job d’été ! La veille du début du tournage, nous avons pris le train tous ensemble pour Angers, sans vraiment savoir à quoi nous attendre. Le processus était inversé : au lieu de créer des personnages et de sélectionner des acteurs pour les incarner, Julien et la production ont d'abord choisi des personnes, puis ont écrit en fonction de leurs profils. Ainsi, le jeu des comédiens et l’écriture des scénaristes se complétaient mutuellement. Alors que je m’imaginais un tournage traditionnel, avec coiffure et maquillage le matin, en espérant que ça masque mes joues qui rougissent (rires), la réalité sur le plateau était tout autre. Même les vêtements étaient les nôtres ! La costumière nous avait demandé, quelques mois avant le tournage, d'envoyer des photos de nos tenues quotidiennes pendant une semaine afin de créer des ensembles à partir de nos propres vêtements.
Anaëlle Heroguelle : Comme le personnage était écrit à partir de nous, nous n’avions pas grand-chose à jouer. À part quelques phrases, il n’y avait pas de texte. La plupart du temps, c’était de l’improvisation : un exercice était proposé, et l'épisode se construisait autour de ça. Beaucoup d’entre nous n’avaient jamais vu de caméra, et certains participants n'avaient même jamais fait de théâtre. Cela a permis à la caméra de capturer de nombreuses premières fois, ce qui contribue à l’authenticité de la série. C’est aussi ce qui crée cette impression de mélange entre documentaire et fiction. Même en tant qu'acteurs, nous avions parfois du mal à savoir si Julien nous donnait des indications pour la série ou en tant que comédiens.
Au fil des épisodes, on assiste à la formation d’un groupe d’adolescents soudé, qu’en était-il sur le tournage ?
Anaëlle Heroguelle : Au départ, c’est un groupe de jeunes avec beaucoup de hiérarchie, mais quand ce nouveau professeur arrive il fait découvrir une nouvelle approche du théâtre et une façon différente de percevoir les autres. Julien, il a été fort : il a réussi à créer un vrai groupe, autant à l’écran que dans la vie. La scène la plus intense est celle de la fin. Nous étions face à la caméra, avec Julien derrière, et je me souviens qu'il nous a murmuré, les pouces levés, qu’il était fier de nous. On voit beaucoup de larmes, car c’était tellement émouvant, d’autant plus que le tournage touchait à sa fin.
Nicolas Kessler : Les émotions, les rires, les larmes… rien n’était joué, tout était vrai. L'ambiance sur le plateau était très particulière : techniquement, seule une équipe réduite était présente, avec deux caméramans et un perchiste. Le reste de l'équipe technique, notamment la console son, se trouvait à l’extérieur, dans un box à côté du gymnase où nous tournions. Cela donnait presque l’impression d’assister à un vrai cours de théâtre, au point qu’on oubliait presque que c’était un tournage. Chaque épisode se filmait en deux jours, le tournage a donc duré 16 jours, mais nous sommes restés un mois sur place, tous hébergés dans une auberge de jeunesse. On repart avec des potes qu’on va garder longtemps, je pense ! L’équipe était formidable et il est important de mentionner Liza Ndikita, notre coach et seconde assistante à la mise en scène. Elle a été un grand soutien psychologique, jouant presque un rôle de grande sœur pour nous.
Qu’avez-vous appris de précieux sur vous-même en jouant dans cette série ?
Nicolas Kessler : Jusqu’ici, j’avais surtout joué des personnages comiques. Mais pendant ce tournage, j’ai découvert une certaine mélancolie dans mon jeu que je ne soupçonnais pas. Nous avons visionné la série, en avant-première, au festival Séries Mania au côté du public. C’était très intimidant d’être entouré d’inconnus, mais, après la projection, tout le public s’est levé pour nous applaudir. Toutes les peurs se sont envolées. Je me suis senti tellement vivant, c’était magique. Aujourd’hui, j’ai envie de poursuivre de nouveaux projets que ce soit au théâtre, au cirque ou à la télévision. Dans ma famille, personne n’est comédien ou artiste, mais ils sont tous très théâtraux et expressifs (rires) ! Ils ont toujours été ouverts d’esprit et m’ont laissé suivre mes envies. Cette année, j’ai décidé de laisser de côté mon BTS en management commercial opérationnel, car après une première année, j’ai réalisé que passer huit heures en classe n’avait pas de sens alors que je n’aspirais qu’à être sur scène.
Anaëlle Heroguelle : De mon côté, cette expérience m'a appris à lâcher prise et à être moi-même. Dans les premiers temps, je faisais très attention à ce que je disais ou faisais. Mais après plusieurs heures d’affilée de tournage, on finit par être moins dans le contrôle et laisser échapper des choses. Par exemple, ma réplique "Je fais l'arbre" est sortie tout naturellement. Je ne pensais pas qu'elle serait gardée au montage, mais elle y est et ça fonctionne bien. Ce tournage m'a aussi permis de vivre des émotions uniques que seul le théâtre peut offrir, surtout lors de l’épisode du vestiaire, qui ne devait pas exister à l’origine et qui nous a tous profondément touchés. C'est pour ces instants magiques que j'aime tant faire du théâtre. Même si je n’ai plus trop le temps de pratiquer depuis que j’ai commencé des études de médecine, je continue à lire des pièces et à en regarder parce que j’adore ça. Et pour la suite, on verra ce que l’avenir nous réserve, ce n’est pas encore fini.
Nicolas Kessler : Oh non, c'est loin d'être fini, ce n’est même que le début !
Laura El Feky © CIDJ
Article mis à jour le 30/10/2024
/ créé le 30-10-2024
Crédit photo : ©Melocoton