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Végan ou végétarien : un choix facile à vivre au quotidien ?

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Végan ou végétarien : un choix facile à vivre au quotidien ?

Ils ont entre 18 et 23 ans et s'interrogent sur notre modèle sociétal dans lequel l’homme domine et exploite les animaux. Lou et Coline sont véganes, Pierre-Louis est végétarien. Ils nous racontent leur parcours pour faire accepter et vivre au mieux leurs choix.

« L’idée de manger de la viande me dérangeait mais je ne pensais pas devenir végétarienne un jour. Encore moins végane », convient Lou, 18 ans, en prépa littéraire. Coline, 21 ans, titulaire d’un master en géographie, avait, elle aussi, des scrupules à manger de la viande depuis toute petite, avant d’y renoncer définitivement. Quant à Pierre-Louis, 23 ans, en master d’enseignement, c’est au contact de sa petite amie qu’il est devenu végétarien. Tous les trois évoquent une transition progressive et réfléchie vers des modes de consommation qui surprennent parfois leur entourage familial.

De la prise de conscience au végétarisme

La remise en cause de la consommation de produits animaux (viande, poisson, fruits de mer, mais aussi œufs, miel et produits laitiers) devient de plus en plus pressante dans la société. Particulièrement parmi les jeunes, très sensibilisés aux conséquences du changement climatique, de la surconsommation et de l’exploitation animale sur la planète.

« Depuis petite, je ne voulais pas manger de viande, mais à la maison on me disait qu’il le fallait pour ma croissance. Alors, je n’insistais pas, je mangeais ce que ma mère me préparait. Mais à partir du collège, je demandais des plats sans produits animaux à la cantine », raconte Coline. Suite au visionnage d’une vidéo tournée dans un abattoir lorsqu’elle a 16 ans, elle prend la décision de devenir végétarienne. « Il est vrai que les enquêtes d’associations comme la L214 sur le sort réservé aux animaux, ont provoqué une prise de conscience dans la société, particulièrement chez les jeunes. C’est bien, car s’imaginer et voir sont deux choses différentes », affirme Élodie Vieille Blanchard, présidente de l’Association végétarienne de France.

Lou, végétarienne pendant un an et demi avant de devenir végane, raconte un processus « assez lent » : « J’ai peu à peu réduit ma consommation de viande et de poisson. Pendant cette phase de transition, j’ai décidé de continuer à en manger un peu, uniquement ce qui me faisait vraiment plaisir. Mais le sujet du bien-être animal me travaillait ». Pas question pour elle d’entendre parler de « flexitarisme ». Issu de la contraction des termes « flexible » et « végétarisme », ce mot-valise renvoie à une pratique visant à consommer moins de produits animaux en privilégiant la qualité, sous-entendu la qualité de l’élevage. « C’est du marketing selon moi. Je pense que naturellement chacun a une consommation de viande qui est fluctuante. Après, c’est très bien de réduire », estime-t-elle.

Pierre-Louis n’achetait plus de viande depuis un moment en raison du prix élevé. « Je n’en mangeais qu’à l’extérieur. Et puis le fait que ma copine soit végane m’a conduit à en manger de moins en moins ». Devenu totalement végétarien depuis janvier 2020, le jeune homme ne vit pas son choix comme une contrainte. Il n’envisage pas pour autant de devenir végan dans un proche avenir. « Pour l’instant, j’essaie de trouver mon équilibre. Peut-être que plus tard, je supprimerai les œufs, le miel et les produits laitiers de mon alimentation pour devenir végétalien, puis végan ».

Pour Lou et Coline, le végétarisme est un premier pas vers le véganisme, un mode de vie qui proscrit tout produit issu de l’exploitation animale. Cela comprend le cuir, la laine ou encore la soie. « Historiquement, on devient d’abord végétarien puis progressivement végan », remarque Élodie Vieille Blanchard.

Choisir d’être végan remet en cause le modèle dominant

Exploiter ou tuer des animaux n’est pas nécessaire, il est possible de faire autrement. C’est ce constat qui a motivé Coline et Lou à franchir le cap du véganisme. « Dès le départ, je savais que ça ne me suffirait pas d’être végétarienne. Mais c’est compliqué de tourner le dos aux coutumes alimentaires dans lesquelles on a été élevé. Cependant, mes convictions étant de plus en plus fortes, je n’avais plus envie de continuer comme avant ». Ses parents s’inquiètent pour sa santé et redoutent les carences « par manque d’information », analyse simplement Lou.

« En France, on dramatise un peu. On a l’impression que si on ne mange pas de viande ou de poisson, on va manquer de protéines ou d’acides aminés », renchérit Élodie Vieille Blanchard. « Surtout, on pense que manger ces produits dispense de s’interroger sur sa nutrition ».
« Toutes les personnes ancrées dans des traditions ont des croyances sur les modes de vie et sur l’alimentation qu’elles ne veulent pas remettre en question ». C'est ainsi que Coline analyse la réticence de sa grand-mère et de son père : « Ils estiment que je me complique la vie pour me nourrir et pensent qu'être végan concerne uniquement l'alimentation. Mais ils ont certainement plus de carences que moi car ils n’ont pas une alimentation très variée. »

« Même si c’est un choix personnel, certains peuvent se sentir attaqués », ajoute Lou. Son père a vu dans le véganisme un choix extrême. À force de débats et de discussions, les choses ont évolué dans le bon sens. « Il a quand même une certaine ouverture d’esprit », admet la jeune femme.
« Ma décision a été difficile pour mon père qui est très attaché à la consommation de produits animaux. Mais il l’accepte et la prend en compte lorsqu’il prépare les repas », raconte Pierre-Louis.

« Les adultes vont trouver plus de justifications pour expliquer la consommation de viande ou de poisson. Ils avancent l’argument du devenir des éleveurs, par exemple », décrypte Élodie Vieille Blanchard. « Il y a moins de blocage chez les jeunes qui sont peut-être plus idéalistes. Ils sont davantage prêts à changer. »

La présidente de l’Association végétarienne de France estime tout de même préférable pour un jeune qui vit chez ses parents de faire ce choix dans une démarche commune. « Ce n’est pas très agréable de devoir enlever la viande ou le poisson d’un plat préparé par ses parents. Il vaut mieux cuisiner quelque chose de spécifique. » Choisir de devenir végétarien ou végan implique aussi d’en accepter les contraintes.

Être végan demande quelques efforts au quotidien

Le choix de Lou a incité ses parents à s’organiser autrement. « La viande ou le poisson sont cuisinés à part. Certains jours, je me prépare un complément en légumineuses ». Elle signale que manger végétarien à la cantine est possible, mais végan est un peu plus compliqué. « J’apporte donc le surplus du repas de la veille pour avoir les nutriments et protéines nécessaires. « Lorsque je vivais chez elle, ma mère me faisait comprendre que c’était à moi de m’adapter. Je m’occupais de mes repas et je n’ai pas trouvé ça compliqué », raconte Coline.

Pierre-Louis, Coline et Lou s’accordent pour dire que leur choix ne leur coûtent pas plus cher au quotidien. Ils achètent des produits bruts comme des légumineuses, des légumes, des fruits, parfois en vrac. Ils consomment peu de produits transformés comme les steaks ou crèmes de soja. Aucun ne regrette sa décision et ne souhaite revenir en arrière. Quand on leur demande s’ils ont ressenti un manque par rapport à leur ancienne alimentation ils répondent par la négative. « En revanche, j’ai pu ressentir de la frustration de voir que certains produits dont on pourrait penser qu’ils sont végans contiennent des produits d’origine animale alors que ce n’est pas du tout nécessaire », déplore Lou. « On retrouve des protéines de lait dans du chocolat noir par exemple ».

Même si dans sa vie d’avant, elle aimait le fromage et la viande, Coline dit ne pas se sentir frustrée car ses convictions sont très fortes. « Je fais attention aux étiquettes. Ça prend plus de temps pour faire les courses », explique-t-elle.  « Je n’ai pas le sentiment de moins bien manger et d’avoir perdu en goût ni en saveurs. Au contraire, je fais parfois plus d’efforts pour faire des plats un peu plus travaillés pour me faire plaisir. Même si au quotidien, je reste assez basique ».

« Avant de comprendre à quel point devenir végane était important pour moi, mes parents m’ont un peu reproché de privilégier mes propres choix plutôt que le vivre ensemble », se rappelle Lou. « Mes relations sociales et amicales n’ont pas été altérées pour autant. C’est vrai qu’avant d’aller au restaurant, il faut anticiper pour en trouver un où tout le monde peut trouver son compte. La société n’est pas encore adaptée pour les personnes qui ont fait ce choix. Alors, dès que je peux, je demande s’il y a des plats végans. Cela permet de connaître l’offre existante mais aussi de montrer qu’il y a une attente. On peut contribuer ainsi à aller vers un changement », poursuit-elle.

« Pour m’aider, j’ai téléchargé une application qui recense dans les grandes villes les restaurants proposant des plats végans ou ceux 100 % végans. C’est une application de l’association L214 que je trouve pratique », indique Coline. « Je suis aussi dans un groupe local sur Facebook, sur lequel on partage des bons plans, des adresses, des recettes. » Pour elle, voir les autres manger des produits animaux est souvent difficile à vivre. Elle essaie alors d’exposer ses arguments, au risque d’irriter un peu. « Au même titre que la religion ou la politique, c’est un sujet hyper sensible », concède-t-elle. « Je me considère comme une militante dans le sens où j’ai moi-même changé mon mode de vie, mais je ne mène pas d’actions ».

S’assurer d’avoir les bons apports nutritionnels

Manger végétarien ne semble pas si compliqué si l’on en croit Pierre-Louis. « J’ai l’impression que c’est relativement plus facile qu’avant. Je ne me sens pas isolé ou en décalage par rapport à mon entourage. J’ai facilement laissé tomber le kebab de fin de soirée que j’avais l’habitude de prendre au profit d’une alternative végétarienne ».

À la demande de ses parents, Coline se soumet à des bilans sanguins. Depuis qu’elle est végane, elle prend des compléments alimentaires de vitamine B12 indispensable au bon fonctionnement neurologique. « La position officielle est qu’il faut une supplémentation en vitamine B12, c’est un point de vigilance chez les végétariens et les végans », explique Élodie Vieille Blanchard.

Lou estime avoir pu trouver les informations dont elle avait besoin. « Mais c’est un choix de vie qui est assez peu mis en valeur dans l’éducation ». « La loi EGalim* a permis un petit changement en instaurant un repas végétarien par semaine dans les cantines », reconnaît Élodie Vieille Blanchard.

« J’essaie de faire attention à mes apports nutritionnels, mais je ne sais pas si c’est vraiment le plus optimum. J’y travaille en tout cas », déclare Pierre-Louis. Il trouve que ce n’est pas évident de trouver des infos lorsqu’on est novice. Sur ce point Élodie Vieille Blanchard pense « préférable de se tourner vers des structures historiques » tout en étant rassurante sur ce qu’on peut trouver sur Internet. « J’ai rarement vu des discours problématiques comme celui qui prône de tout manger cru », déclare-t-elle.

Pour l’instant, ce sont les sites d’associations ou les réseaux sociaux qui sont les principales sources d’informations pour les jeunes qui veulent en savoir plus sur le végétarisme et le véganisme.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est récemment emparée du sujet. Elle a lancé une étude sur les risques nutritionnels encourus par une alimentation végétarienne ou végétalienne. Les résultats sont attendus pour fin 2021. Elle pourrait à cette occasion délivrer des recommandations à destination des personnes ayant choisi ces modes d’alimentation.

Lexique

- Végétarisme : le végétarien exclut de son alimentation la viande, le poisson et les crustacés, mais il conserve les œufs, le miel et les produits laitiers.

- Végétalisme : le végétalien mange exclusivement des produits végétaux.

- Véganisme : le végan exclut tout produit d’origine animale et lié à l’exploitation animale : viande, poisson, œufs, fruits de mer, miel, produits laitiers, ainsi que le cuir, la laine, la soie.

- Flexitarisme : le flexitarien est la plupart du temps végétarien, mais il consomme à l’occasion des produits animaux dont il s’assure de la qualité.

*Loi EGalim : depuis le 1er novembre 2019, la loi Agriculture et Alimentation impose à toutes les cantines scolaires de proposer, au moins une fois par semaine, un menu végétarien cuisiné avec des protéines végétales, des légumineuses, des céréales, des œufs et/ou des produits laitiers. Il s’agit d’une expérimentation sur 2 ans mais aucune sanction n’est prévue par la loi quant à sa mise en place.

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 06-10-2020 / créé le 06-10-2020