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Halte aux clichés : les jeunes savent écrire et ils aiment ça
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Les conclusions d’une récente enquête tordent le cou aux idées reçues. Non seulement les jeunes écrivent tous les jours pour répondre aux exigences scolaires, mais ils le font aussi pour leur plaisir. La multiplication des réseaux de communication électroniques n’y est pas étrangère.
Écriture sans frontière
« On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans […] Vous êtes amoureux. Loué jusqu’à mois d’août. Vous êtes amoureux. − Vos sonnets La font rire. Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût. − Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire… ! − Ce soir-là,… − vous rentrez aux cafés éclatants, Vous demandez des bocks ou de la limonade… − On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.» Que reste-t-il de la poésie de Rimbaud ? Les jeunes de 2023 ne sont-ils pas sérieux ou ne sont-ils pas pris au sérieux ? Loin des clichés, les ados écrivent. Pas toujours en vers, mais parfois à la plume ! C’est le constat à tirer de la nouvelle enquête « Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ? », réalisée par Christine Mongenot et Anne Cordier. Pour arriver à cette conclusion, Lecture Jeunesse et l'INJEP, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, ont compilé les réponses de 1 500 jeunes Français âgés de 14 à 18 ans, mais aussi réalisé une cinquantaine d’entretiens individuels.
Peu importe le support pour peu qu’il y ait l’allégresse
Pour cette enquête, l’Observatoire de la lecture des ados a souhaité analyser toutes les formes possibles d’écriture. Et un chiffre en particulier sort du lot : « Au total, 92 % des jeunes ont une activité de scripteur déclarée ». Comprendre le « scripteur » par « l’émetteur » d’un message écrit. Parmi ces jeunes interrogés, 59% estiment écrire « tous les jours ou presque ». Et ces écrits ne sont pas essentiellement scolaires : SMS, liste de course, rédaction de fanfiction ou de bande dessinée, tweets ou posts Instagram …
Le rapport insiste sur le fait que : « les jeunes écrivant sur les réseaux sociaux rédigent plus que la moyenne quels que soient les types d’écrits considérés, et quels que soient les formats ou les supports (+13 %, pour les messages ou mots d’amour, +7 % pour les messages écrits à la main à des amis, +16 % pour les brouillons de publications sur les réseaux sociaux, +10 % pour des contenus sur un blog ou +6 % pour des histoires et fanfictions) ».
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Des billets et des fictions au format électronique
Envoyer un DM (message privé sur Instagram) serait moins littéraire que de rédiger des vers à la Rimbaud ? En pratique, le rapport démontre que ces nouvelles façons d’écrire bénéficient de moins de reconnaissance que les formats considérés comme plus scolaires.
L’enquête relève un sentiment d’illégitimité chez beaucoup de jeunes à se définir comme « scripteur », lorsque ces derniers ne pratiquent pas une activité d’écriture encadrée, comme la rédaction d’une lettre, d’un essai ou d’une carte.
Souvent moins valorisés par leurs aînés, les écrits publiés sur les réseaux sociaux sont pourtant des sources de créativité chez les jeunes. L’étude souligne d’ailleurs que 39 % des jeunes interrogés écrivent occasionnellement ou régulièrement des paroles de chansons ou de rap, 43 % des histoires ou des fanfictions, et que près d’un jeune sur trois participe à l’écriture de traductions de mangas !
La plume est éternelle
Malgré les heures passées à la rédaction de contenus numériques, les jeunes n’ont pas complètement délaissé la plume. Ils sont même 81 % à considérer qu’écrire à la main est toujours utile. Une des principales raisons avancées est que l’écriture manuscrite permet de mieux mémoriser un texte ou une leçon, contrairement à la retranscription sur l’ordinateur.
Dans le rapport, les jeunes rencontrés en entretien individuel s’interrogent sur la complémentarité des deux techniques d’écriture. Pour Tia, 16 ans : « Je me rends compte que quand j’écris des messages, j’ai tendance à faire des fautes. J’ai toujours eu un bon niveau en français, mais quand j’écris par SMS, je ne fais pas attention, j’essaie d’aller au plus vite, avec des abréviations, tout ce que je ne fais pas quand j’écris pour mes livres. »
La capacité à utiliser les différents codes de langage, alternant entre les écrits scolaires et ceux dédiés aux réseaux sociaux, semble primordiale. Surtout lorsque les derniers résultats des évaluations nationales de 4e en mathématiques et en français sont considérés comme « inquiétants » par le ministre de l’Éducation nationale (en français, 32,5% des collégiens ont un niveau faible et 38,5% ont un niveau fragile). Selon le rapport, il s’avère nécessaire que les médiateurs parviennent à mieux appréhender les pratiques littéraires des jeunes pour les aider à développer leurs apprentissages. Soit de travailler le fond pour améliorer la forme.
Perrine Basset Fériot © CIDJ
Actu mise à jour le 06-12-2023
/ créée le 06-12-2023
Crédit photo : Anna Gorbacheva - iStock