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Le sexe ne fait plus recette
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En France comme ailleurs, les sondages sont formels : la fréquence des rapports sexuels des moins de 25 ans recule. Crise sanitaire et fascination pour les écrans n’y seraient pas étrangères.
On devrait se méfier des sondages, l’adage est bien connu. Il ne se passe pas une élection présidentielle, même contrariée par une double crise — sanitaire avec le Covid-19 et géopolitique avec l’Ukraine —, sans qu’un candidat ne l’affirme haut et fort. Rien n’est jamais joué avant le match. Et pourtant, depuis 1965, les prévisions des sondeurs ont toujours fait mouche à quelques points près sauf en 2002 où Jean-Marie Le Pen s’est invité au second tour sans crier gare. L’exemple qui confirme la règle, histoire de rappeler que rien n’est vraiment joué avant le jour J. Mais le problème en matière de relations intimes : c’est la disparition des jours J comme autant d’occasions ratées de conclure.
Rapports sexuels en panne
Ainsi les résultats de baromètres s’enchaînent et se ressemblent. En février 2022, l’IFOP et Sidaction révélaient que 43 % des 15-24 ans n’avaient eu aucun rapport sexuel au cours des 12 derniers mois. À la question de savoir si, au jour du sondage, ils avaient un partenaire sexuel régulier seulement 41 % des interrogés ont répondu par l’affirmative. Quant à se demander si ceux-là, manifestement plus enclins à badiner avec l’amour, ont eu, en sus du « régulier », un ou plusieurs autres partenaires sexuels, la réponse est claire. C’est non à 93 %. Don Juan, Casanova, Valmont… tous ces « héros » de la littérature, étudiés et disséqués en classe, ne feraient donc plus d’émules ? Et bien non.
La faute à la crise sanitaire pour certains. « La crise sanitaire et les mesures de distanciation ont mis à mal les mécanismes de sociabilité́ des jeunes », écrivent les auteurs de la 6e vague du baromètre sur la jeunesse dont la synthèse est consultable ici. Ainsi, 63 % des 18-30 ans déclarent souffrir d’un manque de contact avec leurs amis et autres connaissances. De la solitude pour tous, mais surtout pour les femmes, les jeunes parents et les jeunes célibataires. Seuls 9 % des sondés ne se sentent pas concernés par ce sentiment d’abandon. Quant à connaître la fréquence des rapports sexuels des moins déprimés… ce n’était pas l’objet de ce baromètre.
En solo ou en duo, le sexe n'attire plus
Mais outre-Atlantique, on se penche sur cette épineuse et vaste question. Ainsi, Debby Herbenick et ses collègues ont entrepris l’épluchage de nombreuses données portant sur les pratiques intimes des femmes comme des hommes, âgés de 14 à 49 ans. Il ressort qu’en dix ans, l’activité sexuelle en couple s’est effondrée tout autant que celle pratiquée en solo. Particulièrement chez les adolescents, l’onanisme est en chute libre. Entre 2009 et 2018, la proportion d’adolescents ne déclarant aucune activité sexuelle est passée de 28,8 % à 44,2 % chez les jeunes hommes et de 49,5 % à 74 % chez les jeunes femmes. Si les auteurs rappellent, en préambule à leurs conclusions, que la sexualité contribue « à la santé mentale et physique, au développement de l’identité sexuelle et de genre, à la reproduction, à la fonction cognitive, au bonheur, au plaisir et au bien-être sexuels, aux relations interpersonnelles et à la qualité de vie », ils peinent à expliquer les raisons de ce désamour pour cette activité reproductive comme récréative.
Dans la revue Scientific American, deux des auteurs — Debby Herbenick et Tsung-chieh (Jane) Fu — se sont néanmoins risqués à avancer quelques hypothèses. Conscients qu’il n’y a pas une seule raison, mais plusieurs qui parfois s’additionnent, ils considèrent que le temps passé sur les réseaux sociaux comme sur les jeux vidéo nuit gravement à la santé sexuelle. Ils pointent également l’essor du « sexe brutal », popularisé dans la production pornographique, où étouffement et étranglement s’imposent au même titre que la fellation et le cunnilingus auparavant. Si ce n’est que ces « nouvelles pratiques » pourraient effrayer et dissuader de nombreux candidats de passer à l’acte.
Difficile de ne pas penser aussi à l’omniprésence du divertissement dans nos vies avec 3 h 41 de consommation quotidienne de télévision en France selon Médiamétrie. Ajoutez-y 3,6 h de manipulation de smartphone, 8 h de sommeil, quelques dizaines de minutes pour s’alimenter et le solde pour les études et/ou le travail… il ne reste alors plus grand-chose pour pratiquer la « chose ».
La rédaction © CIDJ
Actu mise à jour le 11-05-2022
/ créée le 11-05-2022
Crédit photo : Roman Odintsov - Pexels