Spécial IA Comment décrocher un stage avec l’IA ?
En bref
- L'intelligence artificielle (IA) s’immisce dans tous les pans de la vie étudiante, y compris dans la recherche de stage.
- Le recours à l’IA pour rédiger CV et lettre de motivation ne doit pas éclipser la touche personnelle essentielle à chaque candidature.
- La clé du succès : utiliser l’IA judicieusement et formuler des requêtes précises.
Surmonter le syndrome de la page blanche
Fini le casse-tête de la lettre de motivation grâce à l’intelligence artificielle (IA) ? Simon Devic, chargé d'insertion professionnelle au bureau d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP) de l’université de Nanterre, tempère l’enthousiasme général : « Dans la tournure des phrases, on sent tout de suite que quelque chose cloche quand une lettre est entièrement rédigée par l’IA. Le texte est certes bien écrit, sans fautes d’orthographe, mais il manque cette touche humaine ». Et paradoxalement, cette perfection apparente peut jouer contre le candidat. Le problème ne réside pas tant dans l’utilisation de l’IA pour rédiger une lettre de motivation, mais dans son usage maladroit. C’est pour cela que l’université de Nanterre vient de mettre en place des ateliers spécifiques. « L’objectif n’est pas d’encourager ou d’interdire l’utilisation de l’IA, mais plutôt d’enseigner les bonnes pratiques », rappelle Simon Devic. L’IA demeure « un outil, comme une calculatrice, qui fait gagner du temps, mais ne remplace pas le travail de l’étudiant ». S’il admet volontiers que l’IA peut « aider à surmonter le syndrome de la page blanche », il préconise de ne pas se contenter du premier résultat généré par la plateforme. « La proposition faite par une IA n’est qu’un point de départ. Le véritable travail commence ensuite, en affinant le texte, en conservant les passages pertinents et en reformulant le reste ». Au-delà de la simple rédaction, les IA génératives comme ChatGPT, Perplexity, Copilot, Gemini ou Mistral permettent d’enrichir ses candidatures spontanées. Valérie Deflandre, conseillère au CIDJ, suggère ainsi d’utiliser l’IA pour « bien définir l’objectif d’un stage, voire d’imaginer des missions à proposer à l’entreprise en tant que stagiaire » afin d’élaborer des candidatures plus concrètes, qui vont au-delà du sempiternel triptyque « motivé, dynamique, disponible ».
Améliorer son CV avec les bons mots-clés
Si l’IA s’invite de plus en plus dans les recrutements, c’est aussi bien du côté des candidats que des entreprises. Les recruteurs, déjà adeptes des ATS pour suivre et trier les candidatures, peuvent désormais exploiter l'intelligence artificielle générative « pour rédiger des offres d'emploi » ou « faire des premiers entretiens de présélection » grâce à des « chatbots augmentés », observe Sonia Houtarde, consultante en développement professionnel à l’Apec. Du côté des candidats, les assistants conversationnels s’avèrent pertinents pour « organiser ses recherches, s’informer sur les tendances d’un secteur, trouver des méthodes pour acquérir de nouvelles compétences ou même améliorer son CV », détaille Valérie Deflandre. Sur ce point, elle propose, par exemple, d’utiliser l’IA « pour identifier les mots-clés essentiels dans les offres d’emploi ou le répertoire des métiers de France Travail et de les intégrer à son CV ». Cependant, Simon Devic du BAIP de l’université de Nanterre met en garde contre une utilisation excessive : « Bien que certaines IA proposent la création automatique de CV, il est préférable de rédiger soi-même son CV sur un logiciel de traitement de texte classique et de l’exporter en PDF, car cela protège vos données personnelles et assure une meilleure lisibilité pour les algorithmes de recrutement ». Pour la préparation aux entretiens, Sonia Houtarde suggère de « demander à l’IA de générer des questions que pourrait potentiellement poser un recruteur à partir de l’offre de stage et de son CV préalablement anonymisé, c’est-à-dire en y supprimant les prénoms, noms et coordonnées ». L’IA peut aussi aider « à formuler des réponses à des questions délicates, comme celles liées à un manque d’expérience ou un trou dans le parcours professionnel ». Cependant, pour dénicher des offres de stages ou d’emploi, la consultante de l’Apec prévient que les outils de génération de contenus « ne sont pas de bons moteurs de recherche », sans compter leur impact environnemental considérable : « Une requête sur ChatGPT consomme 10 fois plus de carbone qu’une recherche sur Google ». En revanche, l’IA peut s’avérer utile pour « configurer des alertes sur des sites d’emploi ou rédiger des recherches avancées avec des opérateurs booléens (‘et’, ‘ou’, ‘sauf’) ». Idem sur le réseau professionnel LinkedIn, où l’IA peut aider à « optimiser son profil, rédiger des posts et formuler des demandes de contact ».
Prompt trop simple, réponse trop basique
Aux étudiants en recherche de stage, l’IA peut apporter une aide variée. À condition toutefois de bien formuler ses requêtes. À l’université de Nanterre, Simon Devic prévient les étudiants : « Si vous demandez simplement à l’IA de rédiger une lettre de motivation pour un stage de juriste, le résultat sera décevant ». Pour Yasmina Salmandjee, auteure des livres L’art du prompt et Chat GPT pour les nuls, la clé réside dans la formulation de requêtes « précises et détaillées » comprenant « le rôle attribué à l’IA, une tâche clairement définie et le contexte de la demande ». Sonia Houtarde, qui accompagne de jeunes diplômés et des cadres dans leur recherche d’emploi, recommande de fournir « un exemple de lettre ou une première ébauche que l’IA pourra ensuite améliorer ». Lors de ses ateliers, Simon Devic utilise souvent cet exemple de prompt qu’il a testé et validé : « Agis en tant qu'expert du recrutement. Voici une offre de stage pour le poste de [coller l'offre]. Voici mon CV [coller les informations]. Je suis actuellement étudiant en [coller les informations] et je recherche un stage de [durée]. Rédige une lettre de motivation la plus pertinente et professionnelle en trois parties : la première sur moi, la deuxième sur l'entreprise et la troisième sur notre future collaboration. » Il conseille également de « fournir le maximum d’informations », comme le site de l’entreprise, pour éviter toute confusion. Ainsi, pour une candidature adressée à MontBlanc, il est crucial de spécifier si vous souhaitez vous adresser au fabricant de stylos de luxe ou à la marque de crèmes desserts du même nom…
L’IA : un assistant, rien qu’un assistant
Bien que l’IA puisse impressionner par ses réponses immédiates, elle n’en reste pas moins imparfaite. « « Toutes les IA, et notamment ChatGPT, ne sont pas forcément connectées à Internet. Les réponses peuvent donc être obsolètes ou inexactes et parfois l’IA invente », prévient Yasmina Salmandjee. Parmi les autres problèmes relevés, Simon Devic pointe les incohérences potentielles ou les biais culturels : « Les IA sont généralement entraînées sur des données anglo-saxonnes ». Pour un CV, elles pourraient donc être tentées de « traduire le terme anglais education par éducation, alors que sur un CV français on parle plutôt de formation ou d’études supérieures ». L'utilisation de l'IA soulève aussi des questions en matière de protection des données. C’est pourquoi Simon Devic recommande d’utiliser, dans la mesure du possible, « des modèles d’IA open source, installés en local sur son ordinateur » afin que les données ne quittent pas nos appareils. Pour guider les étudiants, il n’hésite pas non plus à proposer « la règle des 60-40 » : « 60% du travail doit venir de moi, 40% de l’IA. C’est à moi de bosser plus que l’IA ». Surtout que, comme le rappelle Valérie Deflandre : « ChatGPT ne sera pas présent lors de l’entretien de recrutement pour souffler les réponses ! ». Simon Devic insiste aussi sur l’importance de l’esprit critique : « Certains étudiants ont tendance à se dévaloriser, pensant que l’IA fait tout mieux qu’eux. C’est faux. L’IA donne des résultats, mais elle n’a pas forcément raison ». Sonia Houtarde, consultante en développement professionnel, conclut : « Si l’IA est un assistant, nous restons le chef de projet ».
Focus
Peut-on utiliser ChatGPT pour son rapport de stage ?
La réflexion sur l’utilisation de l’IA et la place qu’on doit lui laisser dépasse le cadre des candidatures de stage et s’étend aussi à la rédaction du rapport de stage. C’est pourquoi certaines universités prennent les devants, comme celle d’Orléans qui a mis en place une charte pour les étudiants et le personnel afin d’encadrer l’utilisation de l’IA dans les productions académiques. Renseignez-vous auprès de vos enseignants pour connaître les règles dans votre établissement.