visuel sante des armees 12/2024

Bonne surprise Halte aux clichés : les jeunes savent écrire et ils aiment ça

Perrine Basset Feriot
Publié le 06-08-2024

En bref

  • Si les 14-18 ans écrivent tous les jours pour répondre aux exigences scolaires, ils le font aussi pour leur plaisir.
  • Ils produisent tous types d’écrits et pas uniquement sur des supports numériques : SMS, posts, messages d’amour, fanfictions, paroles de chansons ou de rap, histoires…
  • Étonnamment, les ados plébiscitent l’écriture manuscrite, considérée comme un atout pour mémoriser leurs cours.
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Si l’envoi rapide d’un SMS les conduit à négliger l’orthographe, composer sur papier rendrait les ados plus soucieux de la langue. Crédit : Anna Gorbacheva - iStock
59 % des jeunes Français aiment écrire.
Près de six ados sur dix écrivent quasi quotidiennement. Crédit : Jacky Jannot - CIDJ
« L’écriture, c’est des ratures, des corrections et beaucoup d’heures de travail », confie Line Papin, jeune autrice avec plusieurs romans à son actif. Crédit : Marine Ilario - CIDJ
39 % des jeunes Français écrivent des paroles de chansons ou de rap.
Écrire des paroles de chansons ou de rap, une pratique créative pour 39 % des jeunes Français. Crédit : Jacky Jannot - CIDJ

Écrire, peu importe le support

« On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans […] Vous êtes amoureux. ? […] Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire… ! ? Ce soir-là,… ? vous rentrez aux cafés éclatants, Vous demandez des bocks ou de la limonade… ? On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade. » Que reste-t-il de la poésie de Rimbaud ? Les jeunes de 2023 ne sont-ils pas sérieux ou ne sont-ils pas pris au sérieux ? Loin des clichés, les ados écrivent. Pas toujours en vers, mais parfois à la plume ! C’est le constat à tirer de la nouvelle enquête « Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ? », réalisée par l’association Lecture Jeunesse et l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. Pour parvenir à cette conclusion, ont été compilées les réponses de 1 500 jeunes Français âgés de 14 à 18 ans, mais aussi les données issues d’une cinquantaine d’entretiens individuels. Et toutes les formes possibles d’écriture ont été analysées. Un chiffre en particulier sort du lot : « Au total, 92 % des jeunes ont une activité de scripteur déclarée ». Comprendre le « scripteur » par « l’émetteur » d’un message écrit. Parmi les jeunes interrogés, 59 % estiment écrire « tous les jours ou presque » : SMS, liste de course, fanfiction, post Instagram … Le rapport insiste sur le fait que : « les jeunes écrivant sur les réseaux sociaux rédigent plus que la moyenne » tous types d’écrits, de formats ou de supports considérés (13 %, pour les messages d’amour, 7 % pour les messages écrits à la main à des amis, 16 % pour les brouillons pour publications en ligne) ».

Envoyer un DM, un message privé sur Instagram, serait moins littéraire que de rédiger des vers à la Rimbaud ? En pratique, le rapport démontre que ces nouvelles façons d’écrire bénéficient de moins de reconnaissance que les formats considérés comme plus scolaires. L’enquête révèle qu'il existe chez de nombreux jeunes un sentiment d’illégitimité et une réticence à se définir comme « scripteur », dès lors qu'il ne s'agit pas d'une activité d’écriture encadrée, comme la rédaction d’une lettre, d’un essai ou d’une carte. Souvent moins valorisés par leurs aînés, les écrits qu'ils publient sur les réseaux sociaux sont pourtant parmi les plus créatifs. Près de 40 % des jeunes interrogés inventent ainsi, occasionnellement ou régulièrement, des paroles de chansons ou de rap, plus de quatre sur dix élaborent des histoires ou des fanfictions, et environ un tiers participe à l’écriture de traductions de mangas ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les 14-18 ans se montrent très investis dans la pratique de l’écriture fictionnelle. Ainsi, lors des entretiens réalisés pour l'enquête, des mots comme « effort », « s’appliquer », « faire attention à », reviennent-ils pour exprimer leur implication et leur satisfaction d'avoir pu créer un texte dont ils sont fiers, grâce à un travail assidu. Dans cette quête, l’application « Notes » du smartphone apparait, pour bon nombre d'entre eux, comme un outil indispensable, car toujours à portée de main. Ils y stockent les idées qui surgissent et les ébauches qui prennent forme, plus facilement que dans un carnet où griffonner. Sans pour autant renoncer au bon vieux stylo.

Malgré les heures passées à la rédaction de contenus numériques, les jeunes n’ont pas complètement délaissé la plume. Ils sont même 81 % à considérer qu’écrire à la main est toujours utile. L'une des principales raisons avancées est que l’écriture manuscrite permet de mieux mémoriser un texte ou une leçon, contrairement à la retranscription sur ordinateur. Dans le rapport, les jeunes rencontrés en entretien individuel évoquent même la complémentarité des deux techniques d’écriture, comme Tia, 16 ans : « Je me rends compte que quand j’écris des messages, j’ai tendance à faire des fautes. J’ai toujours eu un bon niveau en français, mais quand j’écris par SMS, je ne fais pas attention, j’essaie d’aller au plus vite, avec des abréviations, tout ce que je ne fais pas quand j’écris pour mes livres. » La capacité à utiliser différents codes de langage, jonglant entre les écrits scolaires et ceux dédiés aux réseaux sociaux, apparait comme primordiale. D'autant plus que les derniers résultats des évaluations nationales de 4e en mathématiques et en français sont considérés comme « inquiétants » par le ministère de l’Éducation nationale (en français, 32,5% des collégiens ont un niveau faible et 38,5% ont un niveau fragile). Selon le rapport, une meilleure appréhension par les enseignants des pratiques de l'écriture des adolescents peut s’avérer utile au développement de leurs apprentissages. Soit travailler le fond pour améliorer la forme.

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