Informatique, numérique, web : où sont les femmes ?
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Les femmes ne représentent que 27% des salariés de l'informatique et du numérique et seulement 13% des effectifs des écoles d'ingénieur spécialisées. Un paradoxe puisqu’il y a 70 ans, la programmation des premiers ordinateurs étaient confiée à des femmes. Face à ce déséquilibre, les acteurs du web se mobilisent. Objectif : inciter les femmes à s’orienter vers l'informatique et le numérique, un secteur porteur.
Le numérique, comme la plupart des secteurs dits "techniques" sont encore majoritairement masculins. Et pourtant : les premiers codages informatiques ont été réalisés par des femmes. Mais que s'est-il donc passé entre temps ?
Et la femme… créa le code
... Qui s'appelle Ada Lovelace. Cette mathématicienne britannique, née en 1815, participe à la conception de la machine analytique de Charles Babbage. Pour donner des instructions à la machine, des cartes perforées sont utilisées. Ada Lovelace travaille sur la programmation de la machine et en définit le premier algorithme. Une centaine d’années plus tard, c’est une autre femme qui intervient sur les premiers ordinateurs.
Surnommée « la reine du code » dans un film qui retrace sa vie, Grace Hopper est une des premières programmeuses en informatique moderne. Née en 1906, elle s’engage, après son doctorat de mathématiques obtenu à l’université de Yale, dans la marine américaine. En 1943, elle intégre l'équipe en charge de développer le Harvard Mark I, le premier grand calculateur numérique construit aux Etats-Unis. Sa mission : le programmer. Elle travaille ensuite sur les ordinateurs Harvard Mark II et III. Grace Hopper est aussi à l’origine du développement du langage de programmation COBOL utilisé dans les applications de gestion.
Les codeuses des fifties
Dans les années 1950, l’heure est à la programmation des premiers ordinateurs. La tâche, proche de la dactylographie, jugée facile et ne nécessitant pas de qualification particulière est logiquement attribuée à… des femmes. « Dans les années 1950, la programmation était considérée comme un travail de petite main confiée à des femmes. Puis, quand l’informatique a commencé à se développer et que l’on s’est aperçu de son potentiel, les hommes s’y sont intéressés et ont pris leur place », rappelle Marie-Amélie Frère, co-présidente de Girlzinweb qui promeut les femmes dans les métiers du web.
Informatique, numérique : une pénurie de femmes
À partir des années 1980, les femmes ont été de moins en moins nombreuses dans le secteur informatique et numérique. Selon les chiffres du Syntec, elles ne représentent aujourd’hui que 27 % des salariés du secteur en France. Elles ne sont aussi que 21 % à créer des start-up dans le domaine. Pire : les filles ne représentent que 13 % des effectifs des écoles d’ingénieurs spécialisées. Une situation dommageable puisque le numérique est un des rares secteurs à ne pas souffrir du chômage et à proposer des salaires au-dessus de la moyenne…
Le cliché du geek
« Lorsque nous rencontrons des filles dans des salons, elles préviennent : " l’informatique ne nous intéresse pas ". Pour elles, le numérique se résume à l’image du geek à lunettes boutonneux qui joue aux jeux vidéo toute la journée », confie Christelle Plissonneau, étudiante à l’Epitech et cofondatrice de l’association E-mma qui a pour objectif de promouvoir la mixité au sein de l’école et plus largement dans le numérique. Le secteur est également vu comme un milieu ultra compétitif où pour réussir, il faut être accro au code et ne pas compter ses heures.
Le machisme a la vie dure
Autre problème : le sexisme dont souffrent les femmes dans le secteur, en particulier les filles dans les écoles d’informatique. « Certains garçons font des remarques machistes notamment sur Internet, poursuit Christelle Plissonneau. Si une fille a le malheur de demander un binôme sur le forum de la promo, ça part rapidement en troll (un message dont l’objectif est de créer une polémique NDLR) avec des blagues particulièrement salaces. Ce type d'agissement est le fait d'une minorité de garçons : ils ne se rendent pas forcément compte que ça fait mal alors que ça peut être très déstabilisant : une étudiante a raté sa 3ème année car elle était trop angoissée de revenir à l’école. C’est dommage car la formation à Epitech est géniale. C’est pour lutter contre ce type d’attitude que j’ai créé l’association E-mma avec un système de « marrainage » des étudiantes de 1ère année. »
Une prise de conscience
Conscient du problème, Guy Mamou-Mani, le président du syndicat professionnel Syntec numérique a fait de l’égalité professionnelle son cheval de bataille. Une Commission « Femmes du numérique » a été créée. Objectif : mettre en avant les bonnes pratiques en la matière. Plus récemment le président du Syntec a annoncé qu’il ne participerait plus à des conférences et des tables rondes sur le numérique exclusivement masculines. « En dépit de ces efforts, les habitudes ne changent pas, on se retrouve encore avec des tables rondes sans femmes. Parfois de leur fait. Je dois reconnaître que, souvent, étant invitées à participer à une table ronde, elles déclinent la proposition qui leur est faite. Il faut que les femmes elles-mêmes prennent conscience qu’elles doivent être davantage proactives sur ces sujets », insiste-t-il.
Les réseaux féminins dans le numérique
Pour promouvoir les femmes dans le numérique, les réseaux féminins se structurent. Des associations comme Girlzinweb ou Girls in Tech organisent des événements ou mettent en place des outils (annuaire « Les expertes du numérique » pour la première, « Lady pitch night » pour la seconde). Objectif : permettre aux femmes de se rencontrer et d’échanger.
« On est au début de quelque chose de fantastique pour les femmes ! Même si j’avoue que ça m’énerve de voir encore du sexisme dans le milieu des start-up (peut-être parce que les hommes se cooptent entre eux), c’est en train de changer, donc il faut vraiment persévérer dans ce sens », se réjouissait Virgine Debuisson, à la tête de Pink in Black média group et co-fondatrice de Garçonne magazine.
De belles carrières pour les femmes dans le web
En France, ce sont chaque année 20 000 à 30 000 personnes qui sont recrutées, le plus souvent à des postes de cadres. Le web a aussi ses success stories au féminin, comme celle de Céline Lazhortes, Pdg de Leetchi, le leader français de la cagnotte en ligne ou d’Anne-Laure Constanza à la tête d’Envie de fraises, site de mode pour femmes enceintes.
« Il y a des possibilités de parcours et de responsabilité très probants pour les femmes dans les filières du numérique, avec des salaires intéressants. Les moyennes de salaires sont de 48 000 euros par an contre 33 000 dans le reste de l’économie » souligne Fabienne Billat, responsable Rhône-Alpes de la Commission Femmes du Numérique. « Il y a des opportunités incroyables dans le secteur. Choisir le numérique, c’est avoir un tapis rouge qui se déroule sous vos pieds ! », s’enthousiasme Christelle Plissonneau.
Devenez développeuse !
Le métier de développeur est particulièrement porteur. Expert du code, capable d’allier rigueur et créativité, il construit sites web ou applications pour smartphones et assure la programmation des fonctionnalités.
« Dans le numérique, les femmes s’orientent rarement vers les professions de développeurs. Elles trustent les postes de chefs de projets, du coup, le métier commence à être dévalorisé : à partir du moment où il y a beaucoup de femmes dans une fonction, elle se prolétarise et les salaires baissent. J’étais chef de projets dans une start-up et j’étais moins bien payée que le développeur le plus junior », explique Marie-Amélie Frère.
Selon la dernière étude du cabinet Robert Half, le salaire d’un ingénieur développement avec 3 à 5 ans d’expérience était compris entre 39 500 à 54 750 euros annuels en 2015. Il est loin le temps où la programmation était considérée comme une tâche peu qualifiée...
Play n’Code : un jeu pour apprendre à coder
Pour rendre le code plus attrayant, Christelle Plissonneau développe actuellement Play n’Code, un jeu vidéo pour les enfants de 8 à 12 ans. Objectif : les initier aux bases de la programmation à travers des mini jeux ludiques et éducatifs. « Il est urgent que les filles comprennent que le numérique n’est pas fait que pour les garçons. Avec ce jeu, j’espère que je contribuerai à faire évoluer les mentalités. Si les filles se mettent à coder dès leur plus jeune âge, elles n’auront pas peur de s’orienter vers la programmation », résume l’étudiante d'Epitech. Pour en savoir plus : la page Facebook de Play n'Code.
Isabelle Fagotat © CIDJ
Article mis à jour le 02-02-2018
/ créé le 02-03-2016
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