Les entreprises plébiscitent les ingénieures
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- Egalité homme-femme
Métallurgie, électronique, aéronautique, BTP... Ces secteurs restent majoritairement masculins. Pourtant, selon plusieurs études, la mixité professionnelle est source de performance. Pour recruter des ingénieures, les entreprises mettent en avant des salaires et des dispositifs attractifs.
Si d’ici 2025, les femmes étaient autant intégrées que les hommes dans le marché du travail mondial et ne souffraient d’aucune discrimination dans la sphère professionnelle, la croissance mondiale progresserait de 26 %, soit de 28 000 milliards de dollars. Ce sont les conclusions du rapport du cabinet de conseil Mc Kinsey Global Institute paru en septembre 2015*.
Quelques mois plus tôt, le groupe de restauration collective Sodexo publiait une étude interne. Son constat : les équipes avec un taux de mixité optimal (entre 40 et 60 %) ont de meilleurs résultats financiers et non financiers (en particulier en matière d’engagement des collaborateurs et de fidélisation des clients).
Conscients de l’intérêt d’avoir plus de femmes dans leurs équipes, les entreprises cherchent à recruter des ingénieures.
Une complémentarité de points de vue entre hommes et femmes
« La présence de femmes dans les équipes de travail est très importante car elles apportent un regard beaucoup plus large sur un produit. Par exemple, les mannequins utilisés dans les crash tests de voiture étaient au départ uniquement masculins jusqu’à ce qu’une femme soumette l’idée de créer des mannequins féminins », souligne Mélanie Souchet, ingénieure et membre de Wax science, une association qui vise à promouvoir la mixité dans les sciences. C’est ainsi qu’en créant le premier mannequin représentant une femme enceinte, Volvo put mesurer l’impact des airbags ou de la ceinture de sécurité sur un fœtus en cas d’accident…
« Quel que soit le domaine, la technologie ou le métier, les équipes mixtes sont plus performantes. Les femmes parce qu’elles ont été éduquées différemment apportent un autre regard, complémentaire du point de vue masculin », résume Laurent Depond, directeur de la diversité chez Orange. Selon lui, les femmes sont plus prévoyantes et plus attentives aux détails que les hommes qui ont tendance à effectuer les tâches plus vite, ce qui augmente la probabilité de commettre des erreurs.
Écoute et empathie
De l’avis des recruteurs, les femmes seraient dotées d’une plus grande qualité d’écoute au travail et tiendraient plus compte, lorsqu’elles occupent des fonctions managériales, de l’avis de leurs collaborateurs. Leur présence favoriserait donc la cohésion dans le groupe. « Je pense que les femmes se sentent aussi plus responsables des autres. Plus intuitives, elles sont peut-être plus à même de prendre en compte les motivations de leurs collaborateurs pour obtenir de meilleurs résultats », estime Stéphanie Jacamon, ingénieur chef de groupe chez Robert Bosch.
« Les filles sont également plus sensibles aux questions écologiques et sociétales, en particulier à tout ce qui contribue à améliorer les conditions humaines. Les directeurs de ressources humaines cherchent à féminiser les équipes pour développer ces valeurs », analyse Hervé Riou, le président de l’Union des professeurs de sciences et techniques industrielles (Upsti).
Les ingénieures restent minoritaires
Dans les secteurs traditionnellement masculins comme le bâtiment, l’automobile ou la métallurgie, les filles sont donc plébiscitées. « Dans le BTP, les employeurs se battent pour avoir des ingénieures dans leurs équipes. Ils apprécient que leur chef de chantier soit une femme car le chantier est généralement propre et bien tenu » explique Suzanne Mathieu de l’association Femmes ingénieurs.
Dans le BTP comme dans l’industrie, les entreprises ont pourtant du mal à intégrer des ingénieures car il y a peu de candidates. Les filles ne représentent en effet que 30 % des effectifs des écoles d’ingénieurs et sont particulièrement minoritaires dans les spécialités réputées masculines. « Pour recruter des filles, les entreprises de l’aéronautique ou de l’automobile sont même prêtes à aller les chercher dans les écoles de biologie où elles sont beaucoup plus nombreuses », poursuit Pascale Ribon, responsable diversité à la Conférence des grandes écoles et directrice de l’Estaca, école d’ingénieurs spécialisée dans l’aéronautique et l’automobile.
Des mesures pour attirer les femmes
Pour attirer les femmes, les employeurs mettent en avant des dispositifs permettant de concilier plus facilement carrière professionnelle et vie privée. Le télétravail, qui permet un gain de temps (et de repos) sur les trajets domicile-bureau est de plus en plus proposé dans les grands groupes. C’est le cas par exemple chez Vinci, Orange, Michelin, Veolia, Renault, Solvay…
Les règles sont également assouplies en matière d’horaire par la mise en place de modes de fonctionnement ne nécessitant pas de travailler à heures fixes. Les managers sont par exemple invités à ne pas organiser de réunion après 18 heures, pour éviter que les femmes qui s’occupent de leurs enfants en soirée n’en soient d’office exclues.
« Pour faciliter l’accession des femmes aux fonctions managériales, Bosch a mis en place un programme de diversité qui comprend divers dispositifs : horaires souples, télétravail, possibilité de donner des jours de repos à un collègue parent d’un enfant gravement malade... », souligne Stéphanie Jacamon. Certains grands groupes proposent même des places en crèche. C’est le cas par exemple d’Orange qui dispose de 120 berceaux à Paris.
Des rémunérations et perspectives de carrière intéressantes…
D’après la dernière enquête d’Ingénieurs et scientifiques de France, le taux de chômage des ingénieurs est presque trois fois inférieur à celui de la population active. Profils recherchés, ils trouvent rapidement un emploi : 80 % des diplômés en 2014 ont été recrutés quelques mois après la fin de leur cursus.
Quant au salaire, il reste très attractif. Ainsi, en 2015, le salaire brut médian d’un ingénieur débutant (âgé de 20 à 24 ans) est de 35 000 euros, salaire qui triple en cours de carrière passant à 60 000 € entre 35 et 39 ans, pour atteindre 100 000 € par an en fin de carrière. Autant d’arguments que les entreprises n’hésitent pas à mettre en avant pour recruter des ingénieures.
… mais toujours inégalitaires
Pourtant, toujours selon cette enquête, des inégalités salariales persistent entre hommes et femmes. Ainsi en 2015, le salaire brut médian d’une ingénieure en France est de 47 850 €. Celui de son homologue masculin de 59 000 €.
« Le décrochage se fait vers 35 ans, généralement au moment de la maternité. Les femmes ne sont pas toujours sûres de retrouver leur poste après leur congé. Les différences salariales apparaissent à ce moment-là », souligne Dominique Douillet, déléguée générale de Ponts Alliance, association des diplômés de l'École des Ponts.
Pourtant les employeurs font aussi des efforts à ce niveau-là. « Aujourd'hui, les entreprises sont plus attentives aux femmes qu’elles recrutent : elles les accompagnent dans leur carrière et organisent la montée en responsabilité de leurs salariées ingénieurs », conclut Pascale Ribon.
*The power of parity: How advancing women’s equality can add $12 trillion to global growth, Mc Kinsey Global institute, septembre 2015.
Isabelle Fagotat © CIDJ
Article mis à jour le 22/05/2018
/ créé le 28-01-2016
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