- Reportage
Reconversion professionnelle : est-ce le moment de changer de job ?
- Choisir sa formation
- Être conseillé
- Formation pour les salariés
- Financer sa formation
« Choisir et non subir son avenir professionnel », c’est la promesse faite par la réforme de la formation professionnelle, initiée en 2018. Depuis, le système a été revu et simplifié mais dans les faits, les démarches paraissent encore floues pour celles et ceux qui ont envie de changer de voie. Explications.
« Je ne me reconnais plus dans ce job », « je m’ennuie, je veux faire autre chose », « je n’aime pas l’ambiance dans laquelle je travaille »… Des phrases entendues par Valérie Deflandre, conseillère d’orientation au Centre d'information et documentation jeunesse. « Les questions autour de la reconversion professionnelle sont croissantes, ces 5 dernières années » constate-t-elle. Avant d'ajouter « encore plus pendant le confinement via les messages que l'on reçoit par tchat. Beaucoup se renseignent sur les métiers de la santé ou de l’enseignement ». Pour certains salariés, notamment ceux issus de secteurs quasiment à l’arrêt, la période s'y prête. C’est le cas de Guillaume, 30 ans, pâtissier en chômage partiel depuis mi-mars, chez qui l’idée d’une reconversion germait déjà depuis plusieurs mois. « Avec des journées de travail bien chargées, je n’avais pas le temps de me pencher sérieusement sur la question. Le confinement a accéléré les choses » explique-t-il. « J’ai réalisé que ce métier n’était plus fait pour moi et que j’avais besoin de changement ».
Repartir de zéro
Près de 70 % des moins de 30 ans souhaitent changer de métier ou d’entreprise, selon les chiffres du ministère du travail. Se former est alors essentiel, que ce soit pour mettre à jour ses compétences, en acquérir de nouvelles ou apprendre complètement un nouveau métier.
Bruno de Maistre est aujourd’hui ébéniste : « J’étais chef de projet dans une grande entreprise de publicité. Après un burn-out et un licenciement, j’ai travaillé 3 mois comme technicien dans un hôtel en Angleterre » rembobine-t-il. « Je me suis rendu compte que j’avais besoin de faire un métier plus en adéquation avec ma personnalité. Jusque-là mes choix d’études et de carrière, c’était pour rentrer dans les bonnes cases de la société » explique-t-il par téléphone, en direct de son atelier situé dans les Yvelines (78).
Pour certains, le choix du nouveau métier est une évidence, un rêve d’enfant, comme nous l’expliquait, quelques mois plus tôt, Thimothée Sautereau en nous faisant visiter la boucherie-charcuterie de quartier qu’il a ouvert après avoir quitté un poste confortable de cadre commercial. Pour d’autres, c’est un choix très pragmatique. Motivée par l’envie de monter sa boîte dans un secteur où il y a de l’emploi, Mona Lalanne, interviewée dans le cadre d’un précédent reportage, est ainsi devenue plombière-chauffagiste après un parcours dans la mode.
Le CEP, première étape pour faire le point
« Au départ, j’étais complètement perdu. Je ne savais pas par quoi commencer ni à qui m’adresser » reconnaît Guillaume. Pour y voir plus clair, « la toute première étape est de bénéficier d’un conseil en évolution professionnelle, un CEP» conseille de son côté, Valérie Deflandre. « Ce dispositif est gratuit. Il permet de faire le point sur sa situation professionnelle et si besoin, d’élaborer un projet de reconversion, de reprise ou de création d’activité ».
Différents organismes en proposent : Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi, l’Apec pour les cadres, Cap emploi pour les personnes en situation de handicap ou la mission locale pour les jeunes de moins de 26 ans. Depuis le 1er janvier 2020, les actifs du secteur privé peuvent bénéficier gratuitement d’un CEP en s’adressant à un opérateur régional mandaté par France compétences.
Prendre le temps
Aicha Sankara est conseillère chez Tingari, cabinet mandaté dans les régions Ile-de-France, Haut-de-France, Centre-Val de Loire. « Dans le cadre d’un projet de reconversion, on accompagne les personnes dans la construction de leur projet et on s’assure de sa faisabilité » détaille-t-elle. Crise sanitaire oblige, les CEP se déroulent actuellement par téléphone. « On a parlé des métiers et formations qui pourraient m’intéresser et des conditions d’accès » résume Guillaume, satisfait. « Le prochain rendez-vous est dans 3 semaines, d’ici-là je dois appeler des professionnels et réaliser une enquête métier ». Découpé en plusieurs séances d’une heure, le CEP de Guillaume pourra ainsi s'étaler sur 8 heures maximum.
Un projet de reconversion se mûrit : « il faut compter entre six mois et un an environ » commente Valérie Deflandre. « Une envie de changer de voie n’est pas anodine, il y a souvent un élément déclencheur, un évènement personnel ou professionnel : un nouveau supérieur hiérarchique, un souci de santé, un licenciement, l’arrivée du premier enfant… Cet élément ne doit pas biaiser notre décision » insiste Valérie Deflandre.
« Il faut prendre le temps » conseille-t-elle. Pour Bruno de Maistre, qui est passé du monde de la publicité à celui de l'artisanat, reprendre une formation n'a pas été facile. « J'étais marié, avec un enfant, il a fallu trouver un nouvel équilibre familial ».
Trouver un financement
Le marché de la formation continue est foisonnant, il existe environ 10 000 établissements publics ou privés et les tarifs peuvent vite grimper. Dans le cadre d'un projet de reconversion, les salariés qui bénéficient d'assez d'ancienneté dans leur entreprise, peuvent se faire financer leur formation et bénéficier d’un congé spécifique. On parle alors de CPF de transition professionnelle, anciennement appelé le CIF (congé individuel de formation).
Une commission étudie, tous les mois, le sérieux des demandes. « Il n’y a pas de formule magique pour deviner ce qui va être accepté ou non » explique Aicha Sankara « mais des critères de priorité sont définis ». Une personne avec un faible niveau de qualification qui vise un secteur pourvoyeur d’emplois part avec un avantage.
« Seules les formations certifiantes seront éligibles au projet de transition professionnelle » précise Valérie Deflandre. « Si la formation dure plus d'une an, comme des études en soins infirmiers qui durent 3 ans, il faudra trouver d'autres moyens de prise en charge financière. Ça peut être via une aide de la région ou par le biais de l'alternance » suggère Aicha Sankara. Plus rare, l'autofinancement, total ou partiel, est aussi une option pour celles et ceux qui peuvent se le permettre.
Pour compléter, le CPF (compte personnel de formation, ex-DIF), une cagnotte créditée de 500 euros (ou 800 pour les moins qualifiés) par an peut aussi être mobilisée. L'application moncompteformation, lancée fin 2019 par le Gouvernement, a déjà enregistré plus d'un million de téléchargements et environ 10 millions de personnes ont activé leur compte personnel de formation (CPF) en ligne. Preuve de l'intérêt que suscite la possibilité de se former tout au long de sa carrière.
Laura El Feky © CIDJ
Article mis à jour le 23/11/2021
/ créé le 29-04-2020
Crédit photo : Christian Erfurt/ Unsplash