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Game of drone : le témoignage de Cristina, 25 ans, droniste

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Cristina pilote un drone sur un tournage à Biarritz ©Without You_K.Gay/Mademoiselle Drone.

Cristina Enache, 25 ans, est télépilote de drone. Elle a créé sa micro-entreprise, Mademoiselle Drone, il y a deux ans et travaille principalement pour le milieu de l’audiovisuel. Elle nous explique son parcours, son activité et donne son point de vue sur le secteur du drone.

Beaucoup d'appelés et peu d'élus. Aujourd'hui, 7 593 opérateurs de drones se sont déclarés à la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Le nombre de télépilotes autorisés à exercer une activité rémunérée augmente plus rapidement que les débouchés.

Comment en es-tu arrivée à piloter des drones ?

Cristina Enache : Comme beaucoup de monde je me suis cherchée après le bac. J’ai essayé d’étudier mais ça ne m’a pas plu. A 21 ans j’ai été serveuse puis j'ai eu l'opportunité de travailler comme assistante de production dans une société de production audiovisuelle. J’y ai travaillé deux ans. J'étais souvent sur les tournages, ça m’a beaucoup formé l’œil en terme de cadrage et d’image. Quand j’ai quitté le poste j’ai cherché du travail dans le même domaine mais je me suis rendue compte que le quotidien d’un assistant de production était différent de celui que j’avais vécu pendant deux ans. En réalité, un assistant de production était le plus souvent derrière un bureau à faire des tableaux Excel, gérer des contrats et des planning… cela ne me correspond pas car j’ai besoin de travailler en extérieur.

Un ami m’a conseillé de faire du drone. J’ai réussi à me faire financer la formation de télépilote par le biais de la formation continue. J’ai passé trois mois à étudier, il y avait des notions de mécanique, de météorologie… beaucoup de choses à apprendre ! Une fois l’examen en poche j’ai monté une structure en micro-entrepreneuriat.

Pour qui travailles-tu ?

C’est un milieu qui fonctionne beaucoup par le bouche à oreille, comme je venais de l'audiovisuel j'ai eu la chance d'avoir des contacts au moment où je débutais. Dans les clips musicaux on utilise les drones pour avoir des images spectaculaires vues du ciel mais aussi, comme c’est très stable, pour remplacer un steadicam (système stabilisateur de prises de vues) ou faire des travelling, ça évite de louer des rails et un camion. Dernièrement j’ai réalisé des images d’une envolée de pigeons voyageurs pour un documentaire sur Canal+, j’ai aussi été contactée par Handicap International pour un projet de sensibilisation contre les bombardements civils, avec le photographe JR. Je peux aussi travailler pour des architectes qui veulent avoir une vue d’ensemble de leur projet ou pour des entreprises qui réalisent une vidéo institutionnelle et souhaitent des images aériennes de leur entrepôt par exemple.

Quel est ton quotidien de pilote de drone ?

Quand on me contacte je commence par une étude de faisabilité : est-ce que le projet est possible? Dans quelles conditions? Est-ce que l'on peut tourner dans cet endroit, est-ce que c'est un site privé ou public? Puis je fais une déclaration préalable au vol auprès de la préfecture. Constituer un dossier et élaborer les plans de vols sont les étapes qui prennent le plus de temps. Ensuite j'imagine le déroulement du tournage et calcule le nombre de batteries à prévoir. Une fois les images tournées, je livre les rushs au client, je ne fais pas de montage mais si on me demande des projets finis, je fais appel à des collègues.

Combien gagnes-tu en tant que pilote de drone ?

Quand j'ai commencé beaucoup de gens m'ont dit que ce n'était pas un métier mais une activité complémentaire. Au début je faisais d’autres petits boulots à côté, mais maintenant j'arrive à en vivre.

Je facture une journée drone entre 800 euros et 1 200 euros, en fonction du matériel utilisé, mais quand on est micro-entrepreneur tout ne va pas dans notre poche. Sur 1 200 euros, je touche environ 700 euros. En moyenne j’ai environ 4 projets rémunérés par mois mais l'activité est dépendante de la météo. Entre novembre et janvier c'est un période calme puis ça reprend en février.

Le nombre de pilote de drones a doublé mais les femmes y sont toujours minoritaires, est-ce difficile de s’y faire une place ? 

Le jour de l’examen nous étions deux femmes sur 50 hommes, quand j’ai poussé la porte de la salle d’examen... le choc ! C’est vrai qu’il y a peu de femmes. Mais en général sur un tournage quand je dis que je suis la droniste, les gens sont agréablement surpris. Je ne ressens pas de difficultés à trouver ma place, si tu bosses bien et que les gens aiment ce que tu fais, que tu sois une femme ou un homme ne change rien. 

 

Image aérienne de la place de la république

Photo vue du ciel de la place de la République à Paris prise par le drone de Cristina.  ©Handicap International/JR/Mademoiselle Drone 

Qu’est ce qui te plaît dans ton activité de télépilote de drone ?

J’aime le fait d’être indépendante, d’être souvent dehors, de travailler seule même si je suis entourée d’une équipe de réalisateur et techniciens. Le côté stressant me plaît aussi. C’est un engin qui peut être dangereux, il faut être sûre de soi et garder le contrôle. Il faut aussi être très observateur et s'adapter aux paramètres extérieurs comme le vent.

C'est important d'être en harmonie avec cette machine. Avec la pratique j'ai davantage confiance en moi, j'arrive à être plus à l'aise et les mouvements sont de plus en plus fluides. En terme d'image, je sais maintenant ce qui est joli et à l'inverse ce qui ne fonctionne pas.

A l'inverse, qu'est-ce que tu aimes moins dans l'univers du drone ?

L'instabilité du métier et le stress de ne pas avoir de projets m’embêtent mais ça j’imagine que c’est parce que c’est le début, ça ne fait que deux ans que j’exerce. Le milieu est assez fermé, et ça me déplaît. Les télépilotes ne forment pas une communauté contrairement aux cadreurs ou aux chefs opérateurs qui échangent entre eux leurs astuces et partagent leurs connaissances. Dans le drone, je remarque aussi des tensions entre les professionnels et ceux qui ne sont pas agrées mais proposent quand même leurs services sans respecter la réglementation.

Il y a quelques mois une vidéo virale d'un ourson polaire filmée de trop près par un drone avait été vivement critiquée sur les réseaux sociaux. Quels sont les retours quand tu dis que tu fais du drone ?

Quand je tourne, les gens sont intrigués positivement et viennent me voir pour me poser des questions mais globalement il y a quand même une mauvaise image liée aux drones. On se sent observé par un drone, ça vient aussi du fait que beaucoup l’utilisent à tout-va ou l'ont emmené en vacances pour survoler la maison du voisin sans se poser la question de la législation.

En ce qui concerne la nature, il y a des règles à respecter pour ne pas perturber les animaux. Sur un tournage au Havre, mon drone s'est fait attaquer par des Goélands, ça arrive souvent car ils sont assez surpris qu’il y ait une intrusion dans leur espace. Quand c'est le cas, je ne cherche pas à rester plus longtemps, je fais redescendre mon drone parce que je suis chez eux.

Quels sont tes projets à l’avenir ?

Pour développer mon activité, j’aimerais commencer à faire du montage et avoir ma caméra au sol. Mais je pense que je suis plus excitée par le fait d'atteindre un bon niveau en télépilotage, comme ces gens qui font du drone de course, du racer. Leur manière de piloter est dingue ! J’aimerais m’améliorer en prenant des cours d'aéromodélisme, ça consiste à s'entraîner en salle avec des petits drones très nerveux.
 

Laura El Feky © CIDJ
Article mis à jour le 27-02-2019 / créé le 12-02-2019