Interview Cannabis, alcool, cocaïne, jeux vidéo, films porno… Je suis "addict"

Isabelle Fagotat Isabelle Fagotat
Publié le 01-10-2018

En bref

  • Tabac, alcool, cannabis… L'adolescence est le moment des premières fois. Mais c’est aussi là que des dépendances peuvent s’installer. Comment devient-on accro ? Pourquoi ? Comment s’en délivrer ? Les conseils de Laurent Karila, psychiatre spécialiste des addictions.
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Cannabis, alcool, cocaïne, jeux vidéo, films porno… Je suis Crédit : Is2 - Fotolia

Les addictions ne concernent pas que l'alcool, le cannabis, le tabac, la cocaïne et les autres substances psychoactives. On peut aussi être "accro" à des pratiques : jeux vidéo, sexe, films porno... 

Arret cannabisSpécialiste de la dépendance, Laurent Karila, auteur de l'ouvrage « Votre plaisir vous appartient » chez Flammarion, est psychiatre et porte-parole de l'association SOS Addictions.

Il exerce à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif, en région parisienne, où il reçoit des jeunes et des moins jeunes qui cherchent à se libérer de leurs addictions. Interview.

On est dépendant à une substance (alcool, tabac, drogue…) ou à une pratique (jeux vidéo, films pornographiques, sexe…) quand on ne parvient pas à s’en défaire et lorsque cette addiction engendre de la souffrance physique et/ou psychologique et a des répercussions négatives sur la vie sociale. Les conséquences de la dépendance peuvent être la dépression, la déscolarisation, la perte d’un emploi… 

On n’est pas dépendant au départ : on le devient. Lorsque l’on goûte à une substance, c’est d’abord pour trouver du plaisir. Au fur et à mesure, on éprouve le besoin d’en prendre à nouveau, puis de plus en plus, et le plaisir devient souffrance.
On continue de consommer, malgré la connaissance des conséquences négatives potentielles, mais on ne parvient pas à arrêter.

Tout le monde ne devient pas dépendant. La dépendance s’explique par divers facteurs : le fait d'avoir vécu des choses difficiles, d'avoir été victime ou témoin de violences favorise par exemple le développement de dépendances.
L’environnement (les gens que l’on côtoie, le milieu dans lequel on évolue) a également une influence.
Le développement personnel, le cerveau ou encore les facteurs génétiques peuvent aussi être déterminants. 

L’adolescence, du fait de la puberté et des mutations qui l’accompagnent, est une période qui peut être perturbante et déstabilisante. On peut ressentir un mal-être, être en rébellion, rechercher des échappatoires.

Quand on est jeune, on éprouve le besoin de repousser ses limites, de faire des expérimentations. C’est là que l’on va, pour la première fois, fumer une cigarette, goûter un verre d’alcool, fumer un joint, regarder un film porno… C’est à ce moment -là que l’on peut développer des addictions et devenir dépendant à ces substances ou à ces pratiques. 

Les jeunes sont particulièrement concernés par les addictions au cannabis et à l’alcool, avec la pratique du binge drinking (il s’agit de boire beaucoup en un temps très court pour être ivre).
Il existe d’ailleurs fréquemment chez les personnes dépendantes un phénomène de polyconsommation (le fait de consommer au moins deux substances).

En ce qui concerne les substances psychoactives, toutes les drogues peuvent induire des crises d’angoisse et provoquer des accidents cardiaques ou des accidents vasculaires cérébraux, et ce quel que soit l’âge de l’usager.
Dans les 60 minutes qui suivent la prise d’une ligne de cocaïne, on a 24 fois plus de chances de faire un infarctus par exemple.

Au-delà des risques physiques, les addictions engendrent aussi de la souffrance psychologique.
L’alcool et la cocaïne sont par exemple les deux premières drogues qui induisent le plus de suicides. 

L’important est de repousser le plus que possible l’âge des premières expérimentations, qu’il s’agisse de la cigarette, de l’alcool, du joint...
À l'adolescence, on a forcément envie de tester des choses mais il faut éviter de le faire trop tôt d’autant plus qu’à 13 ou 14 ans, le cerveau continue de se développer et que les substances (alcool, cannabis...) ont un effet nocif sur la croissance.

Il faut se faire aider par un spécialiste par exemple, dans un centre d’addictologie comme le nôtre.  Le patient est pris en charge à plusieurs niveaux. Il est accompagné psychologiquement et pour répondre aux souffrances physiques, des médicaments peuvent lui être délivrés.

Au bout de 3 semaines à un mois, la personne est généralement sevrée. Il s’agit alors de travailler sur l’abstinence pour ne pas « replonger ». Pour cela, nous accompagnons les patients pendant un an avec des séances de thérapie cognitive et comportementale, un suivi médical...

Pour ne pas replonger, il faut  aussi développer d’autres plaisirs (sport, activité artistique…). Nous travaillons aussi sur ce point.

Les consultations jeunes consommateurs (CJC)
Comme leur nom l’indique, ces consultations permettent à des jeunes et à leur entourage de bénéficier d’une consultation gratuite auprès de professionnels des addictions. Elles sont accessibles dans toutes la France et concernent toutes les dépendances (alcool, tabac, cannabis, pratique de jeux vidéo…).
Plus d’infos sur le site drogue info service ou par téléphone au 0 800 23 13 13 (gratuit depuis un poste fixe).

Propos recueillis en 2017.

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