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À Paris, des personnes en situation de handicap redéfinissent l’éloquence
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La finale du concours de l’éloquence des différences s’est déroulée le 20 juin 2023 au Grand Rex de Paris. Personnes bègues, autistes, sourdes et trisomiques ont dépassé leur crainte de prendre la parole en public devant une salle comble.
Redéfinir l’art oratoire pour y intégrer la diversité des formes de communication. Voici l’idée maîtresse du concours d’éloquence des différences dont la finale s’est déroulée le 20 juin dernier au Grand Rex de Paris. Devant une salle comble de 500 personnes, les 6 finalistes, dont 5 en situation de handicap, ont décidé de dépasser leur peur de prendre la parole en public.
Trois sujets philosophiques au programme
Maxence (autiste), Jeanne (trisomie 21), Ali (sans handicap), Tiphaine (sourde signante), Ulrich (bègue) et Alexandre (sourd oraliste) ont eu à élaborer un discours mêlant la persuasion à l’émotion. Ils ont dû répondre, par l’affirmative ou la négative, à l’un des trois sujets philosophiques suivants :
-Faut-il fuir la routine ?
-Faut-il changer pour plaire aux autres ?
-Faut-il accepter de perdre pour gagner ?
De ces batailles oratoires, aucun n’est sorti vainqueur. Il faut dire qu’à handicaps différents, l’évaluation des prestations des candidats n’apparaît que peu objective. D’autant que chacun a déjà remporté le premier tour du concours au sein de sa catégorie de handicap. À l’issue de la finale, ce sont donc 6 prix, correspondant à une qualité spécifique des orateurs, qui ont été attribués : le prix de l'authenticité, du courage, de l'engagement des idées, de l'émotion, de l'humour et de la plume.
Modifier sa perception du handicap
« Le but de ce concours, c’est de retrouver confiance, d’améliorer son estime de soi, de changer de perception, explique Malik Ndiaye, coordinateur de l’évènement et bègue lui-même. Ce n’est pas parce qu’on bégaie, ou que l’on ne parle pas comme tout le monde, qu’on n’a pas de compétence. »
Car c’est bien le regard des autres et l’incompréhension face à la différence qui indispose parfois les personnes en situation de handicap. D’où la possibilité de se former à la gestion des émotions et à l’acceptation de soi. Avant d’arriver sur les planches du Grand Rex, chaque finaliste a suivi une formation dispensée par l’association Éloquence de la différence.
Au menu : 18 heures d’apprentissage des fondamentaux de la prise de parole et une demi-douzaine d’ateliers pratiques de 2 heures en groupe réduit. Des enseignements spécifiques appropriés aux divers handicaps des candidats sont aussi mis en place, notamment avec des orthophonistes. « Le but des programmes n’est pas de se ‘‘normaliser’’. On ne cherche pas à rentrer dans des cases. L’idée c’est d’apprendre à lâcher prise et d’évoluer selon son propre cheminement », explique Mounah Bizri, le fondateur de l'association qui a, de son côté, grandi avec une dysgraphie, un bégaiement et un trouble déficitaire de l'attention (TDAH).
« On réalise qu'en réalité rien n'est impossible »
Si les 47 candidats de départ ont tous, d’une façon ou d’une autre, pu évoluer, comme le souligne Malik Ndiaye, certaines progressions sont particulièrement notables. « Un de nos anciens bénéficiaires bègues suivait une formation pour devenir archiviste. Après avoir suivi le programme et rencontré certaines personnes au sein de l’association, il s’est rendu compte que c’était du métier d’enseignant dont il avait réellement envie. Il a décidé de changer de voie. Deux ans plus tard, il est devenu enseignant », relate le coordinateur du concours. Cette expérience a également beaucoup marquée Mounah Bizri. « Comme toute l’équipe, ce projet m’a grandement fait progresser. J’ai appris à être moi-même, à écouter mon cœur, à davantage me faire confiance. À l’issue de ce cheminement, on réalise qu’en réalité rien n’est impossible ! », assure le fondateur de l'association.
La première version de cet évènement est née en 2019. Au départ, il concernait exclusivement les personnes qui bégaient. Cette année, l’initiative a été ouverte à d’autres différences avec des personnes sourdes, trisomiques ou autistes. En septembre 2023, l’évènement prendra encore en compte de nouvelles formes d’oralité. Une manière d’affirmer plus avant que l’éloquence n’est en rien une formule mathématique univoque.
Florian Mestres © CIDJ
Actu mise à jour le 28-06-2023
/ créée le 28-06-2023
Crédit photo : D.R.