Hors-la-loi Encadrement des loyers : encore 28 % de locations non-conformes
En bref
- L’application de l’encadrement des loyers, en vigueur dans 24 communes, progresse en région, stagne à Paris et se détériore en Seine-Saint-Denis.
- Sur le plan national, 28 % des annonces de locations restent non conformes avec un dépassement du loyer mensuel de 194 euros en moyenne.
- De nouvelles villes volontaires s’apprêtent à tester ce dispositif expérimental prolongé jusqu’en 2026.
30 % de loyers non-conformes à Paris, 14 % à Montpellier
Des progrès, mais peut mieux faire. Dans son 4e baromètre portant sur l’encadrement des loyers, la fondation Abbé Pierre pointe une amélioration de l’application de ce dispositif expérimental plafonnant les loyers. Une bonne nouvelle, même s’il subsiste des bailleurs et des propriétaires encore récalcitrants. Actuellement, seules 24 communes ou agglomérations en zone tendue sont concernées par cette mesure mise en place en 2018 avec la loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : Paris, Lille (avec Hellemmes et Lomme), Plaine Commune (Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Villetaneuse, Stains, Île-Saint-Denis, Courneuve, Saint-Ouen), Lyon, Villeurbanne, Est Ensemble (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville), Montpellier, Bordeaux. Il apparaît que les villes situées en province tendent à respecter de mieux en mieux cette disposition. Un constat établit à partir des données issues de l’utilisation de l’extension numérique « Encadrement », un outil qui permet de mesurer le taux de respect de l’encadrement et le montant des dépassements. Ainsi, plus de 23 000 annonces recensées entre août 2023 et août 2024 ont été analysées. Et on apprend que Paris compte 30 % de loyers non-conformes. Une proportion en baisse de cinq points par rapport à 2021, mais en légère hausse depuis l’année dernière. Un effet Jeux Olympiques et paralympiques, s’interrogent les auteurs du baromètre ? Peut-être. Le baromètre relève aussi que Plaine commune, dans le département de Seine-Saint-Denis, affiche 44 % d’annonces non-conformes contre 33 % en 2022. En nette dégradation, à l’inverse des territoires en région où l’on trouve 14 % d’annonces non-conformes à Montpellier (contre 37 % en 2021) et 32 % à Lille (contre 43 % en 2022). Au total, 28 % des annonces sur le territoire national n’appliquent pas la loi, en baisse de deux points par rapport à 2023.
Focus
Encadrement des loyers, suis-je concerné ?
Dans les 1 434 communes situées en zone tendue (où l'offre de logements reste insuffisante au regard de la demande), des règles encadrent l’augmentation de loyer, en cas de changement de locataire ou de renouvellement du bail. Elles s’ajoutent au plafonnement des loyers en vigueur dans les zones d’expérimentation.
- Pour savoir si votre ville est située en zone tendue : www.service-public.fr/simulateur/calcul/zones-tendues
- Pour savoir si le plafonnement des loyers s’applique : www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1314
Un dépassement mensuel de 251 euros à Paris contre 194 euros en région
Que certains loueurs ne jouent pas le jeu contribue à maintenir un accès inégal au logement dans des zones déjà affectées par des pénuries de logements et des loyers élevés alors que la demande est importante. Or, le dispositif d’encadrement des loyers en expérimentation jusqu’en 2026, avant une éventuelle adoption définitive, est censé rééquilibrer la situation. Comment fonctionne-t-il ? C’est le préfet qui établit un loyer de référence minoré et un loyer de référence majoré (loyer médian majoré de 20 %), soit une fourchette dans laquelle doit impérativement se situer le loyer hors-charges proposé par les bailleurs privés, particuliers comme professionnels. Ces loyers sont exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique. Toutefois, ils restent définis en tenant compte des prix du marché. Pas assez sans doute aux yeux des bailleurs qui s’en affranchissent. Au point que les locataires parisiens se font avoir en déboursant en moyenne 3 000 euros supplémentaires sur l’année ! Soit un dépassement de 251 euros chaque mois. Bien loin des 133 euros à Lille, 160 euros à Montpellier, 210 euros à Bordeaux ou 190 euros à Lyon-Villeurbanne. Cette pratique abusive concerne davantage les studios (34%) que les trois pièces et plus (24 %). Pas étonnant quand les petites surfaces restent très recherchées par des étudiants ou des jeunes en insertion professionnelle. Six logements sur dix dépassant les plafonds de loyers fixés sont des 15-20 mètres carrés. Aussi, les meublés figurent parmi les plus impactés : 40 % dépassent les loyers-plafonds. Certains bailleurs, n’éprouvant aucune difficulté à trouver des locataires, contournent même le plafonnement en vigueur, en imposant un complément de loyer autorisé dans ces zones d’expérimentation.
Complément de loyer : un dispositif à éclaircir
Un complément de loyer au-delà du loyer-plafond peut être appliqué dès lors qu’un logement présente des caractéristiques particulières de localisation ou de confort. Par exemple, une vue sur un monument historique pourrait en faire l’objet. Son montant et sa justification doivent alors figurer dans le bail. Afin d’éviter les abus engendrés par cette variable d’ajustement, l’application d’un complément de loyer est interdit pour les baux signés à partir du 18 août 2022 quand le logement comporte au moins l’une des caractéristiques suivantes : sanitaires sur le palier, signes d'humidité sur certains murs, diagnostic de performance énergétique de classe F ou G, fenêtres laissant anormalement passer l'air (hors grille de ventilation), vis-à-vis à moins de dix mètres, infiltrations ou inondations provenant de l'extérieur, problèmes d'évacuation d'eau au cours des 3 derniers mois, installation électrique dégradée, mauvaise exposition de la pièce principale. Le locataire peut d’ailleurs contester ce complément de loyer auprès de la commission départementale de conciliation dans les 3 mois qui suivent la signature du bail. Un délai jugé trop court par la fondation Abbé Pierre qui recommande son allongement à trois ans. Elle plaide également en faveur de l’augmentation de l’amende pour non-respect de l’encadrement des loyers, actuellement fixée à 5 000 euros maximum (15 000 euros s'il s'agit d'une personne morale), et souhaite intégrer les résidences étudiantes au dispositif. En attendant, de nouvelles communes devraient bientôt appliquer le plafonnement : 24 au Pays basque et 21 au sein de Grenoble-Alpes Métropole. D’autres se portent candidates : Marseille, Annemasse, Rennes, Vitry-sur-Seine, Cergy… Dans son rapport, la fondation rappelle que la mesure a permis aux Parisiens d’économiser près de 1 200 euros en 2023 selon une évaluation de l’Atelier parisien d’urbanisme. Une somme non négligeable.