Menu végétal Végan ou végétarien : un choix facile à vivre au quotidien ?
En bref
- Lou, Coline et Pierre-Louis s'interrogent sur notre modèle sociétal dans lequel l’homme domine et exploite les animaux.
- Ils ont entre 18 et 23 ans et évoquent une transition progressive vers le végétarisme ou le véganisme, quitte à surprendre leur entourage familial.
- Si l’offre sans produits animaux tend à se développer, devenir végétarien ou végan demande une certaine organisation au quotidien.
De la prise de conscience au végétarisme
Un changement qui prend son temps. « Consommer de la viande me dérangeait, mais pas au point de devenir végétarienne un jour. Encore moins végane », raconte Lou, étudiante. Elle décrit un processus « assez lent » : « J’ai peu à peu réduit ma consommation de viande et de poisson tout en continuant à déguster des plats non végétariens qui me plaisaient vraiment ». Seulement la question du bien-être animal ne quitte pas son esprit. À l’instar de Coline, titulaire d’un master en géographie : « Petite déjà, je m’interrogeais, or mes parents jugeaient nécessaires les protéines animales pour une bonne croissance, se souvient-elle. Néanmoins, dès le collège, je m’en passais à la cantine ». Plus tard, à l’âge de 16 ans, le visionnage d’une vidéo tournée dans un abattoir confirme le choix du végétarisme. Cette alimentation exclut la viande, le poisson et les crustacés tout en conservant les œufs, le miel et les produits laitiers. Une souplesse que le véganisme, vers lequel elle s’oriente ensuite, ne tolère pas. Et pour cause, ce mode de vie s’avère davantage restrictif puisque tout produit issu de l’exploitation animale demeure proscrit. Exit donc le cuir, la laine ou encore la soie. Ce cheminement n’étonne pas Élodie Vieille Blanchard, présidente de l’Association végétarienne de France : « Les enquêtes d’associations comme la L214 sur le sort réservé aux animaux entrainent une prise de conscience, particulièrement chez les jeunes ». Les évolutions naissent aussi au contact des adeptes. Ainsi, Pierre-Louis, en master d’enseignement, et en couple avec une végane, adhère progressivement au végétarisme. Toutefois, il n’envisage pas dans l’immédiat de franchir le cap du véganisme. Il faut dire que les végans doivent composer avec des traditions agricoles ou culinaires très ancrées dans la société.
Remettre en cause le modèle dominant
Pas facile d’abandonner les coutumes alimentaires avec lesquelles on a grandi. Surtout quand l’entourage semble perplexe. Qu’importe pour Lou dont les convictions se sont intensifiées avec le temps. « Mes parents redoutaient des carences en raison du manque d’information sur ce type d’alimentation, moins répandu alors », analyse-t-elle. Génération très sensibilisée aux conséquences sur la planète du réchauffement climatique, de la surconsommation et de l’exploitation animale, « les jeunes se montrent davantage prêts à changer, alors que les adultes cherchent à justifier leur consommation », estime Élodie Vieille Blanchard. De prime abord, le père de Lou considérait le véganisme comme un acte extrême avant de l’accepter au terme de nombreux débats avec sa fille. « S’il s’agit d’une volonté personnelle, certains peuvent se sentir heurtés », admet la jeune femme. L’expérience se révèle similaire chez Pierre-Louis dont le père prépare maintenant les repas en tenant compte de son choix. Une situation idéale, approuve la présidente de l’Association végétarienne de France : « Il est préférable pour un jeune qui vit au domicile familial d’adopter le végétarisme ou le véganisme dans une démarche commune et de préparer quelque chose de spécifique pour lui ». Chez Lou, on cuisine les produits animaux à part et elle « prévoit parfois un complément en légumineuses ». De son côté, Coline met aussi la main à la pâte. « Ma mère m’expliquait que je devais m’adapter. Et il ne m’a pas semblé compliqué de m’occuper de mes repas ». Néanmoins, adopter ce mode de vie implique une certaine organisation. En cuisine comme au magasin alimentaire.
Quelques efforts au quotidien
À en croire Pierre-Louis, Coline et Lou, manger végan ou végé ne leur coûte pas plus cher. Ils privilégient les légumineuses, les légumes et les fruits, parfois en vrac. Soit des produits bruts. Et consomment peu d’aliments transformés comme les steaks ou crèmes de soja aux prix bien plus élevés. Aucun ne regrette sa décision. « En revanche, j’ai ressenti de la frustration, car certaines denrées a priori véganes contiennent inutilement des produits d’origine animale, déplore Lou. On retrouve, par exemple, des protéines de lait dans du chocolat noir ! » Seule solution : scruter attentivement les étiquettes. « Les courses durent alors plus longtemps », admet Coline. Et de préciser : « Je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu en goût ni en saveurs. Au contraire, dès que possible, je travaille un peu plus mes plats pour me faire plaisir ». Et se sustenter à l’extérieur ? Pas de problème pour Lou. « C’est vrai qu’avant de se rendre au restaurant, il faut anticiper pour satisfaire tout le monde ». Tout comme Pierre-Louis qui a « facilement remplacé le kebab de fin de soirée au profit d’une alternative végétarienne », la jeune femme estime que sa vie sociale et amicale ne pâtit pas de son choix. Elle milite à sa façon : « Je demande systématiquement si des plats végans figurent à la carte dans le but de connaitre l’offre existante, mais aussi de signifier aux restaurateurs que cette attente se développe parmi la clientèle ». Pour ce qui est de la cantine scolaire, la loi EGalim impose un menu végétarien hebdomadaire. Quant à l’enseignement supérieur public, il doit proposer une option végétarienne quotidienne depuis janvier 2023. Mais cette démocratisation ne concerne pas encore le végan. Si bien que Lou « apporte le surplus du repas de la veille pour obtenir les nutriments et protéines essentiels ».
Assurer des bons apports nutritionnels
Comment savoir si les besoins quotidiens sont comblés ? « J’essaie de faire attention à mes apports nutritionnels, sans savoir si la façon dont je me nourris est la plus efficace, avoue Pierre-Louis. J’y travaille en tout cas. » Actuellement, ce sont les sites d’associations ou les réseaux sociaux qui informent principalement les jeunes intéressés. À la demande de ses parents, Coline se soumet à une surveillance médicale, en se prêtant notamment à des bilans sanguins réguliers. Objectif ? Traquer les éventuelles carences en fer, calcium, vitamine D…. Aussi, depuis qu’elle est végane, elle utilise des compléments alimentaires de vitamine B12. Essentiellement présente dans les produits animaux et à des taux insignifiants dans les végétaux, la substance demeure indispensable au bon fonctionnement neurologique. « Cette supplémentation reste un point de vigilance », confirme Élodie Vieille Blanchard. Selon la spécialiste, persiste dans l’imaginaire l’idée que l’absence de viande ou de poisson conduit automatiquement à des carences en acides aminés composants les protéines. Et souligne un effet pervers de cette argumentation : une alimentation carnée semble dispenser d’une réflexion sur la nutrition que les végétariens et végans expérimentent de fait. « Mon père et ma grand-mère, réticents, subissent certainement plus de carences que moi, car leur alimentation n’est pas si variée au final », raconte Coline. Souhaite-t-elle convaincre les mangeurs de viande de renoncer ? « J’essaie d’exposer mes arguments, au risque d’irriter un peu », conclut Coline. Au même titre que la religion ou la politique, le sujet reste très sensible. En France, seuls 1,1 % des habitants pratiqueraient un mode de vie végétarien ou végan, selon une étude de l’Ifop parue en 2021. On est encore loin de la révolution dans les assiettes.