Spécial IA Préparer efficacement le bac professionnel avec l’IA

Dans la discipline qu’enseigne Armelle Sebire, l’une des compétences à acquérir consiste à présenter un argumentaire pour vendre un menu au client. « Pour se familiariser avec cette technique, on demande à l’IA " pourrais-tu créer un argumentaire commercial pour un plat d’œufs Florentine avec un accord mets-vins ? " », rapporte l’enseignante. Et de juger le résultat « plutôt pertinent, à condition de ne pas s’en contenter ». Oublié, le copier-coller. La suggestion de l’IA doit rester à l’état d’exemple pour élargir sa propre réflexion et réaliser un travail personnel. Un principe transposable à toutes les matières enseignées en bac pro. À l’image de l’écogestion, où l’épreuve finale comporte un sujet qui appelle une réponse structurée. « Pour s’entraîner, on conçoit d’abord son plan, et ensuite seulement on se tourne vers l’IA pour améliorer ou diversifier son argumentation », propose Ludovic Mélier. Considérer l’IA comme un assistant, pas davantage. A priori, la démarche semble incompatible avec un métier qui repose sur la pratique, les cinq sens et l’expérience. Qui aurait cru que Chat GPT contribuerait à la créativité de cuisiniers en devenir ? Deux professeurs, à Quimper, dans le Finistère ont franchi ce pas. Les élèves devaient d’abord imaginer eux-mêmes leur plat et fournir une fiche technique détaillée. L’académie de Rennes relaie l’expérimentation sur son site : l’un des participants a soumis le croquis d’un plat de raviole réalisé par ses soins, accompagné d’une description détaillée, et a demandé à l’IA de lui fournir une version redessinée. Sitôt demandé, sitôt exécuté. L’écran dévoile un visuel réaliste avec des couleurs et des textures inexistantes dans le croquis initial. De quoi inspirer de nouvelles idées à cet élève. Pour autant, Armelle Sebire tempère : « Les lycéens ont bien conscience du potentiel de l’IA, mais aussi qu’elle ne passera l’examen à leur place ». Néanmoins, pour en faire un atout lors des révisions, il convient de s’adresser efficacement à l’IA, loin d’être infaillible, prévient l’enseignante.

« L’IA que j’ai testée donne trop d'informations, et ça me perd un peu », avoue Rayan, 17 ans, en terminale bac pro dans le domaine de l’électronique. Comment éviter cet écueil ? En composant un prompt (ou instruction) efficace. Ludovic Mélier préconise de s’inspirer de la méthode Actif (Action, contexte, tonalité, identité, format) disponible en ligne. Pour une réponse pertinente, il faut indiquer quel rôle doit endosser l’IA, à qui elle s’adresse, et préciser l’action souhaitée. Par exemple : « Tu dois agir comme un professeur d'économie-gestion. Tu enseignes à des élèves de lycée professionnel âgés de 17 à 18 ans.  Crée un quiz sur le programme d'écogestion du bac professionnel ». Une fois la réponse générée, le dialogue avec l’IA permet de réajuster si besoin la requête ou de solliciter la correction du quiz. Pour clarifier ou approfondir une notion, Colin de la Higuera, enseignant-chercheur à l’université de Nantes et spécialiste de l’intelligence artificielle appliquée à l’éducation préconise de relancer par « Je n’ai toujours pas compris, pourrais-tu m’expliquer autrement ? » ou « Peux-tu m’expliquer avec un exemple ? ». Mais, « attention, l’IA peut se tromper ! », avertit Bénédicte Cardon, ingénieure pédagogique à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. Car elle produit sa réponse en prédisant les suites de mots les plus probables dans un contexte donné, le tout avec assurance et un texte de qualité… « Cette production écrite inspire à tort une confiance très forte, il faut d’autant plus exercer un regard critique », recommande Bénédicte Cardon. Vérifier le contenu généré à l’aide d’autres sources reconnues doit, par exemple, devenir un réflexe. « On peut même uploader le référentiel du programme disponible sur Eduscol, pour aiguiller l’IA », détaille Ludovic Mélier. Autre astuce, « consulter l'IA dans des domaines que l'on connaît aide à identifier ses approximations, un recul qui paraît hors de portée si on l’interroge sur un sujet inédit », conseille Colin de la Higuera. Par ailleurs, il existe des applications spécifiques comme Quiz Wizard, Quizlet ou Wooflash qui génèrent des supports interactifs pour se tester à partir de diverses ressources ciblées. Quant aux fiches de révision à proprement parler, Armelle Sebire affiche sa préférence : « je dis à mes élèves qu’ils intégreront mieux les connaissances en les réalisant eux-mêmes ». À bon entendeur.