Mémoire d’éléphant Révisions : les astuces d'un champion de la mémoire pour apprendre rapidement

Zoé Ruffy
Publié le 25-03-2025

En bref

  • Sébastien Martinez, ex-champion de France de la mémorisation et vice-champion du monde avec l’équipe tricolore, a fondé une association pour promouvoir la discipline.
  • L’Association des sports de mémoire organise une compétition annuelle qui réunit les plus grands cerveaux du monde entier, nous y étions en mars 2025 (vidéo dans le carrousel).
  • Dans l’interview ci-dessous, l’expert de 38 ans délivre ses techniques pour réviser ses cours plus efficacement, voire apprendre l’anglais en peu de temps.
Mémoire championnat révisions
La méthode du palais mental ou les associations d'idées peuvent favoriser la mémorisation Crédit : Zoé Ruffy - CIDJ

Comment vous est venue cette drôle de passion ?

Alors étudiant en deuxième année d’école d’ingénieur, je souhaitais partir faire un semestre à l’étranger, mais avec une moyenne de 7/20, je n’avais clairement pas le niveau en anglais pour être sélectionné. J’ai donc cherché sur internet des astuces pour améliorer mon niveau rapidement. C’est là que je suis tombé sur les techniques de mémorisation, l’existence de communautés pour s’améliorer et même de championnats internationaux de sports de mémoire ! J’ai alors réussi à apprendre des centaines de mots en quelques semaines, ce qui m’a permis d’avoir une très bonne note à mon Toeic (Test of English for International Communication) en passant d’un niveau A2 à B2. J’ai continué de faire progresser ma mémoire durant mes études, ce qui a pas mal bouleversé ma vie au quotidien. On gagne beaucoup en confiance en soi. Une fois qu’on a intégré les méthodes et qu’on s’entraîne pour y arriver, on s’aperçoit que tous nos examens sont à notre portée. Une fois diplômé, je ne pouvais pas m’arrêter là : il fallait que je transmette ces méthodes éducatives au plus grand nombre. Je me suis lancé dans le soutien scolaire. Mes élèves qui pratiquaient avaient effectivement de meilleurs résultats. Un jour, un lycéen m’a avoué qu’il avait eu l’impression de tricher lors du bac puisqu’il recopiait ses fiches de cours enregistrées dans sa tête pour répondre aux questions. Et pour motiver mes élèves moins assidus, je me suis dit que je devais me montrer exemplaire et j’ai commencé à participer aux compétitions. La première fois, j’ai pris une claque. Je n’étais pas du tout au niveau ! De quoi titiller mon esprit compétitif et me mettre à m’entraîner comme un sportif de haut niveau, tous les jours. J’ai été sacré champion de France en 2015, vice-champion en 2017, puis vice-champion du monde avec l'équipe de France en 2018. En 2020, j’ai fondé l’Association des sports de mémoire pour promouvoir davantage cette discipline, en organisant un championnat par an.

L’erreur classique est de relire son cours encore et encore. C’est tout simplement un gaspillage de temps et d’énergie ! Avec la relecture à répétition, on tombe souvent dans un « biais de confirmation ». Inconsciemment, l’élève passe beaucoup de temps sur les notions déjà acquises et minimise tout le reste. La meilleure façon de réviser est de commencer par se tester. Lisez le titre de votre dernier chapitre de SVT, par exemple, prenez une feuille blanche et notez absolument tout ce qui vous revient de ce qui a été dit en classe. Une fois que vous avez tout retranscrit, vous vous corrigez, et vous repérez ainsi les notions qui, concrètement, vous manquent. Si on veut aller plus loin dans les stratégies de mémorisation, il faut retenir trois grands principes : l’attention, les associations d’idées et l'entraînement. Pour s’améliorer, il faut se pencher surtout sur le deuxième point : pour fixer une leçon sur le disque dur que constitue notre mémoire, le cerveau préfère retenir des images que des mots. Il faut donc illustrer chaque donnée que je souhaite enregistrer. Pour retenir le terme « mole », qui signifie « taupe » en anglais, je vais simplement imaginer la taupe qui joue avec de la pâte à modeler ou bien une taupe toute mollassonne. Juste avec cette astuce, on s’en souvient mieux. Ensuite, il faut bien sûr pratiquer et s'entraîner, on entre dans la troisième étape. Grâce à cette méthode, un ami s’est amusé à apprendre le japonais, en retenant plus de mille mots par mois. Afin de stocker ces énormes quantités de données, on utilise une autre méthode : le fameux palais mental, souvent évoqué dans certains films et séries. Pour le construire, l’élève doit sélectionner un lieu qu’il connaît par cœur : pourquoi pas sa chambre ? Il choisit alors cinq emplacements (la porte, son lit, une table de chevet, une fenêtre, et le plafond) dans lesquels il rangera ses informations, préalablement associées à des images. Vous retrouverez alors la petite taupe addicte à la pâte à modeler sur votre table de chevet, dès que vous aurez besoin de sa traduction dans la langue de Shakespeare.

À chaque fracture technologique, la grande question de la mémoire en danger revient. Au moment de la création de l’imprimerie, en 1450, Gutenberg a dû se poser la même question ! En réalité, les écrans ou l’intelligence artificielle nous libèrent un temps précieux. La vraie question à se poser, selon moi, est : que fait-on de tout ce temps dégagé ? Pour l’heure, on l’utilise souvent pour entretenir nos addictions, des réseaux sociaux à la télévision, alors qu’on pourrait en profiter pour s’augmenter. En promouvant la mémoire tel un sport, on prouve que ce n’est pas une fatalité de ne rien retenir à l’école, il suffit de s’entraîner. De plus, comme toutes les disciplines, la mémorisation requiert une bonne hygiène de vie : manger équilibré et bien dormir sont vos alliés pour progresser. Enfin, l’intérêt de développer sa mémoire est aussi de se forger un esprit critique. Le socle de connaissances que vous aurez accumulé constituera un vrai bouclier face aux fake news, de plus en plus difficiles à déceler. On évite ainsi de tomber dans certaines théories du complot.

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