Double vie Reportage au lycée d’Adultes de Paris : le bac coûte que coûte
En bref
- Lieu unique en France, le lycée d’Adultes de Paris accueille tous ceux qui souhaitent passer leur baccalauréat.
- Tous les soirs, du lundi au vendredi, des auditeurs de 18 à plus de 70 ans endossent leurs rôles d’élèves de seconde, de première et de terminale.
- Un engagement conséquent, mais durant lequel ils sont encadrés et accompagnés par leurs professeurs.
Sur les bancs du lycée d’Adultes, on reprend le fil de sa vie
Tout ici laisse à penser que l’on se trouve dans un banal établissement scolaire. Des bruits de l’école primaire voisine aux couleurs vives grimpant sur les murs, le décor est planté. Au tableau d’affichage, les emplois du temps des classes de seconde, première et terminale se côtoient. Pourtant, ce ne sont pas des élèves qui arpentent ces couloirs, mais des auditeurs. À la nuit tombée, de 18h à 22h, 180 inscrits viennent s’instruire lors des cours du lycée d’Adultes. Leur point commun ? Ils n'ont pas le bac en poche. Leurs différences ? Ils sont âgés de 18 à 70 ans et plus. « Il y a autant d’hommes que de femmes, avec un âge moyen autour de 43/44 ans », précise Cécile Duportail, la proviseure. Bien déterminés à prendre une revanche sur la vie, les auditeurs viennent ici pour des raisons professionnelles, personnelles ou familiales. Depuis la rentrée, ils mènent une double vie. Chaque semaine, du lundi au vendredi, ces étudiants pas comme les autres enfilent leurs cartables et reprennent leur statut d’apprenants. Pendant trois ans au minimum, ils vont être accompagnés par des professeurs dans le but de passer le baccalauréat en candidat libre, pour un coût de 130 euros par an. Pour devenir auditeur au lycée d’Adultes, il suffit de passer un test d’entrée comprenant une épreuve de français, de mathématiques et d’anglais. « Si la personne n’a pas la moyenne en maths ou en anglais, ce n’est pas grave. Mais un niveau correct en français est attendu pour pouvoir suivre les cours », explique la proviseure. Elle fait également passer un entretien à ses futurs élèves, en sa présence et celle d'un professeur, afin d'apprécier leur motivation.
Une implication importante pour une épreuve majeure
Une fois lancée, l’expérience est facilitée par la bienveillance des professeurs et l’entraide entre auditeurs. « Ils m’ont aidée à reprendre confiance en moi », témoigne Leïla, élève de première. Agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem) le jour, elle enchaîne les cours le soir, espérant obtenir de bonnes notes au bac de français, qu’elle passera en candidate libre en juin prochain. Si d’autres solutions pour adultes existent, comme celles proposées par le Centre national d'enseignement à distance (Cned), les auditeurs du lycée ont choisi cet établissement pour son accompagnement plus poussé. Aucun des encadrants du lycée d'Adultes ne le nie : y étudier demande un engagement important, rendant difficile toute vie sociale et familiale. Les cours restent obligatoires et en présentiel, bien que Cécile Duportail avoue que les professeurs ne demandent jamais de « mot des parents » en cas d’absence. Cependant, géographiquement, le lycée n'est pas accessible à tous. Sans internat ou solutions d’hébergement dans la capitale, certains auditeurs finissent par renoncer. D'autres bouleversent leur quotidien pour ce projet : « l'un d’entre eux fait des allers-retours depuis Orléans, un autre a déménagé de Brest pour venir assister aux enseignements ». Malgré leur motivation, le décrochage reste important. « À la rentrée, nous comptions 220 inscrits, mais tous les ans, il y a beaucoup d'abandons. » Pour ceux qui persévèrent, les efforts peuvent payer. Avec un taux de réussite au baccalauréat de 71% en 2023, contre 90,1% à l'échelle nationale, ce lycée un peu spécial ne fait pas de miracles, mais il y contribue.