Bilan Loi handicap : 20 ans après, un bilan mitigé
En bref
- Il y a 20 ans, la loi du 11 février 2005 posait deux piliers essentiels pour une société plus inclusive : l'accessibilité et la compensation du handicap.
- Malgré des avancées notables, la mise en œuvre des mesures reste encore incomplète, laissant de nombreuses personnes en situation de handicap en difficulté.
- Des obstacles persistent dans de nombreux domaines, comme le logement, la scolarité ou encore la vie professionnelle.
Deux principes fondateurs : l'accessibilité et la compensation
La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées fête ses 20 ans ! Visant à rendre la société plus inclusive, cette loi renforce deux piliers : l’accessibilité et la compensation du handicap. L’accessibilité concerne aussi bien les bâtiments physiques et l'espace public que les services numériques en ligne. Ce principe recouvre la possibilité pour chaque individu d’accéder, d’utiliser et de bénéficier de son environnement, quel que soit son handicap. Par exemple, les trottoirs « abaissés » de part et d’autre des passages piétons représentent des mesures d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. De l’autre côté, la compensation permet à chaque personne concernée de faire face aux conséquences de son handicap en prenant en compte ses besoins particuliers. En ce sens, la compensation du handicap peut recouvrir, pour un enfant ou un adolescent, des aménagements du cursus scolaire ou des examens (tiers temps, matériel spécifique...). Dans un contexte professionnel, les postes de travail peuvent également être aménagés pour s’adapter aux besoins des travailleurs. Bien que cela puisse aussi passer par des aides humaines (interprètes LSF...) ou financières. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), créées par la loi de 2005, représentent le premier interlocuteur pour effectuer les démarches nécessaires à la prise en compte des besoins particuliers de chacun.
Des obligations non respectées
Sur ces deux aspects, la loi de 2005 prévoit un certain nombre de mesures pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap (PSH). Mais, dans les faits, toutes ne sont pas appliquées. Alors que la totalité des établissements recevant du public (ERP) devaient se transformer pour devenir accessibles à l’horizon 2015, la moitié d’entre eux restent encore inaccessibles aujourd’hui. Et ce, malgré des agendas d’accessibilité programmée, plutôt souples, autorisant à jouer les prolongations jusqu’à fin 2024. Même constat du côté du logement. L’un des principes de la loi de 2005 spécifiait que l’intégralité des logements neufs en habitat collectif soient accessibles aux personnes en situation de handicap. Mais, en 2018, c'est le coup de rabot sur cet objectif avec la loi ELAN limitant cette exigence à 20 % du parc neuf. Sans compter que les délais pour accéder à un logement social adéquat s’étirent parfois sur plusieurs années, ce qui condamne les personnes concernées à revoir leur projet de vie ou à changer de ville en raison de leur handicap. La question des délais s’impose aussi dans les dossiers traités par les MDPH où les démarches administratives ressemblent à un véritable parcours du combattant. Selon les départements, le traitement des dossiers peut prendre jusqu’à huit mois. Exit, donc, l’adaptation aux besoins immédiats. D'autant que les critères d’attribution des aides varient selon les départements, et plus spécifiquement pour les personnes dont le taux d’incapacité oscille entre 50 et 79 %. Ces situations peuvent mener au découragement, au renoncement et au non-recours, plongeant davantage les personnes en situation de handicap dans la précarité.
Focus
Des fauteuils roulants remboursés à 100 %
Annoncée lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, la prise en charge intégrale des fauteuils roulants par l’Assurance maladie entrera en vigueur le 1ᵉʳ décembre 2025. Cette mesure concernera également les fauteuils dédiés à la pratique sportive. L’Assurance maladie deviendra par ailleurs le guichet unique pour les démarches administratives, ce qui devrait raccourcir les délais d’attribution.
Des moyens toujours insuffisant à l'école
« L’École inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves de la maternelle au lycée par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers », peut-on lire sur le site du ministère chargé de l’Éducation nationale. Depuis 2006, le nombre d’enfants et d’adolescents en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, en opposition aux établissements médico-sociaux, est passé d’environ 232 000 à plus de 510 000 à la rentrée 2024. Malgré cette évolution, les moyens humains et financiers restent largement insuffisants. Outre, là aussi, des délais particulièrement longs pour accéder au matériel pédagogique spécifique, plus de 18 500 élèves sont restés sans solution au cours de l’année 2022-2023. Le nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), en augmentation ces dernières années, reste cependant inférieur aux besoins des enfants concernés. Les conditions de travail de ces professionnels demeurent par ailleurs très précaires avec des contrats courts, une faible rémunération et souvent un temps partiel subi. Lors des examens scolaires, tels que le diplôme national du brevet ou le bac, les aménagements nécessaires aux élèves dépendent du bon vouloir des académies, notamment au niveau de l’utilisation de matériel adapté (ordinateur, logiciels spécifiques...).
Des droits en progression dans la vie professionnelle ?
Du côté de la vie professionnelle, la loi de 2005 confirme l’obligation pour les entreprises de plus de 20 salariés d’employer au moins 6 % de PSH. Elle y soumet également la fonction publique tout en instaurant le FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), chargé de récolter les contributions en cas de non-respect de l’obligation, à l’instar de l’Agefiph dans le secteur privé. Cette contribution sert à financer les aides proposées pour l’insertion professionnelle ou encore le maintien à l’emploi. Mais cette obligation n’est globalement pas respectée, puisque le taux d’emploi moyen des PSH dans les entreprises privées s’élève à... 3,5 %. Un score plus élevé, mais toujours insuffisant, revient à la fonction publique qui atteint 5,66 % en moyenne. Ainsi, malgré une amélioration ces dernières années, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste deux fois plus élevé que celui de la population générale. Pour celles et ceux en emploi, l’accès à la formation professionnelle et aux évolutions de poste demeure plus compliqué que pour les autres salariés. Et quand le handicap apparaît pendant la carrière, qu’il soit ou non lié à un accident professionnel, il entraîne toujours plus facilement un licenciement pour inaptitude plutôt que le recours aux aides de l’Agefiph. Néanmoins, en matière de droits des travailleurs des établissements ou services d'aide par le travail (Esat), il y a du mieux : en 2024, ils se sont aligner sur ceux des autres salariés (grève, retrait, prise en charge de la complémentaire santé...). Malgré ces quelques avancées, les inégalités restent toujours importantes dans notre société. Le Défenseur des droits rappelle d’ailleurs depuis des années que la 1re cause de saisine pour discrimination concerne le handicap.