Discrimination Pauvreté et précarité : la double peine du handicap
En bref
- Un quart des Français présentant un handicap vit en dessous du seuil de pauvreté.
- Face à l’emploi, le tableau n’est pas plus reluisant avec un taux de chômage de 12 %.
- France Travail (ex-Pôle emploi) peaufine quatre mesures spécifiques pour corriger le tir.
Au moins 20% des personnes en situation de handicap souffrent de pauvreté
Les chiffres sont toujours têtus face aux discours rassurants. Si le gouvernement affirmait en septembre 2023 avoir « réussi, avec les entreprises, à faire reculer le taux de chômage des personnes handicapées de 19 % à 12 % en six ans », ces dernières restent précaires. En témoignent les dernières données de l’Observatoire des inégalités qui révèlent que la moitié des personnes en situation de handicap de 15 à 59 ans vivent avec des revenus inférieurs à 1 512 € par mois. Ce chiffre reste inférieur de 300 € par rapport au niveau de vie médian des personnes valides. Un quart dispose même de moins de 1 158 € par mois, ce qui les place en dessous du seuil de pauvreté (vs 14 %). Et l’Insee de préciser en dressant une liste de 27 privations pour évaluer « les personnes pauvres en conditions de vie », réparties en quatre grands domaines : l’insuffisance de ressources, les retards de paiement, les restrictions de consommation, les difficultés de logement. L’Observatoire indique que 29 % des personnes en situation de handicap cumulent au moins huit privations, le seuil pour se voir considéré comme pauvre en conditions de vie. Par ailleurs, des difficultés se font sentir dès le parcours scolaire qui se révèle plus difficile pour les personnes en situation de handicap, et d’ailleurs seuls 17 % d’entre eux possèdent un diplôme supérieur au bac (34 % de la population du même âge).
Un accès difficile à l’emploi
Sur le marché du travail, le handicap physique ou mental représente une difficulté supplémentaire pour décrocher un emploi. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2022, seuls 38 % des personnes reconnues handicapées occupaient un emploi, contre 68 % dans la population générale. Leur taux de chômage s’élevait à 12 %, en nette baisse depuis 2015, mais toujours deux fois plus élevé que le reste des actifs. Quand ils occupent un emploi, les travailleurs en situation de handicap exercent plus souvent des postes d’ouvriers (31 % vs 20 % pour la population générale) ou d’employés (35 % vs 27 %) dans l’industrie ou l’artisanat. Leurs horizons semblent également plus restreints : 20 professions regroupent 37 % des personnes en situation de handicap (vs 25 %). Enfin, seulement 6 % travaillent en tant que cadre dans le privé, soit 10 points de moins que les valides. En 2023, le réseau Cap emploi comptabilisait 207 275 retours à l’emploi de ses bénéficiaires, soit une baisse de 6 % par rapport à l’année précédente. En revanche, et c’est une bonne nouvelle, le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée diminue de 7 %. Le réseau enregistre aussi une augmentation de l’accès à l’emploi après une formation (42 %). En outre, 24 385 personnes ont bénéficié d’un maintien dans l’emploi réussi (5 % par rapport à 2022).
Focus
Des chiffres en dessous de la réalité ?
Dans les données exploitées par l’Observatoire des inégalités, l’ensemble des revenus du ménage sont pris en compte. Ce qui signifie que si la personne concernée par un handicap vit avec un conjoint qui possède d’importants revenus, elle ne sera pas considérée comme pauvre. Et ce même si, à titre personnel, elle dispose de peu de ressources. Les personnes vivant en foyer ou en maison de retraite ne sont pas comptabilisées non plus dans les données.
Améliorer l’employabilité des personnes présentant un handicap
Pour rappel, depuis septembre 2022, les demandeurs d’emploi sont accompagnés dans des agences France Travail, même si leur conseiller référent appartient au réseau Cap emploi. Ce rapprochement semble satisfaire les personnes accompagnées puisque 85 % des demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi se déclarent satisfaits de leur accompagnement et de leur suivi. Suite à la dernière Conférence nationale du handicap, France Travail lancera sur la fin 2024 ou le début 2025 quatre expérimentations dans plusieurs de ses agences. Ces mesures viseront plusieurs objectifs : déterminer l’environnement professionnel le plus adapté aux personnes (milieu ordinaire, protégé...) ; permettre à tous les organismes de formation d’accueillir un apprenant en situation de handicap ; favoriser la mise en relation entre les employeurs engagés et les demandeurs d’emploi ; accompagner de façon renforcée les personnes licenciées pour inaptitude. Changer le regard des entreprises sur le handicap demeure une nécessité pour davantage d’inclusion. À fortiori lorsqu’il s’agit d’un handicap psychique face auquel les employeurs se montrent plus ou moins démunis. Une situation qu’a vécue Marie lorsque ses patrons, propriétaires d’une boulangerie, ont vendu leur affaire. Formée en apprentissage à la vente, elle s’en trouve alors écartée par la nouvelle direction. Une véritable déception qui se solde par une rupture conventionnelle marquant le début d’une incertaine recherche d’emploi pour la jeune femme. Car si les entreprises doivent compter au moins 6 % de salariés en situation de handicap dans leurs effectifs, en pratique, ce taux stagne à 3,5 % en 2022. Raison de plus pour renforcer l’accompagnement.