Témoignage Travailler dans une start-up : est-ce vraiment aussi cool ?

Laura El Feky Laura El Feky
Publié le 20-08-2018

En bref

  • Décontractées, modernes et innovantes ... Les start-up ont une image ultra positive. Parfois un autre regard, plus critique émerge : Mathilde Ramadier a travaillé pendant quatre ans dans plus de douze start-up à Berlin. L'auteure de Bienvenue dans le nouveau monde, comment j’ai survécu à la coolitude des start-up nous raconte son expérience.
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Jeune travaillant dans une start-up Crédit : Pixabay

Fraîchement débarquée à Berlin après des études en design graphique et philosophie, Mathilde Ramadier commence à écrire des BD. Pour faire le pont entre deux contrats d’auteur, mieux s’intégrer dans sa nouvelle ville et progresser en allemand elle propose ses compétences de graphiste et rédactrice à des start-up

Une équipe jeune, un code vestimentaire relax, un open space souvent design et des afterworks le soir entre collègues… l'esprit start-up est bien loin de l’image classique de l’entreprise !

"Au premier abord les start-up sont plutôt séduisantes" reconnait Mathilde Ramadier qui n’avait au départ aucun a priori quand elle décroche un poste dans une start-up du milieu de l'art.

Une fois passé l'excitation du début, Mathilde Ramadier déchante rapidement. "On nous promet des responsabilités et des perspectives d’évolution rapides qui s’écroulent une fois en poste" regrette-t-elle. 

Le mot manager est présent dans presque tous les intitulés de poste. Exit les rédacteurs web, dans le jargon startup on parle plutôt de content manager, le chargé de ressources humaines est appelé le People manager, le secrétaire chargé d’accueil devient Office manager et le Success customer manager n'est autre que le chargé de la relation clientèle. 

Mais la hiérarchie plate promise par l’esprit start-up semble n'être qu'une utopie pour Mathilde Ramadier. "La hiérarchie horizontale cache en fait une hiérarchie pyramidale, les salariés sont fliqués en permanence et on se retrouve à faire toujours la même chose sans possibilité d'initiative" constate-t-elle. 

Mathilde Ramadier, auteure

PHOTO Mathilde Ramadier, l'auteure de Bienvenue dans le nouveau monde, comment j'ai survécu à l'enfer des start-up ©Florian Sarges

Le discours ambiant, médiatique ou politique, ne cesse de valoriser ces jeunes pousses qui se targuent d’offrir à leurs équipes une nouvelle façon de travailler.

Bonbons gratuits, salle de pause équipée d’un baby foot et activités de team building participent à l’esprit start-up. Revers de la médaille : « à force d’avoir tout sur place on va finir par y travailler 12 heures par jour et notre vie tourne autour de ça jusqu’à gommer la frontière entre vie privée et vie publique » prévient-elle.

"On donne l’impression d’une grande famille mais en fait c’est faux" remarque Mathilde Ramadier "ça maintient l’individu dans une sorte de culpabilité, on a tellement intégré l’idée qu’on est libre et qu'on s'amuse que ça devient dur de se rebeller"  pointe-t-elle du doigt. 

Une coolitude qui masque une grande précarité, selon l’auteure "Cette précarité est choisie par le CEO (le directeur général, ndlr), mais le problème c’est qu’ils embarquent souvent tout le monde avec eux" constate-t-elle devant le nombre de petites mains qui, confrontées à la crise, se donnent à fond en espérant secrètement une part du gâteau. 

Mathilde Ramadier a enchaîné pendant quatre ans des petits contrats, des postes à temps partiels ou mal payés. Son contrat le plus long ? "Un CDD de six mois avec une période d’essai tout aussi longue" souffle-t-elle.

"A 25 ans, on ne recherche pas forcément la stabilité, cela peut même paraître excitant" reconnait Mathilde Ramadier. Mais concrètement cette précarité peut donner lieu à des situations problématiques " perte de la mutuelle, problèmes d’accès au logement, déménagements à répétition pour aller de colocation en sous-location faute d’avoir des fiches de paie ou des garanties suffisantes"  prévient-elle inquiète.

Malgré le constat amer que dresse Mathilde Ramadier, la jeune femme continue néanmoins de travailler en freelance pour quelques start-up...la preuve que toutes ne sont peut-être pas si dures. Avant de vous lancer, choisissez bien la vôtre. 

A ceux qui souhaiteraient tenter l’expérience start-up, elle conseille de se poser certaines questions : "Demandez-vous si le manque de stabilité vous conviendra explique Mathilde Ramadier. Bien souvent dans ce genre d’entreprise les CDI sont plus rares que les CDD, qui sont eux-mêmes plus rares que les stages". Elle ajoute : "si le contrat implique que vous ayez le statut de micro-entrepreneur renseignez-vous sur ce que ça implique afin de savoir si c’est ce qui vous correspond vraiment".

Pour en savoir plus sur le statut de micro-entreprneur.

En entretien posez des questions sur les missions qui vous seront confiées: "Derrière des noms mystérieux se cachent des réalités moins fun, j'ai souvent eu l'impression de brasser du vide" soupire Mathilde Ramadier "Des postes ronflants sur le papier qui consistent en fait à remplir des bases de données".

Enfin, à ceux qui aimeraient monter leur boîte, Mathilde Ramadier souhaite faire passer un message : " Soyez innovant car contrairement à ce qu'elles prétendent, peu de start-up le sont vraiment" regrette-t-elle. "L'autre jour j'ai vu dans le métro une pub pour une énième société de livraison de repas, on se demande où est le potentiel d'innovation". Mathilde Ramadier, qui considère que toutes les innovations ne sont pas forcément bonnes à prendre, va plus loin : "Profitez des talents qui vous entourent pour proposer un concept vraiment innovant mais surtout utile à la société !"

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