Enquête Médias scolaires : c’est décidé, je lance mon journal à la rentrée

Laura El Feky Laura El Feky
Publié le 02-09-2022

En bref

  • Youenn, Rose et Clémentine se sont jetés dans l'aventure journalistique.
  • Entre premiers pas journalistiques, émancipation, débrouille et galères, ils nous racontent leur expérience.
  • De quoi vous donner des idées pour vous lancer à la rentrée.
Créer un journal, c'est possible à l'école
Il y aurait environ 2 000 médias scolaires, selon Maud Moussy, professeur de français détachée au Clemi. Crédit : Marina Borodacheva - iStock
Médiatiks, c'est un grand concours de médias scolaires à destination des élèves de la maternelle à la terminale. Le résumé de la cérémonie de remise des prix de l’édition 2023 est riche d'enseignements. Crédit : CLEMI

De la curiosité à la passion assumée

« C’est en arrivant en seconde, lors d’une réunion d’information, que la documentaliste nous a présenté le journal du lycée », se souvient Rose. Intriguée et motivée pour « s’investir dans la vie du lycée et rencontrer d’autres élèves », il ne lui en fallait pas plus pour pousser la porte du journal baptisé « 144 », dont le nom fait référence au nombre de marches à gravir pour pénétrer dans l’établissement. « Au début, c’était intimidant, mais on s’est motivée avec deux autres amies », explique Rose, élève à Sèvres. Assidu, le groupe de copines n’a plus jamais quitté l’équipe de rédaction. Et pour cause : « en se lançant dans un média scolaire, il y a tout à y gagner, rien à y perdre » affirme Maud Moussy, professeur de français détachée au Clemi. Pour s’en faire sa propre idée, il suffit de discuter avec les élèves de votre établissement, membres du journal. Il n’existe pas encore ? Alors, pourquoi ne pas en créer un ? Au même titre que les adultes, les élèves disposent du droit à la liberté d’expression, d’information et d’opinions. Et s’investir dans un média scolaire reste le meilleur moyen de s’en emparer. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Youenn, un après-midi de 6ᵉ où il s’ennuyait ferme au CDI. « La documentaliste nous a accompagnés à fond » se souvient le jeune breton de 20 ans qui se retrouve aujourd’hui, en parallèle de ses études de journalisme, à promouvoir et défendre la presse d’initiative jeune au sein de l’association Jets d’encre.

Quand on se lance, le premier travail demeure la constitution d’une équipe pour entamer ensuite une réflexion collective et indispensable sur la nature du média que l’on souhaite voir émerger. « Les journaux imprimés ou en ligne sont les formats les plus représentés dans les médias scolaires, mais il est possible de lancer une web radio ou une web TV » relève le Clemi qui met à disposition sur son site de nombreuses ressources pour les jeunes impatients de se lancer. Reste ensuite à définir le nom du média, son ton, son rythme de publication pour ensuite se répartir les responsabilités. Sans négliger la question financière. Grâce aux ressources disponibles sur Internet, un fonctionnement sans fonds de roulement reste envisageable. Sur le web, les sites gratuits pullulent : Canva pour la mise en page d’un journal ou le montage vidéo d’une WebTV , Audacity ou Reaper pour le montage de chroniques radio. Mais rien n’empêche d’envisager d’autres solutions, car « un journal peut être vendu, ou bien bénéficier d’une subvention auprès de l’établissement, du conseil de vie lycéenne ou du foyer socio-éducatif », rappelle Maud Moussy du Clemi. 

« Il y aurait environ 2 000 médias scolaires, comptabilise Maud Moussy. Bien qu’un décompte exhaustif soit illusoire tant les médias se font et se défont au gré des changements d’équipes pédagogiques et des cohortes d’élèves qui poursuivent leur scolarité ». En revanche, une chose est sûre : ce type d’investissement personnel comme collectif permet de voir le lycée autrement, de créer une relation différente avec les enseignants, de rencontrer les élèves des autres classes, de gagner en responsabilité, de s’émanciper et de s’amuser. « Entre l’écriture, l’illustration, la mise en page, je peux exprimer ma créativité de différentes manières » se réjouit Clémentine. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à mettre en avant cette expérience dans ses candidatures post-bac. Idem du côté de Rose dont le journal publie aussi bien des articles d’actualité que des poèmes. Au fil des numéros, comme ses camarades, elle a aiguisé son style comme son esprit critique. « Je me suis mise à m’intéresser beaucoup plus à l’actualité, reconnaît la lycéenne. À la nature des sujets, mais aussi à la façon dont ils sont traités ». La contrepartie ? Un investissement sans faille. À Bordeaux, Clémentine et son équipe composée d’une quinzaine de personnes se réunissent pour la conférence de rédaction, une bonne heure toutes les semaines. Tour à tour, chacun présente à l’assemblée le ou les sujet(s) qu’il souhaite traiter dans la prochaine édition. On discute, on interroge, on tranche, comme dans un journal classique. 

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Deux ressources pour se lancer

Plus d'informations pour lancer ou rejoindre un journal d'initiative jeune sur le site du Clémi/ rubrique Médias scolaires ou de l'association Jets d'encre.

Et concilier les cours, le journal et la vie perso relève parfois de la gageure. « C’est souvent le temps qui manque, souligne Youenn. D’autant que, depuis la dernière réforme du bac, les élèves ont des emplois du temps très différents ». À ce titre, il aimerait qu’un temps officiellement reconnu soit consacré à l’engagement, faute de quoi, « chacun s’engage en fonction de ses envies, de son temps et de son énergie ». Ainsi, il n’est pas rare qu’en parallèle du noyau dur de la rédaction, certains élèves n’écrivent qu’un article ou deux durant l’année. De façon régulière ou plus ponctuelle, cette opportunité constitue néanmoins un formidable terrain d’expression. Surtout que rien n’oblige à « se limiter aux sujets liés à l’école, on peut élargir à l’actualité, traiter de sujets politiques, économiques ou culturels, résume Youenn. Tous les sujets sont permis, à condition qu’ils rentrent dans la ligne éditoriale ». La presse lycéenne a d’ailleurs souvent été une presse engagée (où seuls les prosélytismes religieux, commerciaux ou politiques sont défendus). Alors forcément, ça ne plaît pas toujours aux adultes.

Pour le deuxième numéro de l’année, Clémentine et son équipe ont tapé fort. « Nous voulions mettre à la Une, l’interview de l’éditeur d’un compte Instagram qui relaie les crush des élèves du lycée », rembobine la rédactrice en cheffe. Mais l’article sur le courrier du cœur à la sauce réseau social a beaucoup déplu à la proviseure. « Elle nous reprochait d’en faire la publicité et rétorquait que le lycée n’est pas une agence matrimoniale, s’agace Clémentine. Je pense qu’elle avait peur que des parents d’élèves tombent dessus et que ça donne une mauvaise image du lycée ». La rédactrice en cheffe, Clémentine, pourtant également directrice de publication du journal (ce qui la rend responsable juridiquement du contenu du journal devant la loi) aurait été en droit de le publier tel quel. « Nous avons contacté par mail le service SOS censure de l’association Jets d’encre. Ils nous ont confirmé que l’article ne posait pas de problème et qu’il n’y avait pas de délit de presse ». En clair, aucune infraction pénale à signaler. Pour bénéficier d’une médiation gratuite, ce type d’incident peut être remonté à l’Observatoire des pratiques de la presse lycéenne, qui réunit une vingtaine d’organisations du monde de l’éducation et de la presse (reporters sans frontières, syndicats de journalistes...). Mais dans le cas présent, l’équipe a préféré faire marche arrière : « nous étions en plein dans les concours post-bac et les dossiers Parcoursup, ça nous aurait pris du temps et de l’énergie. Sans compter que sans l’aval de la proviseure, impossible de valider nos dossiers scolaires… » conclut Clémentine qui garde encore un souvenir amer de cet épisode.

Heureusement, les souvenirs positifs prennent le dessus. Pour Rose, la palme revient à la venue du journaliste Hugo Décrypte dans son lycée, invité par le journal. De son côté, Clémentine retient la participation au festival Expresso, organisé chaque année par l’association Jets d’encre. Le concept ? Entourée de 300 autres journalistes jeunes issus de toute la France, chaque rédaction dispose de 15 heures (dont une nuit blanche !) pour composer un numéro spécial de son journal avec des sujets imposés. Un jury de professionnels se chargeant de juger du résultat. Un marathon intense, mais « magique » pour Clémentine. « L’un des enjeux était aussi d’amener encore plus de cohésion entre les membres de la rédaction qui sont en 2ᵉ et 1ʳᵉ et leur transmettre certaines méthodes de travail. Parce que j’espère qu’ils vont faire perdurer le journal l’année prochaine » confie la jeune bachelière. Elle vient de quitter le lycée et, à contrecœur, de lâcher son poste de rédactrice en cheffe pour suivre ses études supérieures. Et devinez quoi : elle entre en première année de Sciences Po qui la mènera peut-être vers le métier de journaliste, cette fois encartée, reconnue par la profession et vivant de sa passion.

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Connaissez-vous la carte de presse jeune?

Carte uniquement symbolique, elle est destinée aux jeunes investis dans la réalisation d'un journal d'initiative jeune qui ont adhéré à la charte des journalistes jeunes proposée par l'association Jets d'encre.

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