Le lobbying est-il un métier comme un autre ?

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Des lobbyistes en réunion

Influencer les décisions politiques, tel est l'objectif du lobbying. En France, 1 700 lobbies sont répertoriés par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATV). Critiqué et au cœur de l'actualité, en quoi consiste vraiment ce métier ? Qui sont les lobbyistes et comment travaillent-ils ?

Un peu plus de 1 700 lobbyistes, appelés aussi "représentants d’intérêts", se sont déclarés sur le répertoire de la haute autorité pour la transparence et la vie publique (HATV). Cette démarche est désormais obligatoire.

Economie, santé, environnement : les 3 terrains du lobbying

"C’est une fonction comme une autre défend le président de l'association française des conseils en lobbying et affaires publiques, Fabrice Alexandre. Comme vous avez besoin de marketing, de juridique, de communication, vous avez aussi besoin de lobbying c’est-à-dire de dialogue avec les décideurs publics".

Perçu comme flou, le lobbying consiste à défendre un intérêt économique, une cause, une opinion ou un groupement de personnes et à influencer les personnes qui détiennent le pouvoir. En France, parmi les lobbies qui ont déclaré leurs activités, plus des trois-quarts sont des sociétés privées (comme Airbnb ou Coca-Cola) ou des organismes représentatifs (comme le Medef ou la fédération de la maroquinerie) et moins de 10% sont des cabinets de conseil. ONG et associations, comme Sidaction ou WWF, constituent moins de 20 % des inscrits sur le répertoire de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATV).

D'après une enquête du quotidien Le Monde, les lobbies représentent le plus souvent des intérêts liés à l’économie, l’environnement et la santé. 

Les formations en lobbying se développent

Dans les ONG et associations, le terme "plaidoyer" est souvent préféré au terme "lobbying". De même dans les autres secteurs, vous verrez plus souvent sur une carte de visite l'intitulé consultant ou responsable des affaires publiques que lobbyiste.

"Je ne connaissais pas ce métier quand j'étais étudiant et il n'y avait pas de formation spécifique à mon époque" remarque Fabrice Alexandre, qui exerce depuis plus de 20 ans. Aujourd'hui les formations en lobbying et stratégie d'influence sont dispensées en institut d'études politiques, écoles de commerce ou à l'université. 

Si le métier de lobbyiste demande d'importantes capacités d'analyse, d'écriture et relationnelles il est néanmoins possible de l'exercer en sortie d'études. Un jeune diplômé, embauché comme consultant, peut gagner entre "30 000 et 45 000 euros bruts par an" constate Fabrice Alexandre. Les profils spécialisés en droit, économie ou relations internationales semblent particulièrement recherchés.

Une information qui n'est pas neutre

"Une entreprise peut faire appel à nous dans le cadre d'un projet de taxe par exemple commente Fabrice Alexandre. L’objectif va être de montrer aux décideurs publics les enjeux que peut avoir une telle décision sur l’emploi et les capacités d'investissement et d'innovation de l'entreprise."

"On a l'image du lobbyiste qui passe son temps à faire des déjeuners avec les politiques, mais ce n'est pas la réalité. Tout commence par un travail de recherche qui peut durer deux ou trois mois, en fonction du temps imparti détaille Fabrice Alexandre. Le lobbyiste va essayer de comprendre, au-delà des enjeux techniques, quels sont les enjeux politiques et économiques."

"On va aussi regarder la façon dont le sujet est compris, les articles qui ont été écrits, les gens qui se sont exprimés dessus  poursuit-il. Si vous vous rendez compte que vous êtes très faible en argumentaire économique, vous allez demander à un économiste de rédiger un rapport ou une étude qui va éclairer votre projet" précise-t-il. ​

"Le lobbying ne correspond plus à la vision simplette qui consiste à faire pression sur les décideurs pour modifier la loi remarque Lucille Desmoulins, responsable du Master 2 Influence, lobbying et médias sociaux de l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée. Il y a de nouvelles manières de faire du lobbying, comme participer à des travaux au sein de centre de recherche" explique-t-elle. 

"On présente une information fiable, ça ne veut pas dire neutre, car évidemment on défend un point de vue, mais l’information est sourcée" prévient Fabrice Alexandre.

Faut-il dire adieu à ses convictions pour faire du lobbying ?

"Evidemment on n’est pas toujours 100% en phase avec nos clients souligne-t-il. Mais on ne prend pas pour argent comptant ce qu'ils nous disent, on peut leur demander de revoir leurs objectifs si on sent que ça ne tient pas la route".  

"Il nous arrive aussi de refuser des clients explique-t-il. Il y a quelques années on a refusé l’église de scientologie se souvient Fabrice Alexandre. L’industrie du tabac a aujourd'hui beaucoup de mal à trouver des lobbyistes."

La responsable du master 2 spécialisé en lobbying nuance : "Certains étudiants pensent qu'ils auront le choix mais globalement ils sont lucides et réalistes par rapport à ce qu'ils devront accepter même s'ils ne partagent pas les valeurs du client". 

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"Pour faire face aux dilemmes auxquels les étudiants pourront être confrontés dans leur carrière, nous abordons tout au long de la formation les questions de déontologie et d'éthique" ajoute Lucille Desmoulins.

Lobby : vers une profession plus encadrée ?

Marqué par des scandales à répétition, des méthodes illégales ou immorales de dissimulation d’informations, trafic d'influence et de corruption, le lobbying a mauvaise image. "Le métier est dénigré reconnaît Lucille Desmoulins. Il est parfois réduit à la formule 3B". Comprendre booze, blonds and bribes pour alcool, blondes et pots-de-vin. 

"Dire que tous les lobbyistes sont corrompus reviendraient à dire que tous les banquiers sont véreux" déplore Fabrice Alexandre, qui préfère défendre une autre image du métier. "En défendant des intérêts particuliers on éclaire le politique dans sa manière de créer et d’appréhender l’intérêt général argumente-t-il. On lui donne des données économiques, juridiques et sociales mais à la fin c’est à lui de prendre des décisions" explique-t-il.

Une vision qui n'est pas partagée par tous, si les défenseurs du lobbying le considèrent comme un outil pour la démocratie d'autres y voient au contraire un danger et dénoncent le poids des lobbies en politique.

Pour tenter de mieux encadrer la profession, la loi Sapin II oblige désormais les représentants d'intérêt à se déclarer sur le site de la haute autorité pour la transparence de la vie publique, et à renseigner leurs clients, leurs actions et leurs dépenses. Une mesure inspirée du registre de transparence de l'Union Européenne qui totalise à Bruxelles, siège la Commission européenne, plus de 11 000 inscrits.

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Laura El Feky © CIDJ
Article mis à jour le 05-12-2018 / créé le 05-12-2018