Aurélie et Julia, sourdes, sont parties seules en voyage avec la bourse Zellidja
- Handicap
Aurélie et Julia sont sourdes. Toutes deux ont gagné la bourse de voyage Zellidja qui permet aux jeunes de 16 à 20 ans de réaliser seul un voyage d’étude. L’une est partie 3 mois en Inde puis au Gabon, l’autre a fait un voyage d'un mois à Madagascar. Elles en sont rentrées grandies. Elles ont accepté de nous raconter leur expérience. Interview croisée.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de partir seule ?
Aurélie : Je voulais partir à l’aventure mais au départ je ne pensais pas partir seule. J'ai cherché sur Internet des expériences de jeunes qui étaient partis en groupe. Je suis tombée sur le site de l’association Zellidja qui accorde des bourses à des jeunes pour partir seul en voyage. Je ne pensais pas que cela serait possible pour moi. Une fille seule, cela me semblait trop dangereux. Puis j’ai lu les témoignages. Ils étaient tous tellement enthousiastes ! Filles ou garçons, ils avaient osé tenter l’aventure. Alors je me suis dit, pourquoi pas moi ?
Julia : J’avais déjà voyagé en groupe mais jamais seule. Et j’en avais très envie. Je pensais qu’un tel voyage permettrait de mieux me connaître. Je voulais savoir si j’étais capable de communiquer avec des personnes entendantes, savoir aussi jusqu'à quel point j’étais indépendante.
Comment avez-vous préparé le voyage ?
Aurélie : Je me suis beaucoup renseignée sur le pays et j’ai cherché des contacts sur place par le biais de connaissances. La grande difficulté, c’est de faire la part des choses entre ce qu’on vous dit et la réalité. Beaucoup de gens ont des préjugés très négatifs sur l’Inde, sans même y être allé : j’allais me faire voler, c’était infesté de moustiques, on voyait des morts dans la rue… et bien d’autres horreurs. Tout cela m’inquiétait beaucoup avant de partir. Mais la réalité est toute autre ! Du coup, lorsque j’ai préparé mon voyage au Gabon, je ne tenais compte que des conseils de gens qui avaient vraiment visité ou vécu dans le pays. Et je conseille à tous ceux et celles qui veulent partir d’en faire autant.
Julia : J’ai fait des recherches sur Internet pour mieux connaître le pays et parler à des personnes qui connaissent le pays et me donnent des conseils. J’ai vraiment étudié le voyage dans les moindre détails : où je voulais aller, où dormir, quoi voir, un éventuel plan B en cas de problème. J’avais l’impression qu’être une femme blanche voyageant seule me rendait vulnérable c’est pourquoi je voulais prendre des contacts avant d’arriver. J’ai finalement trouvé le président d’une association pour sourds qui m’a accueillie et aidée. J’ai aussi une amie malgache qui m’a beaucoup guidée et fait rencontrer ses amis. Le plus difficile c’est d’arriver à trouver les bons réseaux, des associations malgaches prêtes à vous aider.
Comment communiquiez-vous ?
Aurélie : Avec les personnes sourdes dans le pays, j’ai appris sur place la langue des signes Indienne, et la langue des signes Gabonaise. Au début, c’était un peu difficile mais en faisant chacun un effort, on finit par y arriver. Avec les personnes entendantes, nous parlions aves les mains, en mimant ou par écrit. Lorsque je vivais chez les gens entendants, la communication se faisait grâce aux activités et, petit à petit, on se créait nos propres codes.
Julia : J’avais choisi comme thème de voyage la découverte des écoles sourdes, ce que font les élèves et ce que fait la société pour eux. J’ai donc surtout rencontré des personnes sourdes. J’ai eu de la chance car ils connaissaient toujours un peu la langue des signes ou avaient des amis ou de la famille qui la connaissaient, ce qui a beaucoup facilité la communication. Sinon on parlait par gestes. Les malgaches sont des gens très ouverts. Ils ne jugent pas et qu’ils soient sourds ou entendants, ils n’avaient pas peur de ma surdité.
Qu’est-ce que ce voyage vous a apporté ?
Aurélie : Ces deux voyages ont été pour moi des expériences énormes. Ils m’ont ouvert l’esprit. J’ai appris à mettre de côté mes préjugés, à ne pas juger les gens trop vite et à respecter les avis des uns et des autres même s'ils sont différents du mien. En Inde, les gens me posaient beaucoup de questions, ils s'intéressaient à moi. A leurs yeux, j'avais de l'importance. Cela a changé le regard que je posais sur moi et sur les autres. Avant, j'avais l'impression d'être quelqu'un de banal, comme tout le monde. J'ai compris que j'avais de la valeur et que nous en avions tous. J’ai aussi découvert que j’étais capable d’aller au bout d’un rêve, que j’avais de la volonté, que je savais me défendre dans les moments difficiles. Les expériences de la vie vous font évoluer, les voyages vous font faire de véritables bonds en avant. Si l’on se sent prêt, il ne faut pas hésiter et partir !
Julia : J'ai beaucoup appris sur moi. Ce voyage m'a permis de prendre confiance en moi, de me conforter dans l'idée que je suis indépendante et au final m'a fait grandir. J'ai découvert des gens d'une grande pauvreté mais ouverts et généreux. Ce genre d'expérience bouscule vos préjugés et vos a priori. J'ai été bien mieux reçue et acceptée dans ce pays que j'ai pu parfois l'être en France. Je me sentais moins étrangère, moins handicapée grâce à leur spontanéité et leur sourire. Cette expérience m'a donné envie de continuer à voyager et je crois que toute personne handicapée qui en a envie doit avoir le courage de partir. Il faut juste croire en soi.
Valérie François © CIDJ
Article mis à jour le 22/10/2018
/ créé le 18-07-2014