Actualité Ascenseur social en panne pour les boursiers de l’enseignement supérieur
En bref
- Malgré l’introduction de quotas de boursiers pour l’accès aux formations du supérieur, le nombre de boursiers reste stable voire régresse dans les formations sélectives. Coût des formations, choix des spécialités au bac, résultats scolaires, les raisons sont multiples. Des pistes de réflexions sont à l’étude pour tenter de résorber les inégalités d’accès aux filières les plus sélectives.
Pour favoriser la mobilité sociale, la loi orientation et réussite des étudiants (dite loi ORE) a introduit en 2018 des quotas de boursiers dans l’accès aux formations du supérieur. Malgré cette intention louable, force est de constater que les effets de cette mesure sont plutôt mitigés. C’est ce que constate le rapport de France Stratégies, les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, publié en septembre dernier.
Moins de boursiers dans les filières sélectives
L’introduction de quotas de boursiers au sein de Parcoursup s’est accompagnée d’une nette augmentation du nombre de boursiers accédant à l’enseignement supérieur. En 2 ans, leur proportion est passée de 20 % à 25 %. Mais cette augmentation de néo-bacheliers boursiers ne s’est pas traduite pour autant par un accroissement du nombre d’étudiants boursiers comme on aurait pu s’y attendre. Bien au contraire.
Deux ans après l’introduction de cette mesure, l’étude de France Stratégies montre que le nombre d’étudiants boursiers dans le supérieur est resté stable et à même fléchi dans les filières sélectives. En 2021-2022, le taux de boursiers (37,7%) est ainsi équivalent à celui de 2016-2017 si l’on tient compte des évolutions y compris pour les boursiers aux revenus les plus faibles (échelons 5, 6 et 7).
Parallèlement à cette stagnation générale, l’étude met en avant une très forte disparité du nombre de boursiers selon les filières. Les étudiants boursiers se concentrent principalement dans les établissements publics notamment les universités et les STS. En revanche, le nombre d’étudiants boursiers a baissé depuis 2016-2017 de manière significative dans l’accès aux classes prépa (-2 points), aux écoles de commerce (-2,4 points) et aux formations d’ingénieurs publiques et privés (-3,1 points).
Poids des résultats scolaires et rôle de l’autocensure
Comment expliquer cette désertion des étudiants boursiers pour les filières sélectives. Est-ce la conséquence d’une sélectivité sociale des formations ou d’inégalités sociales des performances scolaires ? s’interrogent les auteurs de ce rapport. Sans doute un ensemble de tout cela avec une pointe d’autocensure en sus.
Les données de Parcoursup montrent que les choix d’orientation des lycéens boursiers se portent davantage vers l’université et les STS plutôt que vers les filières sélectives (école d’ingénieur, école de commerce). Pour les écoles de commerce, le coût de la scolarité constitue sans doute un frein. Cette moindre appétence pour les filières sélectives peut aussi s’expliquer par le choix des spécialités et options en 1ère et terminale et les performances scolaires. Ainsi les écarts de taux de boursiers entre doublettes de spécialités des élèves sont d’un facteur de 1 à 2,5 soit de 10 % à 25 % (les élèves boursiers sont moins nombreux dans les doublettes scientifiques associant en plus les options maths expertes et maths complémentaires qui conduisent prioritairement aux filières sélectives). Ces écarts sont encore plus prononcés si l’on prend en compte l’obtention de la mention Très Bien pour ces mêmes doublettes de spécialités et options. Ils passent de 1 à 8 soit de 4 % à 25 %. Mécaniquement, les bacheliers boursiers sont ainsi moins nombreux à intégrer les filières sélectives.
Pour renforcer le nombre d’étudiants boursiers dans les formations du supérieur vient en premier lieu la question de l’orientation. Mais le rapport détaille également d’autres axes d’amélioration comme la modification du mode de calcul des quotas de boursiers, une réelle politique d’ouverture sociale des établissements et l’anonymisation du lycée d’origine dans Parcoursup. Sans doute faudrait-il un mixte de l’ensemble de ces solutions, car « les quotas ne pourront pas à eux seuls résorber les inégalités d’accès aux filières les plus sélectives du supérieur ». Mais à elle seule la problématique d’anonymisation du lycée d’origine soulève d’importants questionnements. « Permettra-t-elle de régler la question épineuse de la sectorisation » et donc de la réputation du lycée d’origine qui concourt (officieusement) à l’accès à certaines formations. « Comment favoriser les initiatives actives des établissements en faveur de l’ouverture sociale sans mentionner le nom du lycée d’origine ? ». Un choix cornélien qui va faire débat.