WEBSÉRIE : J'AI OSÉ ! Musique électro : " femmes DJ ou beatmaker, vous avez votre place !"
En bref
- Juline Michel aka Ka(ra)mi est musicienne, DJ et beatmakeuse. Elle nous raconte ses débuts dans la musique, qui a toujours été une évidence pour elle, et le déclic qui lui a permis d'en faire son métier. Aujourd'hui, s'il n'est plus rare de voir des femmes DJ ou productrices, elles restent encore minoritaires. Ka(ra)mi, qui anime par ailleurs des stages de DJette et de beatmaking, aimerait que la musique électro soit plus inclusive : « même si vous n'avez pas vu beaucoup de filles derrière les platines, vous pouvez le faire ! »
Dans tout milieu, même dans des métiers passions, tout n'est pas toujours rose. « C'est important de mettre des limites si les choses dérapent ou sont trop intenses » rappelle l'artiste Ka(ra)mi.
Travailler dans la musique
« Je m’appelle Juline et mon nom d’artiste c’est Ka(ra)mi. Je suis DJ, musicienne, beatmakeuse et j’habite à Vitry-sur-Seine. J’ai commencé à faire du piano à l’âge de 6 ans. J’ai toujours aimé écouter de la musique. Mon père est haïtien, ma mère hongroise, on écoutait beaucoup de musique haïtienne à la maison, beaucoup de musique malienne aussi parce que mon père vivait au Mali la moitié du temps.
Je me suis dit que je pouvais faire de la musique mon métier en allant régulièrement à New York où j’ai de la famille. Je suis allée voir beaucoup de concerts et de jam session là-bas et ça m’a transmis le message que c’est possible de faire ce métier. C’était une période où je n’habitais pas encore en France, mon seul exemple c’était la Suisse où on disait souvent que la musique ce n’était pas viable et que ce n’est pas un "vrai métier".
Après trois année d'études de psychologie à l’université de Lausanne, j’ai pris une année de pause avant le master. Cette même année, une chanteuse de Berlin, qui s’appelle DENA, est tombée par hasard sur une vidéo dans laquelle, à plusieurs, on avait rejoué ses morceaux. Elle m’a contactée pour me demander de l’accompagner en tournée pour être sa musicienne. Cette demande est arrivée pile au moment où je devais reprendre mon master donc ce n’était pas compatible. C’était soit je partais en tournée avec elle, soit j'allais faire mon master. Sans hésiter, j’ai choisi la tournée. Dans un sens, c’était une décision évidente pour moi… après ce n’était pas si facile de la prendre parce que c’était quand même la décision la plus risquée. Je crois pas mal aux signes donc je me dis que si quelque chose arrive à un moment donné, c’est pour une raison ! Même si cette tournée n'a duré qu'un temps, après je n'ai plus du tout repensé à mon master.
Le deuxième déclic a été mon arrivée à Paris, où j’avais de plus en plus de dates de concerts et de collaborations avec des artistes. C'est à ce moment-là que j’ai entendu parler du régime d’intermittent du spectacle, qui n’existe pas en Suisse. »
La musique électronique n'est pas réservée aux hommes
« Souvent, dans l’imaginaire collectif, quand on imagine un beatmaker on imagine un homme. C’est en plus une profession qui est assez cachée : on entend un son et on voit le nom du chanteur ou de la chanteuse mais pas forcément du beatmaker. Il faut chercher dans les crédits. La difficulté est double quand c’est une femme qui le fait. J'ai souvent été confrontée à cette situation quand je faisais mes beats pour mon ancien groupe et qu'on venait nous demander qui produit. Je voyais qu’il y avait une difficulté pour les gens à comprendre que c’est moi qui ai pu faire les beats électroniques. Si c’est pour jouer du piano, chanter, écrire… ça passe, mais sinon il y a une espèce de blocage. C’est quelque chose qui m’a beaucoup dérangée. Aussi, de voir des différences de traitement, comment on m’a mis des bâtons dans les roues ou quand on me disait qu’il fallait que j’appelle des beatmakers hommes pour compléter mon travail… Tout ça m’a provoqué beaucoup de colère.
J’ai la volonté d’encourager les filles, les femmes, personnes qui s’identifient comme femmes, personnes transgenres, personnes non-binaires à ne pas s’auto-mettre des barrières parce que c’est difficile quand on a peu de modèles. Ce n’est pas qu’il n’y a aucune femme qui fait cela mais pour être visible, c’est plus dur. Même si vous n’avez pas vu beaucoup de filles derrière les platines ou en train de produire, vous pouvez le faire ! »