Enquête Adieu les bullshit jobs, les jeunes veulent du sens
En bref
- Après l’épuisement au travail, (le burn out), l’ennui au travail, (le bore out), nous arrivons dans l’ère du brown out, la perte de sens au travail. 70% des 18-30 ans mettent même ce critère en premier avant la rémunération selon une enquête Opinion Way et 20 minutes pour l’union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES). Mais que met-on derrière un job de sens ? Quelles sont les bonnes questions à se poser ? Comment trouver son job de sens ? Cidj.com a posé la question a des spécialistes.
La salle est pleine à craquer à la Maison des acteurs du Paris durable. Certains doivent même rester debout. « C’est la même chose à chaque session » avoue Laure Caniot-Genevois, fondatrice de la start-up « mon job de sens » et qui s’apprête à donner une conférence. Le sens est à la mode. D’ailleurs 70% des 18-30 ans, selon une enquête Opinion Way et 20 minutes pour l’union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) privilégieraient entre deux emplois celui qui a du sens. Certains s’en rendent compte dès la fin de leurs études comme Thibault Bastin qui à peine sorti de son école d’ingénieur co-fonde avec Barthélémy « les talents d’Alphonse », une plate-forme intra-générationnelle. Tous les deux savent très vite qu’ils veulent créer leur entreprise et dès le départ, ils rêvent de monter un projet qui a du sens. « J’avais réalisé mon stage de fin d’étude dans un fonds d’investissement anglais. C’était très stimulant comme job et super bien payé mais je n’y voyais pas de sens », explique Thibault.
Apporter sa pierre à l’édifice
D’autres, comme Vincent, mette un peu plus de temps à sauter le pas. Après une école de commerce, il choisit de devenir contrôleur de gestion. Il est embauché dans une PME dans laquelle il travaille pendant 4 ans. « J’aimais mon métier et la boîte plutôt familiale était sympa mais il me manquait quelque chose. Il y a deux ans, je me suis senti moins bien, j’étais stressé, je perdais du poids. J’ai mis du temps à comprendre ce qui n’allait pas. Mon métier a pour seul objectif de faire gagner de l’argent à l’entreprise. Je ne peux pas envisager l’avenir en ayant cela pour unique but. J’ai besoin de sentir que j’apporte une pierre à l’édifice qu’elle soit humaine, environnementale, sociale », conclut-il.
Trouver son job de sens avec l’Ikigai
Mais qu’est-ce qu’un job de sens et comment trouver son job de sens ? Pour trouver son job idéal, Laure Caniot-Genevois utilise la méthode de l’Ikigai. « Cette méthode vient du japon, de l’île d’Okinawa plus exactement dans laquelle vive le plus de centenaires au monde. Le principe est simple et repose sur 4 questions : Pour quoi suis-je doué ? Qu’est-ce que j’aime ? Quelle cause ai-je envie de défendre ? Quelle valeur (service) puis-je apporter pour laquelle je pourrai être rémunéré ? car la partie financière a son importance. Il faut arriver à trouver un équilibre global pour être pleinement heureux », explique-t-elle.
Le sens n’est pas un métier
« Mais attention, rappelle Jean-Philippe Teboul créateur du cabinet de recrutement Orientation durable, le sens n’est pas un métier ! » On associe souvent les métiers de l’économie sociale solidaire comme étant des jobs de sens. En réalité, chacun doit trouver son combat. La vraie question serait qu’est-ce qui a du sens pour moi. Peu importe la structure. « Je suis convaincue que tous les emplois qui existent peuvent avoir un impact positif. Tout dépend de l’intention que l’on met dans l’activité que l’on exerce. Professeur, avocat, infirmière sont des jobs de sens. Mais on peut travailler dans la logistique et proposer des alternatives écologiques aux transports. Et cela aura aussi du sens ! », renchérit Laura Caniot-Genevois. A l’inverse, travailler pour une association ne signifie pas pour autant avoir trouvé un sens à sa vie professionnelle. La jeune femme est bien placée pour le savoir. Elle avait à priori un métier qui a du sens avant de créer sa boîte. Elle travaillait pour l’association Zero Waste France qui œuvre pour la réduction des déchets. Elle recevait chaque semaine des dizaines de CV de gens qui rêvaient de venir travailler pour ce mouvement mais bizarrement, elle, ne s’y sentait pas à sa place. « J’ai mis 3 ans à me poser les bonnes questions et trouver le métier qui a du sens pour moi ». Jean-Philippe Teboul confirme, « dans sa quête de sens, il ne faut pas se tromper de combat. Si vous voulez changer le monde, il ne faut pas aller aux restos du cœur, mieux vaut choisir Greenpeace ».
Renseignez-vous bien sur les structures qui recrutent
L’ESS représente 10% de l’emploi en France. Mais avertit Jean-Philippe teboul, « Ce chiffre ne veut rien dire. Il faut isoler les postes à l’intérieur de l’ESS et les différentes fonctions. Je suis surpris de voir tous ces étudiants sortir de master en développement durable alors qu’il n’y a aucun poste à la clé. A l’inverse l’habitat social qui paie 80% mieux que bien des structures de l’ESS et qui a 20 fois plus d’offres avec un réel impact sur la société est un secteur ignoré des candidats. » Coopérative, mutuelle, association, entreprises sociales et solidaires, fondations, le secteur est vaste. Le secteur social représente 62% des emplois du secteur suivi par les activités financières (30%). Renseignez-vous bien sur les offres et les métiers.
Se confronter à la réalité
Le sens est donc une histoire très personnelle, une quête aussi. « Indépendamment du sens, il faut se poser la question du métier. Si vous n’aimez pas le métier, vous ne l’aimerez pas dans une structure de l’ESS. Si vous n’aimez pas l’audit, vous n’aimerez pas l’audit environnemental, » ajoute Jean-Philippe Teboul. Lorsque l’on commence à avoir des idées, mieux vaut aller enquêter, rencontrer des professionnels qui exercent le métier de vos rêves. « Vous rêvez d’ouvrir un restaurant de produits bio et locaux mais avez-vous bien en tête qu’il faudra travailler le soir, le week-end, que pour trouver des produits frais il faut se lever à 5h00 du matin. Bref, il est important de se confronter à la réalité », ajoute Laure Caniot-Genevois.
Réfléchissez bien au salaire en dessous duquel vous ne souhaitez pas descendre
Le salaire n’est pas non plus à négliger. Contrairement aux idées reçues les salaires dans l’économie sociale et solidaire ne sont pas si décalés que ceux du privé, du moins en début de carrière. En moyenne pour un premier emploi, il faut compter 1800 net contre 1900 euros dans le privé. « Posez un chiffre sur le papier en dessous duquel vous ne vous sentiriez pas bien. Une fois cela fait, ne répondez à aucune offre en dessous de cette somme. Le salaire n’est pas anodin. Il faut bien y avoir réfléchi », conclut Jean-Philippe Teboul.