Cours d'éducation sexuelle : le rencart manqué de l'État, trois associations l'attaquent en justice
- Sexualité
Mercredi 1er mars, trois associations - SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial - ont annoncé vouloir attaquer l'État devant le tribunal administratif de Paris. En cause ? Le non-respect de la loi et de la mise en place des séances d'éducation à la sexualité durant la scolarité. Aujourd'hui, sur ces 21 séances obligatoires, seules 2,7 sont en moyenne dispensées.
Cheveux teints de rose, orgasmes à répétition et conseils sur les relations intimes donnés dans les toilettes du lycée… Les fans de Netflix auront reconnu « Sex Education », la série à succès dans laquelle les protagonistes prennent leur éducation sexuelle bien en main. Et cette production anglaise a le mérite de faire un pied de nez aux séances -insuffisamment- dispensées par le lycée fictif Moordale. Là non plus, l’institution ne répond pas aux attentes des jeunes. Miroir de la réalité ?
L’éducation sexuelle, une matière aussi importante que les autres
Bien sûr, l’idée n’est pas de reproduire le schéma d’Otis et ses amis, sexologues amateurs et dealers de « bons » conseils auprès des camarades. M’enfin l’idée n’est pas non plus de rester dans le flou total. Car, à l’école, au collège ou au lycée, l’éducation sexuelle demeure un des sujets primordiaux à aborder avec les adultes, mais aussi entre jeunes et ça, c’est la loi qui le dit !
Ainsi, en 2001 est adoptée la loi Aubry : elle inscrit l’éducation sexuelle au programme scolaire. Avec le recul, la loi ne suffit pas pour imposer ces séances. Les chiffres en témoignent : sur les 21 cours prévus tout au long de la scolarité, les élèves n’en bénéficient que de 2,7 en moyenne. Et ce n’est peut-être pas sans conséquences. Le rapport du Haut conseil à l’égalité sur les « perceptions et vécus chez les jeunes générations en 2022 », relève l’importance du sexisme et des violences dans la vie sexuelle des jeunes. Ainsi, un quart d’entre eux déclare avoir déjà subi des rapports sexuels non consentis.
Face à ce constat, les associations SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial ont annoncé ce 1er mars 2023 vouloir attaquer le gouvernement devant la justice, afin de "mettre l'État devant ses responsabilités".
Sur les réseaux sociaux, la parole se libère
Puisque le système scolaire ne parvient pas à s’emparer du sujet, les jeunes ont trouvé l’alternative sur les réseaux sociaux. Des vidéos YouTube, des posts Instagram ou des sujets TikTok fleurissent de partout. Loin des cours classiques, ces comptes plus ou moins alimentés par des professionnels, promettent aux jeunes de se faire une culture sur le sujet. Internet allant plus vite que les mises à jour des manuels scolaires pour montrer un schéma de clitoris !
Camille Aumont-Carnel, à l’origine du compte « Je m’en bats le clito », a récemment publié un guide d’éducation sexuelle à destination des ados (Ado sexo). L’autrice met les pieds dans le plat, en insistant sur l’urgence de répondre aux « vraies questions » des jeunes. Dans son livre, elle synthétise plus de 25 000 témoignages d'adolescents de partout (France, Belgique, Suisse, Sénégal, Mali…) pour éclairer tous les autres.
Dans la même lignée, le compte « Orgasme et moi » s’inscrit comme la ressource documentaire à consulter. Sex-toys, masturbations, premières fois, mais aussi VIH, dépistage et protections... Tous les thèmes y passent, et ils s’adressent aux jeunes, à tous les jeunes et sans distinction de genre. Car une grande partie des contenus sur les réseaux sociaux s’adressent essentiellement aux jeunes femmes : #Metoo est passé par là, et avec lui la prise de conscience, pour ces dernières, de reprendre possession de leurs corps et de leur plaisir. Que l’on se rassure, des contenus s’adressent aussi aux garçons, comme les vidéos de Ben Névert « Entre mecs ». Pendant une petite heure, ses invités, souvent influenceurs ou youtubeurs comme lui, discutent autour d’une table de sujets liés à la sexualité, à leurs complexes, leurs rapports à leurs corps, leurs premiers rapports sexuels…
Ces sites internet qui vous apprendront bien plus que le porno mainstream
Pour avoir accès à des informations fiables sur la sexualité, mieux vaut se documenter sur des sites réalisés par des professionnels. Le site Onsexprime regroupe à la fois des vidéos tuto et des numéros utiles, quand le site Fil santé jeunes proposent des articles sur divers sujets liés à la vie des jeunes. Il offre aussi un numéro d’écoute.
Pour ceux et celles qui souhaiteraient poser des questions plus personnelles, des tchats anonymes et gratuits sont accessibles en ligne. Animé par des sages-femmes 7j/7 et 24h/24, le site Les Pipelettes répond aux questions de santé sexuelle des 15-25 ans. Celui d’En Avant Toutes est un tchat national qui aborde les sujets liés aux violences sexistes et sexuelles. La plateforme, appelée « Comment on s’aime ? », est dirigée par des professionnelles qui « écoutent, conseillent, et redirigent vers les structures souhaitées ». Les articles du CIDJ, dans la rubrique « Psycho, santé » décortiquent aussi les questions liées à la sexualité, la prévention, l’IVG, la contraception…
Ces lieux qui accueillent les jeunes
Pour avoir accès à certaines informations, il faut parfois se déplacer ! Sur tout le territoire, des lieux spécialisés accueillent les jeunes qui souhaitent discuter de sexualité. Il y a notamment les centres de santé sexuelle, dont les adresses sont répertoriées sur le site du gouvernement, les Plannings familiaux, dont les différents collectifs interviennent dans les établissements scolaires lors des séances d’éducation sexuelle, les Points Accueil et Écoute Jeunes (PAEJ)… Au moindre doute, n’hésitez pas aussi à vous adresser aux infirmiers et infirmières de votre établissement !
Un « rendez-vous manqué ». C’est avec ces mots que la formatrice en santé sexuelle Charline Vermont débute sa tribune, publiée dans Libération. Divulguée le 1er décembre dernier, cette plaidoirie s’indigne du peu de séances d’éducation sexuelle dispensées aux 12 millions d’élèves. Deux mois auparavant, un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation, révélé par Médiapart, alarmait sur le faible taux de cours délivré : seuls 15% des séances sont assurées à l’école et au lycée, et moins de 20 % le sont au collège. Rapport resté plus d’un an dans les tiroirs de l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer… Le Haut conseil à l’égalité s’est immédiatement emparé du sujet : « L’absence d’éducation à la vie sexuelle et affective favorise le sexisme, qui est lui-même l’antichambre des violences ». Un rendez-vous manqué qui a donc « vingt ans de retard », selon les propos tenus par Sylvie Pierre-Brossolette, la directrice de l’institution. En espérant que le nouveau ministre n’attende pas vingt ans de plus…
Perrine Basset © CIDJ
Article mis à jour le 03-03-2023
/ créé le 03-03-2023
Crédit photo : Reproductive Health Supplies Coalition