#MeToo Najoua Ferréol, pionnière de la coordination d’intimité
En bref
- Comédienne de formation, réalisatrice et productrice, Najoua Ferréol est devenue coordinatrice d’intimité, il y a trois ans.
- Son métier, encore peu connu en France, vise à apporter un cadre sécurisant lors du tournage de scènes de sexe ou de nudité.
- Rencontre avec une professionnelle engagée qui veille au respect du consentement sur les plateaux de cinéma.
Une question de consentement
C’est dans un contexte mouvementé que Najoua Ferréol a découvert ce métier émergeant du septième art. Secoué par l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, le petit monde du cinéma commence à s’organiser pour s’assurer du consentement de ses comédiens. Et c’est la responsabilité du coordinateur d’intimité. « Au début, j’étais sceptique, mais j’ai vite compris l’importance de cette fonction » reconnaît l’intéressée, formée à l’IDC Professional aux États-Unis. Elle y a acquis les compétences spécifiques et indispensables pour assurer la sécurité émotionnelle des comédiens lors du tournage de scènes sensibles. Son parcours lui permet de mieux comprendre les inquiétudes des acteurs : « J’ai moi-même connu des situations inconfortables en tant qu’actrice. J’essaie d’apporter aux autres ce que j’aurais aimé avoir à l’époque. » Et de préciser que la coordination d’intimité ne se limite pas aux scènes de nudité ou de sexe simulé, car elle intervient aussi « dans des situations émotionnellement complexes : une scène de maladie, une agression ou même une interaction entre un enfant et un adulte. » Son rôle consiste avant tout à instaurer un cadre clair et sécurisé. Elle discute avec le réalisateur et les comédiens en amont pour établir les limites ensemble. L’aspect important du processus reste le consentement continu, car « ce qui était valable il y a une heure peut ne plus l’être maintenant. »
Ce n'est pas la police des mœurs
Mais le rôle de Najoua Ferréol, c’est aussi de prévenir les dérapages. Ainsi, la seule présence d’un coordinateur d’intimité dissuade certains comportements déplacés. Pour elle, une simple remarque sur le physique d’un acteur, en apparence anodine, peut s’avérer dévastatrice. « Mon rôle est d’intervenir en amont de l’impact psychologique », explique celle qui compare ce métier à celui de coordinateur de cascades. « On ne laisserait jamais un acteur improviser une scène risquée sans préparation. Pourquoi le ferait-on pour une scène intime ? » ajoute-t-elle.
Si la présence d’un coordinateur d’intimité n’est plus optionnelle sur les tournages des productions comme Netflix ou HBO, il demeure encore méconnu en France. Ou critiqué : encore une importation du puritanisme américain. « Il ne s’agit pas de censurer la créativité mais de respecter les limites de chacun. Je ne suis pas la police des mœurs. », rappelle-t-elle. Sur d’autres scènes, celles du théâtre, la coordination d’intimité fait une entrée timide. Ainsi, « l’Opéra de Paris a récemment fait appel à un coordinateur d’intimité pour une production, se réjouit-elle, c’est encourageant ».
Un métier en construction
De quoi encourager Najoua Ferréol dans sa démarche, et l’étendre à d’autres secteurs comme la publicité ou la télé-réalité. Partout, « il est essentiel de garantir un cadre respectueux pour protéger la santé mentale des participants », affirme-t-elle. Et de militer aussi pour une meilleure prise en compte de la diversité culturelle dans son travail, car les codes varient d’un pays à l’autre. Elle explique : « Le cinéma asiatique, par exemple, traite l’intimité différemment. Il est important de comprendre ces sensibilités culturelles. »
En France, le métier de coordinateur d’intimité commence à se structurer, même si le chemin reste long car beaucoup de réalisateurs le voient d’un mauvais œil. Mais pour elle, le respect des limites offre une liberté de jeu totale : « Quand un acteur sait qu’il est en sécurité, il ose aller plus loin. » Najoua Ferréol s’engage pour faire connaître cette profession essentielle. Selon elle, « l’idée de spontanéité ne doit pas se confondre avec l’improvisation sur un plateau où tout est programmé et minuté à l'avance ». En somme, la sécurité émotionnelle des comédiens et des comédiennes ne devrait pas être une option.
Focus
Un rapport accablant sur les violences dans la culture
Présenté le 9 avril 2025, le rapport parlementaire sur les violences dans le milieu de la culture dresse un constat alarmant des abus systémiques dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Le rapport dénonce une culture d’impunité, entretenue par l’aura des artistes, souvent idéalisés et protégés, qui favorise des comportements abusifs. À l’appui, des centaines de témoignages accablants : agressions sexuelles lors de castings, abus sur mineurs et notamment, l'exploitation de scènes d’intimité. Parmi les 86 mesures proposées pour réformer ces milieux : la généralisation de coordinateurs d’intimité formés, pour encadrer les scènes sensibles et garantir le consentement des acteurs. Le rapport appelle enfin à une réforme structurelle du secteur culturel français. Une loi pourrait suivre pour institutionnaliser certaines recommandations, marquant un tournant historique dans la lutte contre les violences et pour la protection des artistes, en particulier les plus vulnérables.