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Bizutage : 3 questions à Marie-France Henry, présidente du CNCB
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Alors que le bizutage est un délit passible d'une amende de 7 500 € et d'une peine d'emprisonnement, il reste encore largement répandu dans l'enseignement supérieur. Pour libérer la parole, une campagne de prévention sur les réseaux sociaux a été lancée par le Comité national contre le bizutage (CNCB). Cidj.com a posé 3 questions à sa présidente, Marie-France Henry.
Mélanges douteux à ingurgiter de force, alcoolisation excessive, humiliations, gestes déplacés… les témoignages publiés sur la page Facebook du Comité national contre le bizutage (CNCB) sont sidérants. Lancée à la rentrée la campagne « Bizutage #JeDisStop » (https://bizutagejedisstop.org) incite les étudiants à témoigner et à s’opposer au bizutage en publiant sur Facebook ou Instagram une photo d’eux avec les lettres STOP sur leur poing.
Objectif de la campagne : libérer la parole des victimes et des témoins, alerter et mettre fin à ces pratiques qui sévissent aussi bien dans les grandes écoles que dans les universités ou classes prépas, voire des lycées.
L’association mène des actions de prévention dans les établissements d'enseignement supérieur, les associations sportives et des lycées. La présidente et la vice-présidente du CNCB répondent aux victimes de bizutage qui les contactent via les deux numéros de téléphone indiqués sur le site*.
Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage, répond aux questions de Cidj.com.
Pour quelles raisons les témoignages restent encore trop peu fréquents alors que le bizutage est un délit ?
Les victimes de bizutage hésitent à parler par peur de représailles de la part d’autres étudiants et parce qu’elles ne savent pas comment elles seront reçues par la direction de leur établissement. Elles préfèrent se taire car elles éprouvent de la honte et de la culpabilité de n’avoir pas pu réagir ou s’opposer. Or en parler est déjà une première étape pour sortir de ce sentiment. Lorsque nous recueillons un témoignage, nous rassurons la victime en lui disant qu’elle n’a pas à avoir honte. Nous l'écoutons et nous lui conseillons de s’orienter vers une cellule d'aide aux victimes ou un psychologue si on constate qu’elle en a besoin.
Sans trahir son anonymat, nous lui proposons d’en informer son chef d’établissement afin que celui-ci prenne des mesures pour condamner le bizutage. Nous demandons que soit rappelé dans le règlement intérieur que le bizutage est un délit et que des sanctions disciplinaires envers les auteurs de bizutage identifiés soient prises. Malheureusement les plaintes déposées par les victimes sont encore trop rares et trop souvent classées sans suite par la justice, ce qui est très dévastateur et pas très encourageant pour libérer la parole.
Est-il simple de se rendre compte que l’on est victime de bizutage, surtout lorsqu’on est alcoolisé ?
À partir du moment où un jeune a mal vécu une situation lors d’une intégration, s’il confie s’être senti mal ou ne pas avoir osé dire non, c'est que les pratiques qui s’y sont déroulées ne sont pas acceptables. Même si les bizuteurs font signer un document de consentement à la victime, cela ne tient pas aux yeux de la loi. Rappelons que le bizutage consiste à amener une personne à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, qu’elle soit consentante ou non. Faire consommer de l’alcool de manière excessive entre dans ce cadre. Sur les bulletins d'inscriptions aux week-end d'intégration, il est souvent demandé aux participants d'apporter de l'alcool et la consommation débute dès la montée dans le bus… Les nouveaux vont boire pour faire comme les autres, pour se faire accepter, même si on ne les y obligent pas.
L'alcoolisation excessive mène à des faits graves à chaque rentrée : noyade, chute, abus... Nous avons recueilli le témoignage de jeunes femmes qui ne se souviennent plus de ce qui s’est passé la veille et se font traiter de filles faciles le lendemain. Elles apprennent que des photos compromettantes d’elles circulent… Quand on est victime de bizutage, il faut penser à noter tout ce qui s'est passé, les lieux, les heures, le nom des personnes qui ont participé, un maximum de détails. Tout ce qui permet de retracer ce qui s'est passé. Il arrive que les bizuteurs mis en cause reconnaissent les faits car ils n'en mesurent pas la gravité.
Faut-il interdire les week-end ou soirées d’intégration ?
Nous déplorons un manque d'encadrement lors de ces week-end d'intégration. Les chefs d’établissements doivent saisir le procureur s'ils constatent ou soupçonnent un acte de bizutage. Certains pensent en toute bonne foi avoir tout fait pour éviter des situations qui dérapent, mais rappelons qu’ils sont responsables de ce qui se passe dans leurs locaux et lors des évènements organisés pour l’intégration des nouveaux étudiants. Ils doivent très précisément savoir ce qui est organisé, où, avec qui, avec quelle quantité d’alcool, les animations prévues etc. Beaucoup d’établissements ont signé la charte « Événements festifs et d’intégration étudiants » mise en place l’année dernière par le ministère de l’Enseignement supérieur, mais ce n’est pas suffisant.
Ce qui enverrait un signal fort à tous les étudiants serait une prise de position claire du chef d’établissement contre le bizutage. Cela encouragerait les nouveaux étudiants à refuser ensemble de se soumettre au bizutage et découragerait les anciens de mener des actes de bizutage. Si cela ne suffit pas, il faut prendre des sanctions dissuasives en conseil de discipline et exclure les responsables. Et si, malgré tout, le bizutage persiste, pourquoi ne pas interdire ces évènements ?
* Pour contacter le Comité national contre le bizutage : 06 07 45 26 11 / 06 82 81 40 70 / www.contrelebizutage.fr
À noter : les victimes peuvent aussi contacter France victimes au 116 006 (gratuit, 7j/7) et en cas de violences sexuelles Viols Femmes informations au 0 800 059 595 (gratuit, du lundi au vendredi de 10h à 19h).
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Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Actu mise à jour le 02-10-2019
/ créée le 02-10-2019
Crédit photo : Igor Rodrigues - Unsplash