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Inflation : toujours plus d’étudiants dans les points de distribution d’aides alimentaires
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En un an, le prix des produits d’alimentation a augmenté de 11,8 % d’après l’Insee. Cette hausse affecte particulièrement les étudiants les plus précaires qui affluent vers les points de distribution d’aides alimentaires. Et notamment à Paris comme nous avons pu le constater aux côtés des bénévoles de Linkee.
Ça se passe comme ça tous les jeudis à 18 h 30. Au milieu de la rue des haies dans le 20e arrondissement de Paris, une longue file se dresse sur le trottoir. Des étudiants, ou des proches d’étudiants, viennent récupérer leur colis alimentaire auprès de Linkee, une association qui collecte les invendus des commerçants pour les redistribuer gracieusement. Le jeudi 27 octobre 2022, ils étaient 400 à faire le plein de fruits, légumes et autres produits frais. Une hausse significative en comparaison des 250 à 300 personnes comptabilisées l’année dernière, à la même date.
Alors, deux fois par semaine, Morgane œuvre pour l’association. Mais cette étudiante en deuxième année de sociologie et de coréen à l’Inalco, originaire de Montpellier, ne se contente pas de participer bénévolement aux distributions, elle en bénéficie pour se nourrir. Et ce, depuis son arrivée dans la capitale en 2021. Une situation qui ne s’améliore pas, car, depuis la rentrée 2022, l’inflation pèse lourdement sur le porte-monnaie.
« J’ai moins d’argent pour faire les courses comme pour sortir, alors que s’alimenter correctement et entretenir une vie sociale demeurent essentiels à l’équilibre », déplore la jeune femme de 19 ans. Pour financer son logement dans le 13e arrondissement — dont le loyer s’élève à 650 euros mensuels — elle a eu recours à un prêt, ne voulant pas demander d’aide à ses parents. Au total, elle affirme vivre avec 300 euros par mois : 200 euros d’APL et 100 euros provenant de son job d’été (serveuse en Espagne).
90 % de hausse de la fréquentation dans les distributions alimentaires
Comme elle, de nombreux étudiants se sont pressés dans les points de distribution alimentaires pendant et à l’issue de la crise sanitaire. La hausse des prix, en raison de l’inflation actuelle, accentue encore cette tendance. Dans le 13e arrondissement de Paris, 700 personnes viennent tous les lundis récupérer un colis de produits frais dans le plus grand lieu d’accueil de l’association Linkee. Soit une progression de 90 % par rapport à l’année dernière où ils n’étaient « que » 300 à 400 d’une semaine sur l’autre.
Et l’association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes) confirme cette tendance haussière : dans une enquête, réalisée en octobre 2022, l’Andes affirme que 72 % des épiceries solidaires interrogées ont observé une augmentation du nombre de bénéficiaires, dont une bonne partie d’étudiants. Plus de 56 % des sondés pointent l’inflation comme facteur déterminant dans cette augmentation de la fréquentation.
11,8 % d’augmentation du prix des produits alimentaires sur une année
Ces constats de terrain traduisent les conséquences d’une réalité économique inflationniste bien chiffrable. En un an, d’après l’Insee, les prix à la consommation ont bondi de 6,2 % entre octobre 2021 et octobre 2022. Sur la même période, les tarifs des produits alimentaires ont grimpé de 11,8 % quand ceux de l’énergie ont fait un saut de 19,2 %. Au troisième trimestre 2022, l’Insee pointe également l’augmentation annuelle de l’indice de référence des loyers (+3,49 %). Et ce n’est pas plus réjouissant du côté des organisations étudiantes : l’Unef évalue à 6,47 % la hausse du coût de la vie des étudiants à la rentrée 2022 quand la Fage la chiffre à 7,38 %. D’ailleurs, dans le talk-show du samedi soir, « Quelle époque », Julien Meimon, le fondateur de Linkee, précisait récemment que « 80 % des étudiants qu’on aperçoit aujourd’hui dans nos points de distribution n’étaient pas là pendant la période du confinement ».
Des envies de bénévolat
Pour Loufti, étudiant en Master 1 « Innovation, entreprise et société » à Paris-Saclay, c’est une première. Il découvre la distribution alimentaire. Arrivé d’Algérie en septembre 2022 pour ses études, il n’est pas parvenu à obtenir un logement auprès du Crous, ces résidences affichant complet. Pour l’heure, il vit en collocation avec un cousin et compose avec « une l’inflation qui oblige à dépenser toujours plus pour se nourrir ». Après avoir récupéré un colis rempli de fruits et de légumes frais, le jeune homme de 26 ans nous détaille ses charges. Une fois le loyer payé, il lui reste 100 euros mensuels pour s’alimenter, se soigner, se vêtir et sortir avec ses amis. C’est peu, mais pour Linkee, ce n’est pas une surprise. En 2022, l’association a mené une enquête auprès de 3769 étudiants bénéficiant de son dispositif pour dresser un sombre constat : après déduction du loyer et des factures, 2 étudiants sur 3 disposent d’un « reste à vivre » de 50 euros.
Mais ça n’empêche pas Sonia, venue avec ses colocataires à la distribution, de repartir avec le sourire. L’étudiante en Master de Lettres modernes à l’université Paris III Sorbonne Nouvelle tempère : « si le contexte économique est difficile pour les étudiants, cela fait du bien de voir autant de personnes se mobiliser pour aider les jeunes en panne sèche financière ». Un soutien qui donne à cette femme de 24 ans des envies de bénévolat, pour « rendre ce qu’on [lui] a offert ». Précaire, mais solidaire.
La rédaction © CIDJ
Actu mise à jour le 04-11-2022
/ créée le 04-11-2022
Crédit photo : Julien Lecompte - Linkee