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Nina, juriste à l’écoute du 3018 : « On travaille au cas par cas, pour qu’un jeune désespéré puisse raccrocher en se disant " ça va mieux " »
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Le 3018, numéro d’urgence dédié au harcèlement en ligne, accompagne les personnes concernées de près ou de loin par ces situations. Les membres d’e-Enfance bénéficient de liens privilégiés avec les réseaux sociaux, ce qui leur permet de demander des suppressions de contenus liés au harcèlement. Juriste de formation, Nina fait partie de ces écoutants qui répondent 7 jours sur 7 au téléphone.
De la cour de collège au bureau du 3018
« 3018, bonjour ! » Le premier jour où Nina (NDLR : le prénom a été modifié) a passé le pas de la porte de l’association e-Enfance, la juriste a particulièrement été surprise par la bienveillance qui flottait dans la pièce. Le signe d’une équipe soudée, où les écoutants s’entraident pour répondre au mieux aux jeunes victimes de harcèlement en ligne et à leurs familles. Lorsqu’ils ne croulent pas sous les 300 appels quotidiens, Nina et ses collègues échangent des conseils, commentent une situation, se soutiennent moralement. La trentenaire le sait : il y a un avant et un après, de sa vie passée de surveillante de collège à son présent d’écoutante au 3018. D’un ton franc, elle explique qu’elle est arrivée là « par hasard », au détour d’une recherche d’emploi. Le hasard ? Peut-être. Le destin ? Sûrement, avec une offre qui correspond en tout point au profil de la diplômée d’un master du droit de l’enfant et des personnes vulnérables. À la suite de résultats non concluants à l'ENM — le concours de la magistrature – Nina saisit l’occasion de se confronter « au terrain » et de s’engager pour « la cause ». Cependant, elle sait à l’avance qu’elle ne restera pas. Pas que le job – un CDI qu’elle occupe depuis un an et demi – ne lui convienne pas, au contraire. Mais parce que « cette position a toujours été vouée à rester passagère », avec l’objectif de réussir un jour les concours juridiques.
Apporter un soutien psychologique et juridique
Pendant six ans, Nina a évolué au contact des jeunes collégiens en tant que surveillante, côtoyant de près les situations de harcèlement. « J’ai vu comment cela se passait de l’intérieur et à quel point les élèves avaient besoin de soutien », se souvient-elle. Lors de ses débuts au 3018, la juriste peut compter sur ses connaissances en droit, mais craint des lacunes en psychologie. Elle reconnaît alors éprouver « un manque de légitimité à répondre au téléphone ». La formation d’un mois, dispensée par e-Enfance, vient pallier ses faiblesses. Tournures de phrases, ton de la voix, emploi du tutoiement… chaque détail compte pour prendre au mieux les jeunes en charge. Accessible 7 jours sur 7, de 9h à 23h, la plateforme d’écoute reste un dispositif unique en France. « Le plus important est que la personne se sente en confiance, estime Nina. On lui apporte dans un premier temps une écoute, puis une aide juridique. » Grâce à un partenariat privilégié avec les plus grandes plateformes (TikTok, Instagram, Facebook, Snap Chat…), les membres d’e-Enfance suivent une procédure de signalement accéléré permettant de supprimer des comptes sujets au cyberharcèlement. Une étape prenant entre quelques heures à quelques jours pour effacer les contenus. Autre règle primordiale : le respect total de l’anonymat. « Bien qu’on leur conseille toujours d’en parler à leurs parents ou à un adulte en cas de situation aggravée, rien ne les oblige. » Une confidentialité qui rassure certains jeunes ayant peur de représailles.
Un harcèlement numérique qui ne connait aucune limite
Le volet « psy » acquis, Nina s’occupe des appels de A à Z, selon les directives de l’association qui privilégie un seul interlocuteur par jeune. Cependant, certains cas nécessitent une plus grande vigilance. « En un an et demi de travail, j’ai eu trois ou quatre appels qui m’ont bien secouée, estime Nina. Le plus dur, ce sont les appels suicidaires. » Elle se souvient notamment d’un jeune homme qui, de l’autre côté du téléphone, menaçait de sauter à tout moment de sa fenêtre. Accusé de viol sur les réseaux sociaux, il refusait d’admettre que l’écoutante ne pouvait l’aider : « Dans ce cas précis, il ne pouvait que porter plainte pour diffamation auprès d’un tribunal. » L’homme, ayant pris des médicaments, tenait des propos incohérents. « Dans ce genre de situation, nous sommes deux écoutantes derrière le fil : l’une répond tandis que l’autre reste prêt à contacter les pompiers à tout moment. » Pour évacuer les tensions liées à ce genre d’appel, un psychologue extérieur discute une fois par semaine, avec les écoutants. La juriste avoue éprouver une forme de lassitude face à l’ampleur de la tâche : « Avec le numérique, on peut facilement faire souffrir quelqu’un, même si ce dernier n’est pas dans la même classe ou école… Alors, on supprime des contenus qui sont recréés en quelques secondes plus tard ! » Au milieu de situations difficiles, certains appels rappellent à Nina que son travail « porte ses fruits » : « Certains parents nous disent que grâce à nous, leur fils n’est plus harcelé. » D’autres fois, ce sont les jeunes eux-mêmes qui la remercient. « On travaille au cas par cas, pour qu’un jeune désespéré puisse raccrocher en se disant ça va mieux ». Et pour que, quelques minutes plus tard, Nina réponde à un nouvel appel qui démarre toujours par « 3018, bonjour ! ».
Perrine Basset Fériot © CIDJ
Actu mise à jour le 27-09-2024
/ créée le 27-09-2024
Crédit photo : Canva