Pas le choix Quitter le foyer familial, une mission impossible ?

Odile Gnanaprégassame
Publié le 12-06-2024

En bref

  • En France, 5 millions de jeunes adultes vivent chez leurs parents alors qu'un tiers occupe un emploi.
  • La pénurie de logements, le montant prohibitif des loyers et les faibles rémunérations expliquent la difficulté à accéder à son propre toit.
  • Des associations, dont la Fondation Abbé Pierre, plaident pour accélérer la construction de logements aux loyers abordables afin d'apporter une solution aux jeunes.
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Vivre dans le foyer familial en attendant de prendre son indépendance, une situation perçue comme plus ou moins satisfaisante. Crédit : Kinga Howard - Unsplash
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Un peu plus de deux bénéficiaires d'aides au logement sur dix ont moins de 30 ans. Crédit : Noémie Courchinoux - CIDJ
Caroline, étudiante, a trouvé un logement chez une personne âgée grâce à une association de cohabitation intergénérationnelle solidaire. Crédit : Virginie Gruenenberger - CIDJ
Les jeunes Français quittent le foyer familial à partir de 23 ans en moyenne.
Les jeunes Français quittent le foyer familial à partir de 23 ans en moyenne, soit trois ans plus tôt que leurs voisins européens. Crédit : Noémie Courchinoux - CIDJ

5 millions de jeunes vivent chez leurs parents

Ils ont l’âge de voler de leurs propres ailes, mais vivent (encore) chez leurs parents. On les appelle les « Tanguy ». Vous n’avez pas la réf ? C’est un peu normal. Le Tanguy en question est un jeune homme âgé de 28 ans, héros du film éponyme réalisé par Étienne Chatiliez en 2001 (on sait, vous n’étiez pas né). Sa particularité ? Il n’exprime pas la moindre envie de quitter le foyer familial, au grand désespoir de ses parents dont il met les nerfs à rude épreuve. Si l’appartement n’était pas si cossu, Tanguy, enseignant-chercheur de son état, aurait peut-être cherché à prendre son indépendance. Allez savoir. Mais cette comédie, quoique grinçante, reste bien loin de diverses réalités vécues par près de 5 millions de jeunes de moins de 34 ans hébergés chez leurs parents en 2020, comme le rapporte une récente étude de la Fondation Abbé Pierre. Une proportion qui a augmenté depuis 2013, année qui recensait alors 4,6 millions de jeunes concernés. La hausse reste particulièrement significative parmi les 18-24 ans, relèvent les auteurs. Et de rappeler toutefois l’impact du baby-boom de l’an 2000 : cette génération arrive massivement à l’âge adulte dans les années 2020, dans un contexte de crise déjà bien marquée du logement des jeunes. De quoi entraver leur autonomie et les conduire à jouer les prolongations dans leur chambre d’ado. Et ça, c’est dans les meilleures conditions. Car les parents subissent, eux aussi, la cherté des loyers et l'exiguïté des logements. Surtout dans les grandes agglomérations. Si bien que la cohabitation qui s’éternise n’apparait pas comme une solution rêvée. À fortiori pour les jeunes en emploi.

Focus

Les jeunes hommes restent plus longtemps à la maison

Entre 2013 et 2020, le nombre de jeunes hébergés par leurs parents augmente davantage chez les hommes (200 000) que chez les femmes (50 000). À 30 ans, seules 3 % des femmes demeurent dans le foyer familial. Une portion qui grimpe à 13 % pour les hommes. Selon la Fondation Abbé Pierre, le départ des filles s’expliquerait par une mise en couple plus précoce et un accès plus important à l’enseignement supérieur que les garçons, impliquant parfois une mobilité géographique.

On trouve majoritairement les Tanguy parmi la population étudiante. Aussi, tout naturellement, les 18-24 ans constituent le gros des effectifs demeurant chez leurs parents, soit 3,6 millions de jeunes. Là où ça se corse, c’est que le pays compte aussi 1,2 million de jeunes de plus de 25 ans vivant toujours dans le foyer familial, à un âge où on préfère généralement vivre de manière autonome. Et que dire des 1,3 million de jeunes en emploi qui restent, malgré la perception d’un revenu ? Cette situation refléterait des salaires trop bas, des loyers trop élevés ou des logements sociaux trop rares selon la Fondation Abbé Pierre. Face à ces constats, l’institution appelle les pouvoirs publics à instaurer une « vraie politique du logement des jeunes », d’autant qu’une portion non négligeable et en augmentation, soit 600 000 jeunes, est contrainte à occuper un hébergement plus précaire chez des tiers (amis, oncle, tante, cousins…). L'organisation d'utilité publique souhaite l’extension de l’encadrement des loyers, déjà en vigueur dans les communes situées en zone tendue (où le nombre de logements reste insuffisant par rapport à la demande) et la généralisation de la garantie Visale pour les jeunes sans garant fiable. Pour rappel, cette garantie prend notamment en charge le paiement du loyer et des charges en cas de difficultés. Il faut dire que dans certaines villes, les propriétaires de logements privés exigent souvent des futurs locataires, ou de leur garant, de gagner trois fois le montant du loyer ! Dès lors, la solution semble plutôt claire : proposer une offre beaucoup plus importante de logements abordables facilitant le départ du nid dans de bonnes conditions.

Focus

Avez-vous pensé aux cohabitations solidaires ?

Louer une chambre chez une personne âgée, partager une maison avec des jeunes actifs et des personnes sans domicile fixe, cohabiter avec des étudiants… Il est possible de se loger moins cher en contrepartie d’actions solidaires. Comment ça se passe ? On vous dit tout dans nos articles ici et .

La fondation plaide particulièrement en faveur d’une reprise de la production de logements sociaux, laquelle est freinée pour des raisons conjoncturelles liées à la hausse des coûts de construction et du foncier, mais aussi de logements étudiants. Un souhait qui rejoint celui exprimé par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) réclamant davantage de logements dans les résidences publiques des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). D’après son dernier baromètre de la précarité étudiante, à l’échelle nationale, ils ne disposent que d’un logement pour plus de dix-sept étudiants. Une pénurie qui, chaque année, rend la recherche d’un logement ubuesque, jusqu’à mettre en péril, parfois, la poursuite d’études. Pour tenter d’y remédier, le gouvernement, celui en place en novembre 2023, annonçait une feuille de route ambitieuse. La promesse affichée ? Construire 35 000 nouveaux logements étudiants d’ici à fin 2027 et achever la rénovation de l’existant. En attendant, les auteurs de l’enquête ciblent aussi certains « choix politiques délétères » impactant le logement social. Rappelons, par exemple, que pour réaliser des économies, l’État a diminué le montant de l'aide personnalisée au logement (APL) de cinq euros, une décision qui a pesé sur les bailleurs sociaux contraints de baisser les loyers afin de ne pas pénaliser les locataires, comme l’explique Francetvinfo. Leurs recettes ainsi affectées, ils risquent à terme de moins investir dans la construction ou la rénovation. Et de contribuer à l'augmentation du nombre de Tanguy...

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