Bonne question Lycées français : les emplois du temps sont-ils les plus chargés d’Europe ?
En bref
- À chaque rentrée des classes, la question du rythme scolaire se pose.
- En 2024, une pétition fait réagir la nouvelle ministre de l’Éducation nationale.
- En France, on s’approche du record européen du nombre d’heures de cours, mais avec beaucoup de vacances.
Des lamentations pour une pétition
« Super chargé », « c’est chaud… », « une catastrophe ! ». Interroger des lycéens sur leur rythme scolaire, et ce, durant leurs premières vacances de l’année, c’est s’assurer d’un retour quasi unanime. Leur emploi du temps ? Lourd. Cette année, « je finis deux fois par semaine à 18 heures, sachant qu’après, il y a encore une heure d’étude », soupire Marie, 16 ans, qui profite de son temps libre pour flâner avec ses amies au cœur de la capitale. « Parfois, je n’ai que 30 minutes pour déjeuner, et vu que j’arrive tard à la cantine, il ne reste plus rien à manger », enchaîne Roman, en première dans un lycée du Val-de-Marne. Et on pourrait les interroger, après chaque rentrée, pour obtenir probablement un même son de cloche. Pareil dans la sphère politique : la question d’une refonte du calendrier scolaire refait périodiquement surface. Mais cette fois, en septembre 2024, ce sont les concernés qui ont tiré les premiers. Ainsi, sur les réseaux sociaux, des élèves du secondaire excédés dénoncent un rythme insoutenable. Résultat, une pétition en ligne, publiée par l’influenceur SenseiDMots , a dépassé, en deux mois, les 320 000 signatures. De quoi pousser la ministre de l’Éducation nationale à s’emparer du sujet. Et Anne Genetet, par le biais d’une vidéo postée sur TikTok, de se déclarer ouverte… à l’écoute « des bonnes idées » même si elle écarte d’emblée l’idée de « changer toute l’organisation des cours alors que l’année a déjà débuté ». L’invitation est donc lancée au porteur de la pétition pour venir échanger ses (bonnes) idées avec une ministre ayant passé plusieurs années de sa vie à l’étranger. A-t-elle observé de bonnes pratiques ailleurs, voire chez nos proches voisins ?
Des journées à rallonge
En attendant, faisons les comptes. Selon l'OCDE, avec 1 142 heures de cours annuels à l’âge de 15 ans, les élèves français passent bien plus de temps dans leur classe que la plupart de leurs camarades européens. Les Allemands n’en comptent que 895 quand les Britanniques en cumulent 950. Seuls les Grecs font mieux que nous, avec un total de 1330 heures. « Ma correspondante avait du mal à rester concentrée toute la journée jusqu’à 17 heures, elle trouvait notre rythme fou », se rappelle Léa. À l’occasion d’un échange Erasmus+, en 2018, elle avait d’abord accueilli une jeune finlandaise dans sa classe française de Troisième, avant de se rendre là-bas. Et de constater que l’école se résumait à six heures hebdomadaires, de quoi « consacrer le temps restant à d’autres projets ». En effet, le pays scandinave plaide pour un juste équilibre entre performances scolaires et vie personnelle. Le pari semble gagnant puisque la République frontalière de la Russie a décroché, en 2023, la médaille de bronze européenne du classement Pisa, derrière l’Estonie et l’Irlande. Autre pays, autres mœurs, l’Allemagne a longtemps fait figure d’exemple par son modèle d’organisation du temps scolaire très singulier. Aujourd’hui en études supérieures, Axel, tout juste majeur, a eu la chance d’y séjourner à plusieurs reprises durant ses années lycée. Selon les régions (Länder), les cours se concentrent presque exclusivement en matinée. Résultat, « à midi pile, tout mon établissement se retrouvait vide », se souvient l’étudiant. Ici, en sus du programme scolaire, le système germanique encourage la pratique d’activités physiques et culturelles, « de quoi laisser, poursuit Axel, du temps pour visiter Stuttgart où je séjournais quand les Allemands, eux, faisaient du sport, ou bien rentraient chez eux. » Mais attention, outre-Rhin, ce modèle ne fait pas l’unanimité, d’autant qu’au classement Pisa, sur les quatre dernières années, c’est la dégringolade.
Beaucoup de vacances en France
Vecteur d’inégalités selon ses détracteurs, cet agenda condamnerait en pratique les enfants défavorisés à attendre la fin de la journée à la maison pendant que leurs camarades s’épanouiraient dans des disciplines du périscolaire, forcément coûteuses. Néanmoins, en France, l’idée d’alléger le temps scolaire fait son chemin d’autant que cela impliquerait de réduire la durée des vacances. Or, « les vacances longues sont un élément d’injustice sociale », affirmait le président de la République Emmanuel Macron, en janvier 2024. Comment occuper les jeunes pendant tous ces congés quand les parents travaillent ? Certes, plus gâtée en vacances estivales que l’Allemagne, le Danemark ou les Pays-Bas, la France se situe néanmoins, avec huit semaines d’affilée, dans la moyenne des pays européens, selon le site Toute l’Europe. Et que dire alors des jeunes Italiens, Grecs et Lettons qui bénéficient, quant à eux, de douze semaines de pause minimum entre juin et septembre ? En réalité, avec ses 36 semaines de cours dans l’année, la France se place légèrement en dessous de la moyenne de l’OCDE avec des journées intensives de cours, mais aussi plus de vacances intermédiaires. Singularité française, toutes les sept semaines, 15 jours de pause sont accordés aux élèves. Marie a pu s’en souvenir à la faveur d’une année de seconde passée aux Pays-Bas, en 2023. « On avait moins de coupures. À l’automne, par exemple, il fallait compter sur une seule semaine. » Des pauses en moins qu’elle ne regrettait pas pour autant, car « ça restait plaisant d’aller au lycée en finissant à 15 heures, je pouvais me projeter sur le reste de la journée, j’avais une vie après les cours. » Une chose est sûre, le nouveau gouvernement, qui a entamé sa rentrée au même moment que les lycéens, ne changera rien au rythme scolaire cette année. Le temps de trouver le sien.