Psychologue dans l’humanitaire : Hélène travaille pour Médecin sans frontière
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Plus jeune, Hélène ne rêvait pas de devenir psy, en revanche travailler à l’étranger était une évidence pour elle. La jeune femme se tourne vers les études de psychologie tardivement, l’idée lui vient à l’âge de 27 ans, à son retour d’une mission de volontariat au Liban. Aujourd’hui, Hélène est psychologue clinicienne à Médecins sans frontières. Entre deux missions à l’étranger, Hélène nous raconté son parcours et délivre ses conseils à ceux qui aimerait devenir, comme elle, psychologue dans l’humanitaire.
Humanitaire : des missions de quelques jours à 2 ans
Gaza, Guinée, Ethiopie, Népal, Malawi, Kurdistan, Papouasie Nouvelle Guinée, Irak, Tchétchénie, Jordanie, Nigéria…. Le carnet de route d’Hélène est bien rempli. La psychologue a d’abord commencé comme chargée de projet en santé mentale, puis coordinatrice des programmes de santé mentale. Des missions dont la durée variait de quelques jours à deux années maximum.
"En général dans les ONG on accède rapidement à des postes à responsabilité comme coordinateur de projet ou chef de mission, ce qui est intéressant pour les personnes qui le souhaitent" confie Hélène.
Aujourd’hui Hélène intervient principalement auprès de la cellule de soutien psychologique pour les équipes de MSF. Ils sont deux, son collègue est au siège et s’occupe des expatriés de retour en France. Quant à Hélène, elle se déplace à l'étranger pour apporter un soutien et proposer un débriefing psychologique aux personnels nationaux travaillant pour l'ONG à savoir gardiens, chauffeurs, responsable d’équipe, médecins…
Le plus souvent elle s’y rend après un bombardement, un accident sur le terrain ou un kidnapping. Mais elle peut aussi être appelée pour faire de la prévention et proposer un espace de parole aux équipes.
Il faut au moins deux ans d’expérience pour partir en mission humanitaire
A 25 ans, après des études de philosophie Hélène part faire une mission de volontariat de deux ans au Liban pour enseigner le français. "Là-bas, la guerre était finie depuis 6 ans mais encore bien présente dans les esprits. J’ai vu les traumatismes et j’ai pris conscience des conséquences graves sur les personnes engendrées par les guerres" se souvient-elle. "En rentrant j’ai eu envie de me spécialiser sur la question des traumatismes, car là-bas en tant qu’enseignante je voyais que mes outils étaient limités pour les aider". La jeune femme se rend dans un centre d'information et d'orientation (CIO), un conseiller lui parle alors des études de psychologie.
La jeune femme renquille sur cinq années d'études, en psychologie cette fois, en gardant son objectif en tête et orientant tous ses stages et spécialités au plus près de son projet professionnel.
Diplômée d'un master 2 en psychologie clinique et psychopathologique, la jeune femme travaille deux années dans le milieu hospitalier et associatif, un passage obligé avant d’atteindre son objectif : "Dans l’humanitaire, avant d'être envoyé en mission, une expérience professionnelle de deux années est souvent demandée " rappelle Hélène.
La notion de psychologue n’existe pas dans tous les pays mais les traumatismes sont bien là
Hélène intervient dans les pays où Médecin sans frontière y a un projet. Le plus souvent il s’agit de pays où le contexte est difficile car touché par une guerre, une épidémie ou une catastrophe naturelle. Le fait d’intervenir sur les populations locales ou expatriées demande des ajustements culturels : "On ne peut pas faire du copier-coller de notre travail de psychologue en France. Il faut adapter nos outils thérapeutiques à nos patients " explique la psychologue. Cela implique ouverture et curiosité pour la culture du pays d'accueil pour comprendre comment les gens pensent.
Les outils utilisés sont ceux de la thérapie brève, car forcément le temps imparti est court. Dans l'humanitaire il ne s'agit pas de lancer une psychanalyse sur des années avec un patient, mais au contraire d'amener les patients vers une résolution rapide mais néanmoins durable de leurs problèmes.
"Il y a des pays où la notion de psychologue ne veut pas dire grand-chose ajoute-t-elle mais on est toujours bien accueilli car on leur explique que nous sommes là pour qu’ils s’expriment après ce qu’ils ont vécu. Après un kidnapping, une guerre, un viol ou une violente épidémie comme le Ebola, cela crée forcément un traumatisme et ce quelle que soit la culture." confie Hélène.
Travailler dans l’humanitaire : Un pied ici, l’autre là-bas
Ces derniers mois, Hélène est partie six fois en mission, ce qui nécessite une certaine organisation sur le plan personnel. S’inscrire à l'année dans une salle de sport ou prévoir à l’avance un repas avec des amis est compliqué. "Cela demande beaucoup de souplesse : il y a des anniversaires, des fêtes ou des Noëls en famille que l’on rate forcément" prévient-t-elle. "Il faut aussi savoir gérer l’inquiétude de nos proches qui nous voient partir dans des pays où le contexte n’est pas toujours facile" reconnaît la psychologue.
Heureusement une vie s’organise en mission. Généralement les expatriés partent seuls, à part pour les missions longues dans des pays pas trop à risque où il est possible de partir avec sa famille. Quand Hélène part elle est logée dans les logements de l'ONG "Sur place on est des équipes de 3 à 40 personnes. On travaille ensemble, on dine ensemble, on vit ensemble. C’est sympa mais ça demande de bien se connaître soi-même et de poser des limites" remarque la psychologue bien rôdée par les missions à l’étranger et la vie en collectivité. "Il y a des liens très forts qui se créent car on vit des choses ensemble. Au retour il est difficile de partager avec nos proches ce que l’on a vécu car c’est difficilement transmissible" remarque-t-elle.
Quand les psy ont aussi besoin d’aller voir un psy
Au retour il peut aussi y avoir un décalage important avec le quotidien laissé en France. "Il faut quelques jours voire quelques semaines pour se remettre d’une mission affirme-t-elle. Un temps de réadaptation qui est souvent proportionnel à la durée de la mission et à son intensité. "Les missions d'urgence, plus difficiles et où le rythme de travail est intense, ne durent généralement pas plus de 3 mois". Certaines situations sont particulièrement dures, car révoltantes nous confie Hélène, qui se souvient notamment des consultations psychologiques mises en place pour les femmes violées à Bangui en République centrafricaine.
De retour en France, Hélène va régulièrement voir son psy pour bénéficier d’un regard extérieur sur les situations et partager celles qui l'ont heurtées. "Cela aide vraiment à avancer car en tant que psychologue on est un receptacle de choses difficiles. On subit les traumatismes même si on ne les vit pas directement. Il se peut qu'on développe les mêmes symptômes que les victimes d'où l'importance d'avoir, nous aussi, un espace de parole" insiste la psychologue.
Un rythme intense et fatiguant physiquement que la psychologue n'est pas certaine de vouloir tenir toute sa carrière. Certains de ses confrères ont d'ailleurs décidé d'exercer en libéral en France, et de ne partir en mission plus que quelques mois par an. Une option que la psychologue n'écarte pas.
La rédaction © CIDJ
Article mis à jour le 04-11-2016
/ créé le 04-11-2016