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Interview Love money, crowdfunding equity… : financer sa start-up

Isabelle Fagotat Isabelle Fagotat
Publié le 27-03-2018

En bref

  • Beaucoup de projets de start-ups se terminent par manque d’argent, car pour développer son activité, il faut disposer du capital nécessaire. Comment réunir les fonds pour faire vivre son entreprise ? À qui s’adresser ? Les conseils de Luc Pierart, dirigeant de PKparis qui a réussi à lever plusieurs centaines de milliers d’euros auprès de divers investisseurs.
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Un carnet avec des chiffres inscrits sur la couverture posé à côté d'un stylo et d'un ordinateur portable. Crédit : Volkan Olmez

Luc Pierart a créé PKparis en 2013. Son entreprise conçoit des objets connectés (clé USB intelligente, casque sans fil…) et développe actuellement une montre pour diabétiques qui devrait être commercialisée en 2020, permettant de mesurer le taux de glucose dans le corps.
PKparis, qui compte aujourd’hui une vingtaine de salariés a reçu 6 prix d'innovation en janvier dernier au CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas, rendez-vous incontournable des nouvelles tendances dans le domaine du numérique.
Depuis 5 ans, Luc Pierart a réussi à lever plusieurs centaines de milliers d’euros auprès de divers financeurs. Pour lui, un entrepreneur doit, pour réussir, assurer ses arrières, anticiper et surtout procéder par étapes.

« Tout d’abord, quand on a un projet d’entreprise, il faut le monter en parallèle de son emploi. Moi, par exemple, pendant 6 mois, je me suis arrangé pour poser mes jours de congé tous les vendredis et je travaillais sur mon projet du vendredi au dimanche. Ce rythme implique évidemment de passer beaucoup moins de temps avec ses enfants, de ne plus voir ses amis, de renoncer à ses loisirs… Ce n’est pas facile mais cela permet de voir si on est capable de fournir ce type d’efforts, car ce n’est rien comparé à ce qui attend un futur chef d’entreprise. Il ne faut surtout pas quitter son emploi pour s’assurer une sécurité au cas où le projet ne serait pas viable.

Pour commencer à trouver des financements, il faut miser sur la « love money », c’est-à-dire s’adresser à ses proches (famille, amis…). Il s’agit de les convaincre d’investir 500, 1 000, 2 000 ou 5 000 euros soit sous forme de prêt (à taux zéro), soit en échange de parts dans le capital (tout en gardant en tête qu’un chef d’entreprise doit conserver le plus longtemps que possible un maximum de parts). 2 000 euros est une somme assez facile à obtenir. Il faut demander en moyenne à 30 personnes pour que 10 acceptent d’investir. La phase de la love money est un bon test car si le projet n’adhère déjà pas autour de soi, c’est qu’il y a un sérieux problème.

Une fois que l’on est prêt à démarrer, il faut quitter son emploi mais en s’assurant de percevoir le chômage (par exemple en négociant une rupture conventionnelle) pour être sûr de pouvoir monter son projet en percevant un salaire. Le système de chômage français permet aux entrepreneurs de consacrer du temps à leur entreprise sans se soucier de gagner un revenu. C’est en partie pour cela que nous sommes le deuxième pays en matière de création de start-ups.

Il s’agit ensuite de commencer à rechercher des sommes plus conséquentes notamment auprès de la BPI, la Banque publique d’investissement qui propose divers dispositifs dont des prêts d’honneur, des prêts d’amorçage ou des prêts à l’innovation. En parallèle, on peut s’adresser à des clubs et à des associations. En général, ils accompagnent les porteurs de projet et peuvent accorder entre 10 000 et 30 000 euros en subventions ou sous forme de prêts à taux à 0 ou 1 %. Parmi ces structures, il y a le Réseau entreprendre, le Hardware club, le réseau Investessor... La plateforme Meetup permet par ailleurs, via ses groupes, de rencontrer et d’échanger avec d’autres startupers. 

À ce stade de développement, il faut faire attention aux arnaqueurs. Il s’agit de leveurs de fonds, d’intermédiaires qui vous font miroiter qu’ils vont pouvoir vous trouver une somme importante (1 million d’euros ou plus). Ils vous abordent ou se font introduire par quelqu’un pour se donner de l’importance et vous annoncent qu’ils vont essayer de convaincre des investisseurs. Pour cela, ils vous proposent d’organiser à votre charge des repas dans des lieux prestigieux comme le Crillon, le Ritz ou le Plaza Athénée à Paris.
Ils vous annoncent que leurs honoraires s’élèvent à 30 000 euros mais omettent de vous parler de la clause d’exclusivité que seul un avocat fiscaliste averti peut voir et qui stipule qu’à chaque levée de fonds supplémentaires, vous devrez leur verser de nouveaux honoraires, de plusieurs dizaines de milliers d’euros !

Les concours permettent d’obtenir des financements supplémentaires. En Île-de-France, par exemple, les lauréats d’Innov’up ou de Pm’up peuvent toucher entre 30 000 et 250 000 euros de subventions.
Il existe aussi des concours qui n’allouent pas forcément d’argent aux entreprises. Ce sont des prix qui sont attribués. Ils sont tout aussi importants car ils permettent d’obtenir de la reconnaissance et rassurent les investisseurs. C’est le cas par exemple du CES de Las Vegas.

Accessible sur des plateformes comme Smartangels, Sowefund ou Wiseed, le crowdfunding equity permet à un entrepreneur de lever des fonds auprès d’un groupe de particuliers qui investit de l’argent en échange d’actions. On peut récolter jusqu’à un million d’euros. Pour ma part, j’ai levé d’abord 600 000 euros, puis 800 000 euros. Mais pour réussir à obtenir la somme voulue dans le temps imparti, il faut déjà avoir un dossier solide, car seuls environ 20 % des projets sont acceptés, et dédier une personne à temps plein sur l’opération en charge de rassurer chaque investisseur pour le convaincre de financer le projet.

Une fois qu’on a commencé à développer son capital, on peut contacter une banque mais il faut s’adresser à la branche start-up ou innovation qui sera plus à même de comprendre le projet. C’est aussi le moment de négocier un découvert avec sa banque (qui peut s’élever jusqu’à 20 000 euros). C’est très important car un découvert permet d’éviter une cessation de paiement en cas de défaut temporaire de trésorerie, problème majeur de tout créateur d’entreprise. Il est d’ailleurs important de suivre sa trésorerie et d’évaluer ses entrées et dépenses à 6 mois pour anticiper les problèmes.

Les business angels (souvent des anciens cadres ou chefs d’entreprise qui investissent une partie de leur patrimoine dans des projets d’entreprises innovantes NDLR) peuvent injecter 50 000, 100 000 ou 200 000 euros dans un projet. Pour entrer en contact avec des business angels, Gust, une plateforme gratuite met les startupers en relation avec de très nombreux investisseurs à l’échelle mondiale.
Il existe aussi les family offices (structures qui gèrent le patrimoine de familles fortunées NDLR) qui peuvent investir dans un projet d’entreprise.

Quand on arrive à un million d’euros de capital, on commence à avoir un peu de poids. On peut alors se tourner vers un fonds d’investissement. Pour cela, il est conseillé de passer par un intermédiaire afin que votre dossier ne traîne pas 6 mois sous une pile. Il est en effet difficile pour un entrepreneur de convaincre un fonds en direct. Un intermédiaire demande entre 4 et 6 % de commission et exige souvent un ticket d’entrée de 5 000 à 15 000 euros. 
Les fonds d’investissement placent de l’argent dans une société pendant 5 ans. Il faut donc anticiper et être conscient qu’au bout de 5 ans, on devra peut-être devoir vendre sa start-up pour rembourser le fonds d’investissement. Avant de signer le contrat, il est là aussi conseillé de se faire accompagner par un avocat fiscaliste.

L’objectif, c’est de maintenir son capital jusqu’à la plus grosse levée de fonds, c’est-à-dire de détenir au moins 50 % du capital jusqu’au dernier financement extérieur pour être le plus longtemps possible majoritaire et rester libre.
Créer une start-up est un parcours du combattant. Il faut être conscient que jusqu’à la dernière seconde, on peut tout perdre.
Pour réussir, il faut être entrepreneur dans l’âme, faire de nombreux sacrifices et vivre pleinement son projet, en y trouvant du plaisir. »

 

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