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Enquête La levée de fonds, moteur de l'entrepreneuriat

Isabelle Fagotat Isabelle Fagotat
Publié le 12-04-2018

En bref

  • Start-up dans le numérique, food truck, association culturelle, film, voyage humanitaire, lieu écologique… Les Français ont des projets par milliers. Entre novembre 2017 et février 2018, le nombre de créations d’entreprise a bondi de 18 % et ce sont plus de 73 000 associations qui ont vu le jour entre 2016 et 2017. Mais pour pouvoir démarrer, les porteurs de projets doivent passer par une étape incontournable : la levée de fonds. Enquête.
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Levée de fonds Crédit : Willian Iven

Qu’il s’agisse d’artisanat, de restauration ou de service, de plus en plus de Français se mettent à leur compte. Entre 2017 et 2018, le nombre de créations d’entreprise a augmenté de 7,7 % en France selon l’Institut national de la veille et de la statistique (Insee). Entre novembre 2017 et février 2018, le nombre d’entreprise créées a même bondi de 18 % par rapport à la même période l’année précédente, selon l’Agence France entrepreneur. Le secteur associatif se porte également bien : il existe actuellement 1,3 millions d’associations en France et ce sont quelque 73 000 associations qui ont vu le jour entre septembre 2016 et août 2017. Mais les Français ont aussi des projets plus ponctuels : documentaires, voyages humanitaires, événements culturels…, comme en témoigne les initiatives présentées sur des plateformes de crowdfunding (financement participatif) comme Kisskissbankbank ou Ulule. Le financement participatif est d'ailleurs lui aussi en plein essor : en 2017, ce sont 336 millions d'euros qui ont été collectés, soit 44 % de plus qu'en 2016.

Qu’il s’agisse de créer une entreprise ou une association ou de développer un projet de film ou de lieu culturel, il est difficile de démarrer sans capital de départ. Pour convaincre les investisseurs, « il faut prendre le temps de réfléchir et de se poser les bonnes questions avant de se lancer. Chaque structure a son histoire et son écosystème , faire du copier-coller ou partir bille en tête sur un outil ou sur une cible pour récolter des fonds sans faire un diagnostic au préalable est un mauvais départ », résume Yaële Aferiat, directrice de l’association Française des fundraisers (AFF) qui forme, fédère et conseille les professionnels de la collecte de fonds. Avant de démarcher un investisseur, un porteur de projet sait où il va : il a défini avec précision l’activité, le public, le modèle économique… En fonction de ces divers éléments, il est plus à même de cibler les investisseurs.

Crowdfunding, clubs d’entraide pour les entrepreneurs, fondations, banques, business angels… Il existe différents types d’investisseurs. Ils ne soutiennent pas les mêmes projets, n’interviennent pas au même stade de développement et n’exigent pas les mêmes contreparties. Certains apportent leur soutien sous forme de subventions, d’autres proposent des prêts à taux zéro, d’autres exigent une prise de part dans le capital... « Pour augmenter ses fonds propres, le créateur d’entreprise peut recourir à des opérateurs comme la Banque publique d’investissement, les réseaux Entreprendre ou Initiative France qui pourront lui proposer des prêts à taux zéro (le montant varie en fonction des opérateurs et des projets). Il peut aussi avoir recours à la love money (argent provenant de ses proches). Il peut ensuite faire appel à une banque pour réaliser un emprunt bancaire traditionnel mais pour être légitime, il doit apporter au moins 30 % du montant global à financer (fonds propres) », rappelle Nathalie Bartone, consultante en création d’entreprise auprès de BGE Adil qui accompagne les porteurs de projet.

Subventions pour démarrer, prêts d’amorçage, aides au développement, prêts à l’innovation, la collecte de fonds s’effectue par étapes, le plus difficile étant généralement de convaincre les premiers investisseurs. Lorsqu’une structure de renom accepte de miser sur un projet, cela apporte de la crédibilité et permet de convaincre plus facilement d’autres investisseurs. « Pour trouver des fonds, on commence souvent avec la love money : convaincre ses amis et sa famille reste a priori l’étape la plus facile. Une fois que le projet commence à prendre forme, on peut s’adresser à des structures comme le réseau Entreprendre, la BPI, puis passer par le crowdfunding equity et les business angels. Pour les sociétés exigeant des financements importants, la dernière étape consiste à effectuer des levées auprès de fonds d’investissement », explique Luc Pierart qui a récemment levé plusieurs centaines de milliers d’euros pour sa start-up Pkparis.

Une startup dans le numérique ne s’adresse pas au même investisseur qu’une association à but humanitaire. Avec un projet philanthropique ou relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS), on pourra solliciter des fondations ou des mécènes, tandis qu’un créateur de start-up se tournera vers des business angels ou des crowdfundeurs en equity qui investissent de l'argent en échange d'actions. « L’idéal est de pouvoir activer toutes les cibles mais il y a une réalité économique et de limite en ressources humaines. L’arbitrage doit donc se faire en fonction de là où on a le plus grand potentiel et le plus fort effet de levier : si je suis capable d’animer une communauté de bénévoles et de les engager dans des actions de collectes, je peux faire de l’événementiel et du crowdfunding. Si mes réseaux me permettent d’accéder à de grands donateurs, j'essaie de faire appel à eux », souligne Yaële Aferiat. Il faut donc définir une stratégie de collecte de fonds en fixant ses cibles prioritaires et les moyens de les atteindre, l’idéal étant de passer par son réseau.

Car c’est évidemment en misant sur ses contacts que l'entrepreneur a le plus de chances d’atteindre ses cible et d’obtenir des résultats. « Quand on créé une entreprise, le relationnel, c’est la clef : il est indispensable de s’entourer. Il faut s’imposer au minimum 2 déjeuners par semaine avec des membres de son réseau. Pour l’élargir, il ne faut pas hésiter à adhérer à une association ou à un club, comme le Réseau Entreprendre. Cela permet de s’adresser à la bonne personne quand est confronté à un problème », insiste Luc Pierart. 
En identifiant les connections que l’on a, les profils de ses contacts, leur champ d’action, leurs domaines de compétences, on maximise les possibilités offertes par son réseau.

Mais avant de contacter un investisseur, il faut peaufiner son argumentaire, réfléchir à ce que l’on veut mettre en avant, avoir travaillé son pitch. « Lorsque nous portons un projet, nous avons tendance à penser que nous sommes uniques et ne prenons pas le temps de travailler en profondeur nos arguments. Pour cela, il faut repenser à ses valeurs, à ce qui fait l’ADN du projet. Pour vérifier que la présentation est claire, on peut tester son discours auprès de gens qui ne connaissent pas le projet. Il ne faut pas non plus oublier que pour convaincre, il ne suffit pas d’être convaincu ,  il faut aussi savoir écouter ce que l’autre attend », conseille Yaële Aferiat. Les collectes de fonds les plus efficaces proposent une offre et des bénéfices adaptés à leur cible : dans une campagne de crowdfunding, par exemple, les contreparties offertes en échange d’une participation financière sont importantes pour inciter les gens à participer.

Si certains investisseurs financent des projets sans prise de parts dans le capital, d’autres exigent ce type de contreparties. C’est notamment le cas lorsqu’une entreprise procède à des levées auprès de fonds d’investissement. « Réaliser une levée de fonds est une décision impactante pour l’entreprise, qui doit lui permettre d’assurer son développement. Elle doit lui permettre de réaliser les investissements nécessaires à son développement, de faire face à ses besoins de trésorerie et d’accroître sa crédibilité. Mais une telle décision doit être prise après mûre réflexion », rappelle Nicolas Hazard, président fondateur d’INCO qui investit dans des entreprises et des startups à fort impact social et environnemental. « Plus un investisseur injecte de l’argent, plus la contrepartie se répercute en terme de gouvernance : en cas de décision importante concernant le développement de l’entreprise, il peut par exemple exercer un droit de veto. Il est donc important de se fixer des limites », conseille Nathalie Bartone. Certains fondateurs d’entreprise ont ainsi perdu le pouvoir de décision et ne se reconnaissant plus dans le projet, ont préféré quitter leur société.

 

L'AFF fédère les professionnels du fundraising et du mécénat de tous les secteurs de l’intérêt général. Elle s’adresse aux personnes souhaitant s’informer et se former sur la collecte de fonds et le mécénat. 
L’AFF a par ailleurs édité l’ouvrage « Les clefs du fundraising ».

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