Actualité Guillaume Diop : premier danseur noir promu étoile
En bref
- Jeune espoir de l’Opéra national de Paris, Guillaume Diop devient le premier danseur noir à accéder au titre tant convoité d’étoile. Une nomination annoncée le 11 mars dernier qui sonne comme un événement pour cette institution tricentenaire.
Voilà une manière peu commune de fêter son anniversaire. À tout juste 23 ans, le jeune espoir de l’Opéra national de Paris Guillaume Diop vient d’être promu danseur étoile. Premier artiste noir à obtenir cette consécration, il est aussi l’un des rares à y arriver sans avoir occupé le grade de « premier danseur ».
Une virtuosité récompensée
Comme le veut la tradition, c’est sur scène, à l’issue d’une représentation du ballet Gisèle à Séoul, en Corée du Sud, que Guillaume Diop apprend sa nomination. Il interprétait le premier rôle masculin aux côtés de la danseuse étoile Dorothée Gilbert. À l’annonce, « Je n’y croyais pas, je ne réalisais pas », confie le danseur sur l’antenne de France 24. « J’étais submergé par l’émotion ». Rappelons que les danseurs ainsi nommés n’apprennent guère la nouvelle en amont. Rendant ce moment très spécial dans une carrière comme le montre l’extrait capté et diffusé par l’Opéra de Paris :
C’est bien son talent, sa technicité et son travail qui ont mené le danseur à ce sacre. Un article du Monde soulignait « le talent rayonnant de Guillaume Diop, qui a additionné avec succès depuis deux ans les grands rôles du répertoire classique en remplaçant au pied levé et magistralement des interprètes blessés ». Arrivé dans la prestigieuse compagnie en 2018, Guillaume Diop a gravi les échelons. Promu « sujet » en novembre dernier suite au concours interne annuel, il lui fallait devenir « premier danseur ». Avant d’espérer atteindre un jour le statut d’étoile. Mais l’histoire en a décidé autrement. Le directeur de l’Opéra national de Paris choisit de sauter cette étape pour promouvoir le jeune artiste. L’intronisant de fait premier danseur étoile noir. « Une forme de responsabilité » déclare Guillaume Diop, sur l’antenne de France 24.
Manque de diversité et représentations stéréotypées
Le danseur regrette le manque de diversité dans son art qui ne lui permet pas de se projeter. Un stage effectué au sein de la compagnie afro-américaine Alvin Ailey, lui « fait beaucoup de bien » car il se trouve « entouré de personnes de couleur qui font de la danse en tant que professionnels », poursuit-il.
À l’Opéra de Paris, les danseurs noirs ou métis se comptent sur les doigts d’une main. Et restent discrets. Par crainte de se faire remarquer alors que leur couleur de peau détonne dans l’ambiance chromatique très uniformisée des ballets. Une réserve qui ne tient plus alors que le mouvement Black Lives Matter fait rage suite à la mort de Georges Floyd aux États-Unis. Guillaume Diop et quatre de ses collègues s’interrogent sur leur quotidien de danseurs noirs et plus largement de salariés d’une institution encore très conservatrice. En résulte un manifeste intitulé De la question raciale à l’Opéra diffusé en interne pour alerter et engager la discussion avec la direction.
« L’Opéra n’est pas raciste, mais certains salariés souffrent de se sentir discriminés », précisent-ils. 400 salariés soutiendront leur démarche. Sur près de 1 900. Ce qui laisse penser que les traditions restent bien ancrées. Dans un article très fouillé, M Le Mag (le magazine du journal Le Monde) revenait sur les problématiques évoquées : uniformisation des corps et des couleurs (collants et pointes couleur chair, maquillage pas adapté, exigence d’un corps longiligne), conditions de représentation de certaines œuvres du répertoire (blackface, yellowface), danseurs grimés… L’Opéra de Paris a réagi : « Sur le principe, [la direction] acte la disparition « des pratiques issues de l’héritage colonial et/ou esclavagiste » qui consistent à maquiller les artistes pour qu’ils correspondent à la vision de l’exotisme du créateur de l’œuvre. » Les danseuses obtiennent des pointes et du fard correspondant à leur carnation. Reste à poursuivre sur cette ligne pour convaincre les plus réticents au changement au sein de l'institution mais aussi à l'extérieur. Écoles de danse et spectateurs compris.
Focus
9 Français noirs sur 10 victimes de discrimination
91 % des personnes noires en France disent être victimes de discrimination raciale au quotidien d'après le dernier baromètre du Conseil représentatif des associations noires (Cran) dévoilé par Franceinfo et le journal Le Parisien.
L’espace public et le lieu de travail concentrent les attitudes irrespectueuses et discriminantes liées à la couleur de peau. Les personnes noires sont deux fois plus contrôlées que le reste de la population.