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Bastien Vibert : « Le dépistage du VIH ne doit plus être un acte exceptionnel, mais bien une normalité »

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Bastien Vibert : « Le dépistage du VIH ne doit plus être un acte exceptionnel, mais bien une normalité »

Un certain nombre d’idées reçues persistantes autour du VIH et du sida peuvent freiner le recours au dépistage. Il s’agit pourtant du seul outil permettant de connaitre son statut sérologique, et le cas échéant, d’accéder à un traitement efficace à la fois pour la personne porteuse du VIH, mais aussi pour les autres. On fait le point sur le parcours de soin du dépistage à la prise en charge des personnes séropositives avec Bastien Vibert, responsable programme VIH-sida au Centre régional d'information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes en Île-de-France.

En quoi le dépistage du VIH constitue un moyen de prévention efficace pour contrer l’épidémie qui se poursuit ?

Chaque année en France, 25 000 personnes contractent le VIH sans le savoir. En l’absence de traitement, elles peuvent potentiellement transmettre le virus. Sans compter que l’infection peut atteindre le stade sida (syndrome de l’immunodéficience acquise). Ce qui signifie que le système immunitaire ne protège plus l’organisme, mettant en jeu leur santé.

Il faut savoir que la plupart des infections sexuellement transmissibles (IST) ne présentent pas de symptômes. Dans le cas du VIH on peut parfois ressentir les symptômes d’une grosse grippe deux ou trois semaines après l’infection, mais ensuite plus rien pendant plusieurs années. Le dépistage reste le seul moyen de connaitre son statut sérologique (négatif lorsqu’on n’est pas porteur du VIH, positif dans le cas contraire) et d’accéder au traitement. Celui-ci, pris comme prescrit par le médecin infectiologue, permet de ne pas transmettre le VIH.

Qui doit se faire dépister et à quelle fréquence ?

En matière de dépistage du VIH, il existe des recommandations de la Haute autorité de santé. L’institution préconise de se faire dépister au moins une fois au cours de sa vie. Et en fonction de l’exposition au VIH, elle conseille un dépistage à échéances régulières : tous les trois mois pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, tous les ans pour les personnes originaires d’une zone à forte prévalence du VIH, tous les ans aussi pour les utilisateurs de drogues injectables.

Aujourd’hui, 30 % des dépistages se font trop tardivement. Il se passe entre 3 ans et demi et 4 ans et demi entre la contamination et sa découverte. Le dépistage du VIH ne doit plus être un acte exceptionnel, mais bien une normalité.

Des préconisations spécifiques pour certaines personnes ne pourraient-elles pas être perçues comme discriminantes ?

Face à l’épidémie, il faut une prévention qui concerne le plus grand nombre, mais aussi une prévention accrue envers les communautés les plus touchées. Aujourd’hui, les personnes davantage exposées au VIH et parmi lesquelles on découvre le plus de cas positifs sont les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et les personnes originaires de zones où l'infection au VIH reste fréquente, notamment l'Afrique subsaharienne et les Caraïbes. Cela représente 8 cas sur 10 en Île-de-France, une région qui concentre 40 % des découvertes de contamination dans le pays.

Pourriez-vous nous rappeler les différentes méthodes de dépistage du VIH disponibles en France ?

L’offre de dépistage a véritablement progressé ces dernières années. On peut se rendre dans un centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ou choisir d’effectuer le dépistage chez soi, ou chez son médecin, avec un autotest vendu sans ordonnance en pharmacie (entre 10 et 25 euros non remboursables).

Il existe aussi les Trod (Test rapide d’orientation diagnostique) VIH, des autotests disponibles gratuitement dans certaines associations de prévention, notamment celles s’adressant à des publics spécifiques à qui elles offrent un accueil et une écoute adaptés.

Enfin, il faut savoir qu’on peut se présenter dans n’importe quel laboratoire d’analyses médicales sans rendez-vous, sans ordonnance, sans avance de frais, pour y effectuer un test de dépistage du VIH qui consiste en une prise de sang.

En cas d’exposition potentielle au VIH, à quel moment faut-il effectuer le test de dépistage ?

Quelle que soit la méthode choisie, un test effectué suite à une exposition potentielle au VIH [lorsque le préservatif craque par exemple, NDLR] doit répondre à certaines conditions pour obtenir un résultat fiable. Dans le cas d’un dépistage en laboratoire il faut faire le test 6 semaines après l’exposition potentielle. Pour un autotest acheté en pharmacie ou un Trod fourni par une association, il faut attendre 3 mois après l’exposition. C’est important de noter ces échéances dans un agenda pour ne pas oublier. En cas de non-respect de ces délais, le résultat affichera un « faux négatif », soit un résultat qui ne reflète pas la réalité du statut sérologique, car effectué trop tôt pour détecter le VIH dans le sang.

Comment fonctionne l’autotest VIH ? Est-il aussi fiable qu’un test sanguin en laboratoire ?

Il n’est pas souhaitable de hiérarchiser les moyens de prévention ni les moyens de dépistage. Le choix du type de test doit être laissé à chacun.

L’autotest ou le Trod peuvent constituer un test de routine pour les personnes fortement exposées. Le dispositif comprend tous les éléments nécessaires. Il faut piquer le bout de son doigt avec l’autopiqueur, prélever la deuxième goutte de sang avec le dispositif qu’il faut ensuite insérer dans le support contenant le réactif. Le résultat apparaît en une quinzaine de minutes. La notice d’utilisation explique comment s’y prendre. Mais pour toutes questions, un appel à Sida Info service, partenaire de deux grandes marques d’autotests vendus en France et dont le numéro vert (0 800 840 800) figure sur les boîtes, peut se révéler utile. Sur son site, l’association propose aussi des vidéos explicatives complémentaires.

En cas de résultat positif, une confirmation par un test en laboratoire ou en CeGIDD reste nécessaire, démarche qui ouvrira un parcours de soin pour la personne porteuse du VIH.

Quelle est la première étape du parcours de soin ?

Le patient porteur du VIH est orienté vers le service d’infectiologie d’un hôpital où un médecin infectiologue le recevra. Ce dernier prescrira un premier bilan avec les examens classiques dans cette situation, notamment un test de dépistage pour les autres IST et les hépatites. Puis, le patient est mis sous traitement avec un protocole de soin.

Le traitement contre le VIH ne guérit pas de l’infection, mais permet de vivre aussi longtemps qu’une personne séronégative. Quel est son fonctionnement ?

L’objectif du traitement est de faire baisser la charge virale (la quantité de virus dans le sang), le plus rapidement possible. On atteint une charge virale « indétectable » en 38 jours en moyenne. Le VIH ne disparaît pas pour autant de l’organisme. Le traitement permet de ne pas arriver au stade sida et de ne pas contaminer d’autres personnes. Il doit être pris à vie, car il s’agit d’une maladie chronique. Autrement la charge virale augmente à nouveau. Un suivi sur mesure se met en place avec des rendez-vous réguliers d’abord très rapprochés, puis plus espacés.

Le traitement actuel du VIH est « moins lourd » qu’auparavant. Il existe même un traitement par injection tous les deux mois ?

Les traitements des années 80 consistaient à prendre de nombreuses pilules aux effets secondaires costauds, voire délétères, toutes les quatre heures. Aujourd’hui, dans un cas classique, c’est une à deux pilules par jour avec des effets secondaires très légers, voire inexistants. Une avancée majeure pour les patients. Dans certains cas, le médecin peut proposer des allègements thérapeutiques, avec un traitement 4 jours sur 7 par exemple.

Et depuis peu en France, le traitement devient accessible sous une nouvelle modalité : une injection tous les deux mois à réaliser avec un professionnel de santé. La prise en charge s’adapte à la situation du patient qui doit apprendre à bien vivre avec le VIH. Prendre un traitement à vie représente une charge mentale qu’il faut arriver à gérer. À cette fin, le programme d’éducation thérapeutique et le dialogue avec l’infectiologue composent la clé d’une prise en charge profitable.

Ces avancées dans le dépistage et le traitement constituent de bonnes nouvelles. Qu’auriez-vous à dire aux jeunes qui n’osent pas se faire dépister ?

Un dépistage peut vous sauver la vie. Si l’annonce d’un résultat positif au VIH demeure très difficile à vivre, la prise en charge est efficace en France. On peut vivre une vie comme tout le monde en suivant le traitement, travailler, avoir des enfants naturellement si on le souhaite. Les médecins et les personnes séropositives le savent. Mais le reste de la société ? Si les avancées scientifiques sont majeures, le poids social du VIH reste énorme. Dire sa séropositivité aujourd’hui s’apparente à un acte militant, ça ne devrait pas être le cas. L’une des raisons qui conduit à la discrimination des personnes séropositives est la peur de la contamination.

Si on a peu expliqué comment le virus se transmet, l’information n’entre pas dans les esprits. C’est le rôle des cours d’éducation sexuelle d’enseigner les bons gestes à adopter pour sa santé et d’informer notamment sur le VIH. Malheureusement, ils restent peu assurés dans les établissements scolaires. Les personnes séropositives qui n’osent pas en parler subissent un isolement qui peut les affecter. Alors même qu’en prenant un traitement, elles font partie de la solution face à l’épidémie puisqu’elles permettent d’arrêter la chaine de transmission.

 

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 26-01-2024 / créé le 26-01-2024