Octobre rose Mathilde, 25 ans, touchée par un cancer du sein : « Je ne me remercierai jamais assez d’avoir osé demander un autre avis médical »
En bref
- Si Mathilde ne s’était pas écoutée, elle ne serait peut-être plus là aujourd’hui pour parler de son cancer du sein.
- Ce fléau touche aussi les femmes de moins de 40 ans, qui représentent 5 000 cas /an.
- Par son témoignage, elle espère sensibiliser les jeunes sur un sujet de santé publique méconnu.
Trop jeune pour mourir
Été 2023. Comme tous les matins, Mathilde s’apprête à se vêtir quand elle découvre une boule sur le sein gauche. Bien qu’il n’y ait pas de cas de cancer dans son proche entourage, la jeune femme ne peut s’empêcher d’y penser. Sa gynécologue a beau nier l'urgence, Mathilde n’en démord pas et entend passer des examens. Trois semaines plus tard, le verdict est sans appel. « À ce moment-là, je me suis dit que j’étais trop jeune pour que cela tombe sur moi ». Et avant que tout s’enchaîne -les rendez-vous à l’hôpital, l’opération, les séances de chimiothérapie et les premiers effets secondaires- l’originaire des Bouches-du-Rhône se met à compter les jours et les heures entre chaque visite médicale. Jusqu’au jour J. « Avant d’entrer au bloc, j’ai soufflé un grand coup et je me suis dit que je n’étais pas la seule à vivre ça, que nous sommes des milliers dans ce cas et que j’allais m’en sortir ». Les médecins lui trouvent trois tumeurs dans une même zone, ce qui évite l’ablation du sein au profit d’une extraction limitée au mamelon et de la partie touchée. À son réveil, la jeune femme se surprend à retrouver sa poitrine reconstituée presque comme avant : « Je m’attendais au pire si bien que je me suis dit qu’ils avaient oublié de faire le travail », plaisante-t-elle aujourd'hui. Mais après l’opération, place à la chimiothérapie. Mathilde lit de fond en comble le contenu du site de la Ligue contre le cancer, d’écouter les témoignages de patientes et de questionner sa coiffeuse « hyper impliquée »… Selon elle, certaines techniques comme le port d’un casque réfrigéré empêcheraient la perte de cheveux, au prix de passer un moment douloureux et d'une efficacité limitée. Mathilde fera donc sans. Deux semaines après le début du traitement, les cheveux de la jeune femme s’en vont par paquet. « À ce moment-là, je me suis sentie en colère contre l’univers, et j’ai filé dans ma salle de bain pour tout raser ». Un coup de tête qu’elle regretta à l’instant même où son compagnon frappa à la porte.
Retrouver la confiance en soi pour témoigner
« J'appréhendais son regard, car les yeux ne trahissent jamais, se souvient-elle. Lorsque j’ai ouvert, il m’a dit d’emblée qu’il était hors de question qu’il sorte avec moi dans la rue ». Avant d’ajouter que c’était « vraiment rasé n’importe comment ! ». Rire de tout, et prendre de la distance. « On en a rigolé », sourit-elle à présent. Depuis cet épisode, Mathilde s’est habituée à sa tête nue. Si à la maison, elle ne porte pas de foulards, dehors, ils servent d’accessoire pour oser la couleur. Parfois, elle croise les regards gênés ou compatissants des gens dans la rue, quand ce ne sont pas les moqueries d’une enfant qui viennent la rappeler à sa réalité. « La chimio n’agit pas seulement sur la perte de cheveux, c’est tout le visage qui se marque et se creuse avec les yeux qui gonflent. » Pour retrouver son aspect d’avant, Mathilde suit une classe de maquillage pour apprendre à colorier ses sourcils, à rehausser son teint, à hydrater sa peau abîmée. Soigner son apparence pour reprendre confiance, quitte à témoigner ? C’est le dessein poursuivi par l’association Jeune et Rose qui propose, dans le cadre d'Octobre rose, aux jeunes femmes touchées par le cancer du sein de se faire belle avant de se raconter face à la caméra. À une semaine seulement de sa dernière séance de chimio, et sous les pinceaux de Fanny Miosotis et des autres artistes de Maquille mon krâne, Mathilde s’est sentie devenir une « œuvre d’art ». « Quand je me suis vue dans le miroir, je me suis sentie belle et incroyablement fière de l'avoir fait ». De quoi trouver la ressource intérieure pour oser témoigner, bien en face de l’objectif. De ce moment si particulier en découle une exposition photo accrochée à Bordeaux. Une porte d’entrée artistique pour sensibiliser sur cette maladie, première cause de décès par cancer chez la femme. « J’ai perdu un mamelon dans la bataille, mais la question du physique passe au second plan face à la mort. »
S’écouter et oser demander un autre avis
La page de l’hôpital est tournée, mais le combat de Mathilde n’est pas pour autant terminé. En poursuivant un traitement d’hormonothérapies, elle s’expose toujours aux effets secondaires pouvant conduire à une infertilité. Aussi, avant de débuter la chimio, les médecins lui ont proposé de prélever ses ovocytes. Aujourd’hui, elle aspire à reprendre une vie « normale », et elle reconnaît sa chance d’être bien accompagnée dans son travail, avec des collègues qui ne manquent pas de lui rappeler que seule sa santé prime. « J’y retournerai quand je m’en sentirai vraiment prête », explique Mathilde qui, avec le recul, regrette que les jeunes ne soient pas davantage informés sur les premiers signes du cancer du sein. Et notamment sur le fait que plus 10% de ces cancers surviennent avant 40 ans. « Je ne prends pas la parole pour alarmer les jeunes », nuance-t-elle. « Mais au lycée, on est en âge d’apprendre à connaître le fonctionnement de notre corps et d'en prendre soin ». En racontant son histoire, Mathilde réalise que la fin aurait pu prendre une tout autre tournure si elle n’avait pas insisté, auprès de sa gynécologue, pour faire des examens. « Elle a clairement commis une erreur, et je ne me remercierai jamais assez d’avoir osé demander un autre avis médical. Si je ne m’étais pas fait confiance, je ne serais peut-être pas là pour en parler aujourd’hui ». Une chose est sûre : une fois les résultats connus, sa gynécologue ne l’a jamais rappelée.