Grand saut Premier stage infirmier : des étudiants d’IFSI racontent leur expérience

Laura El Feky
Publié le 01-04-2025

En bref

  • Si la formation en soins infirmiers attire de nombreux étudiants, le premier stage est un véritable test pour les futurs soignants.
  • Un passage initiatique qui les confronte à la réalité du terrain, confirmant des vocations ou l’inverse.
  • Margot, Timothée, Lise et les autres sont étudiants en 1re ou 2e année, ils racontent leurs meilleurs comme leurs pires souvenirs de stage.
Premier stage infirmier
En matière de soins infirmiers, beaucoup de compétences s’acquièrent directement sur le terrain, qui représente la moitié de la formation. Crédit : CIDJ

Un mi-temps consacré au stage

Pour son deuxième jour de stage en hôpital de jour, Timothée se jette à l’eau. L'étudiant en première année à l’institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) Raymond-Poincaré de Garches (92) se porte volontaire pour effectuer sa première prise de sang. « Tout se passait bien jusqu’au moment de poser le pansement », raconte-t-il, aujourd’hui. « Plus qu’un simple malaise, j’ai carrément perdu connaissance ». Initialement engagé dans une filière multimédia, il venait de se réorienter pour suivre une voie qui lui semblait porter plus de sens. Or, le stage en soins infirmiers révèle à Timothée sa phobie du sang. « Choisir cette voie représentait un pari risqué. J’ai joué, j’ai perdu », pense-t-il alors. Et ses collègues de le rassurer en lui rappelant que « les soins infirmiers ne se limitent pas aux piqûres. Et que, c’est comme tout, ça s’apprend. » C’est d’ailleurs pourquoi, en matière de soins infirmiers, beaucoup de compétences s’acquièrent directement sur le terrain, qui représente la moitié de la formation. « Le premier stage arrive généralement 5 ou 10 semaines après la rentrée », explique Emmanuelle Natali, formatrice à l’Ifsi Raymond-Poincaré. Une expérience loin d’être anodine. Pour les étudiants, c’est la « première rencontre avec l’hôpital, son organisation, les différents professionnels, ainsi que la prise en charge des patients ». Une source de stress et d’appréhension pour certains comme Lise A., 19 ans, étudiante en première année en Ifsi.
 

En raison d’un couac d’organisation, son premier jour s’est résumé à patienter « plusieurs heures dans un couloir » avant de rencontrer ses encadrants (cadre et infirmières). À l’inverse, Anna s’est trouvée plongée directement dans l’action au sein d’un EHPAD. « Une résidente avait chuté pendant la nuit et s’était fracturé le col du fémur. Or, l’équipe de nuit n’a pas transmis cette information à l’équipe de jour », explique-t-elle. Face à cette situation imprévue, Anna a tenté tant bien que mal de suivre l’infirmière du matin, de se rendre utile dans un contexte de haute tension. « C’était compliqué pour elle de tout gérer, comme pour moi. Je me suis sentie délaissée » même si ce fut surtout l’occasion de prendre conscience que dans ce métier, les urgences priment sur tout le reste. L’ex-secouriste à la Croix-Rouge durant ses années de lycée ajoute que « le principal était de soulager la douleur de cette résidente, même si je me suis dit que ‘punaise, si c’est ça tous les jours, ça promet !’ » Pour Lise C., étudiante en 2e année, ses promesses se sont heurtées au réel : un stage en crèche. « Donner des purées et changer des couches n’était pas ce que j’imaginais pour un premier stage », avoue-t-elle. Elle conserve malgré tout un bon souvenir de cette première immersion auprès des enfants, de quoi la conforter dans son désir d’exercer en service pédiatrique. 

Le tout premier stage est avant tout une période d'observation et d'initiation pour les étudiants en soins infirmiers. « On réalise principalement des soins de confort et d'hygiène, de l’aide à la toilette et aux repas », détaille Timothée. Cependant, au-delà de ces tâches en autonomie, les stagiaires peuvent également effectuer d'autres actes sous la supervision de leur tuteur ou tutrice. « En EHPAD, j'ai pu préparer les piluliers des résidents, mais toujours sous le regard vigilant de l'infirmière, témoigne Anna. J'ai aussi eu l'occasion de faire des injections de Lovenox, un anticoagulant administré en sous-cutané. » Pour se préparer, en amont de leur stage, les étudiants bénéficient « d’une préparation théorique » composée « de cours et de travaux pratiques », rappelle la formatrice. Les étudiants utilisent aussi « un portfolio » qui les suit durant les trois ans de formation et sur lequel ils documentent au fur et à mesure leurs acquis, comme leurs besoins d’apprentissage et « leurs objectifs personnels et professionnels pour chaque stage ». Parfois, les circonstances les conduisent à dépasser le cadre habituel de leurs responsabilités. « Dans mon service, le manque de personnel nous a rapidement poussés à prendre des initiatives et à réaliser des soins plus complexes, comme la détersion d'escarre », précise Timothée. Cette immersion précoce confronte les futurs infirmiers à la réalité du métier : des journées de 12 heures, un rythme intense, de nombreux gestes à retenir, un manque chronique de matériel comme de personnel. « Quand on voit les équipes courir partout, on se dit que c’est ce qui nous attend à la fin de nos études », redoute Maïlys. 
 

Une autre étudiante avoue que « c’est souvent si dur mentalement et physiquement qu’on se demande s’il ne faudrait pas changer d’orientation même si on ne se voit pas faire autre chose ». Composer avec ses doutes et se confronter à des situations nouvelles, c’est aussi cela le quotidien des stagiaires. Pour Margot, en deuxième année en cardiologie, cela revient à concilier la nécessaire « distance soignant-soigné » avec l’impératif d’être « aidant, compréhensif et dans l’empathie ». Même dans les plus funestes situations. « Se confronter à la mort, on sait que ça va arriver et qu’on ne saura pas gérer, même si on pense pouvoir le faire. En réalité, on ne gère pas du tout », lâche l’étudiante, lucide. Lors de son premier stage, elle fut marquée par l’arrêt cardiaque d’un jeune homme de 22 ans, une scène d’urgence où tout le personnel soignant s’emballe. Pour elle, un moment d’impuissance : « On veut se rendre utile, mais on ne veut pas déranger, on ne sait pas où se mettre ». Lise A. conserve, elle aussi, un souvenir poignant de son premier stage : celui d’un patient « retrouvé par terre dans sa chambre ». Inerte. « J’ai eu des frissons, car j’ai compris ce qui se passait. Côtoyer la mort de si près, ça marque ». S’en est suivi, avec l’aide-soignante, l’accueil de la famille : une épreuve délicate. « Faire poker face comme si tout allait bien », une attitude difficile à adopter, mais qui « fait partie du métier ». Face à cette autre réalité du quotidien de soignant, la préparation mentale demeure essentielle. Pour Emmanuelle Natali, formatrice à l’Ifsi Raymond-Poincaré, « se confronter à la maladie et à la souffrance, ce n’est ni simple ni naturel de prime abord. Aussi, le fait de l’envisager en amont aide à prendre ensuite en charge les patients ». Et de conseiller, avant le stage, de bien « se renseigner sur la spécialité de l’établissement d’accueil, sur la nature des soins prodigués et ce que cela va impliquer ».

« Dès la rentrée, les promos de 2e et 3e année le disent : après le premier stage, ce sera le grand tri » rapporte Anna, étudiante en première année. La direction de l'Ifsi nuance cependant : « les étudiants de L1 étaient 134 au premier jour de la rentrée. Ils sont 125 à ce jour ». Si le stage est une révélation pour certains, ça ne les empêche pas de se remettre en question : « Je n’ai jamais douté de mon envie d’aider les autres et de devenir infirmière. Par contre, je me suis déjà demandé si j’avais les épaules suffisantes pour cela », reconnaît Anna, qui a vécu des relations tendues avec l’équipe lors de son premier stage. L’étudiante souffrant de dyspraxie et d’un TDAH a rencontré des obstacles pratiques : « En stage, il m’a été compliqué de réaliser toutes les tâches exigeant de la dextérité. Typiquement, si je connaissais la théorie pour dresser des lits au carré, en pratique, le résultat était brouillon ». Et de déplorer un manque de compréhension de la part de l’équipe et d’avoir souffert de critiques disproportionnées. Si Anna a pu aborder ces problèmes lors d’une journée de débriefing avec ses formateurs, elle regrette de ne pas avoir « tiré la sonnette d’alarme » plus tôt. Lise C., étudiante en deuxième année, conseille aux futurs stagiaires de bien se renseigner auprès des autres élèves : « Échanger avec d’autres étudiants ayant réalisé leur stage dans ce service avant nous, c’est la première étape. Et quand ça se passe mal, il ne faut pas hésiter à en parler à l’Ifsi pour trouver une solution. » Et Margot d’enfoncer le clou. « Ça arrive de tomber sur une équipe qui n'est pas bienveillante, mais il faut garder confiance en soi en toutes circonstances. Si je rate un soin que j’apprends, ce n’est pas grave, je vais recommencer jusqu’à ce que j’y arrive. C’est en faisant des erreurs qu’on apprend ». Dans cette école de la vie, les étudiants ont trois ans pour se former. À leur sortie, leur rémunération à l'hôpital démarre à 1 944 euros bruts mensuels, hors primes. Un premier palier avant que l’expérience ne fasse évoluer leur carrière.

Nous rencontrer Nous rencontrer

Le réseau Info jeunes est accessible à tous les publics (collégiens, lycéens, étudiants, salariés, demandeurs d'emploi...) mais aussi à leurs parents, à leurs enseignants et à tous les travailleurs sociaux. L'accès est libre et gratuit.