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#laminuteétudiante : de courtes vidéos pour une maigre récolte de fonds
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Jeunes, étudiants et précaires, ils utilisent leurs comptes TikTok pour récolter des fonds. Le hashtag #laminuteétudiante, qui réunit ces vidéos d'appel à l'aide, montre l'ampleur du phénomène. Une solution insuffisante, mais qui a le mérite de mettre en lumière la détresse des jeunes.
Précarité, je crie ton nom
« Bonjour, je m’appelle Ella, j’ai 21 ans, et je fais une vidéo d’une minute pour payer mon loyer », « Ce TikTok dure une minute, car je suis étudiante et que je vais finir le mois avec un petit sachet de pain et un pot de fromage frais », « Je n’ai plus rien à manger alors qu’on est le 8 du mois » … Depuis le lancement du hashtag #laminuteétudiante, des vidéos montrant des jeunes en situation de précarité ont envahi le réseau social chinois. Leur point commun repose sur la simplicité de leur réalisation : le jeune se filme face caméra, en train de réaliser une tâche liée à son quotidien, comme dormir ou cuisiner les derniers ingrédients de son frigo.
En légende, les Tiktokeurs incitent les autres internautes à visionner l’intégralité de l'enregistrement, dans l’espoir qu’il soit ensuite monétisé par la plateforme. Des appels qui viennent appuyer une réalité parfois difficile vécue par les étudiants. Ainsi, en janvier dernier, la Fédération des associations générales des étudiants (Fage) alertait sur le fait que, en 2023, un jeune sur cinq ne mangerait pas à sa faim.
L’illusion des possibles
Ainsi, pour sortir de la précarité, près de 41% des étudiants seraient contraints de cumuler études et emplois, selon la dernière enquête de la Fage. Et la Fédération de préciser que l'on parle ici de salariat subi, « quand il est indispensable à l’étudiant pour subvenir à ses besoins ». Mais tous ne peuvent pas se permettre de concilier un job en plus de leur emploi du temps universitaire. Les vidéos TikTok font alors miroiter de possibles sources de revenus.
Mais attention, en matière de vidéos, il ne suffit cependant pas de poster pour empocher. « L'idée que la monétisation est facile est illusoire, explique Laurence Allard, maîtresse de conférence et chercheuse en sciences de la communication à Lille. Cela peut fonctionner pour une vidéo, mais il faut se méfier sur le long terme. La quête permanente de visibilité se révèle compliquée et précaire. Ce n’est certainement pas une réussite aisée comme elle est décrite ici ».
Pour espérer recueillir les fruits de leur labeur, le site chinois indique que les utilisateurs peuvent prétendre au Fond de créateur TikTok. Pour cela, ils doivent être majeurs, comptabiliser 10 000 abonnés et avoir enregistré plus de 100 000 vues sur les 30 derniers jours. Et les gains ne semblent pas mirobolants : sous le hashtag #laminuteétudiante, les jeunes vidéastes indiquent avoir récolté en moyenne de 1 à 20 euros.
TikTok comme outil de manifestation
Pour Laurence Allard, ce n'est pas étonnant qu'un tel engouement ait lieu sur TikTok. « Au début de sa création en 2016, la promesse principale était d’y trouver des contenus ayant trait à la danse et à la musique, résume-t-elle. Puis le confinement a « déconfiné » la plateforme grâce à une diversification des programmes liés à la diffusion de l'information, des débats… Avec ce hashtag, les jeunes se créent leur propre scène publique et médiatique ».
Pour aider ces créateurs de contenus à atteindre leur but, la solidarité joue à plein. Les internautes laissent ainsi des commentaires pour donner davantage de visibilité aux vidéos. Ainsi, sous celle de @zeitane, les utilisateurs interrogent : « C’est quoi votre pâtisserie préférée ? (on est ensemble force à toi) », « Il est quelle heure chez vous ? (pour l’algorithme) ». Des questions banales, qui ont pour le seul objectif d'augmenter le taux d'engagement autour du contenu. Comment ? Plus une vidéo est likée, commentée et partagée, plus vite, elle devient virale et emmagasine les vues.
Si TikTok ne peut être considéré comme la solution magique à même de résoudre la précarité étudiante, avec ce flux de vidéos, tout le monde se trouve potentiellement sensibilisé à ce problème. Et Laurence Allard de conclure que « les jeunes savent très bien qu’ils ne vont pas devenir riches, mais ils jouent de cette mise en scène pour dénoncer leurs conditions de vie. Au lieu d’occuper la place de la République, ils occupent TikTok… »
Perrine Basset Fériot © CIDJ
Actu mise à jour le 27-02-2024
/ créée le 27-02-2024
Crédit photo : Canva