Spécial IA Comment réviser efficacement le brevet avec l’IA ?
En bref
- Faciles d’accès et d’utilisation, les outils d’intelligence artificielle ont rapidement été adoptés par les jeunes.
- Plutôt que de « tricher », les professeurs recommandent de s’en servir comme des assistants, pour s’entraîner à la dictée ou à l’oral par exemple.
- Avec, en ligne de mire, la bonne rédaction du prompt : plus la consigne donnée par l’élève sera précise, plus la réponse de l’IA sera pertinente.
Voir l’IA comme un « manuel augmenté »
Paris, 17h. Devant le collège Thomas Mann, dans le 13e arrondissement, c’est la sortie des classes. Il suffit de sonder quelques élèves pour se rendre compte que tous ont déjà utilisé une intelligence artificielle (IA), notamment dans le cadre de leurs devoirs. Sur la page d’accueil de leur smartphone, l’application ChatGPT est téléchargée depuis longtemps. Il y a encore quelques mois, Elyes, Liam et Fares, élèves en 3e, usaient allègrement de cet outil pour obtenir « les réponses aux exercices ». Jusqu’à être pris la main dans le sac par leurs professeurs qui, sans avoir la possibilité de prouver l’utilisation de l’IA, ont aisément remarqué la supercherie. Depuis, les jeunes ont rusé. Exit les copier-coller, ils élaborent de nouvelles techniques : « On demande à l’IA de répondre comme un élève de troisième, en faisant quelques fautes », explique Liam. Un usage qui ne surprend pas Thibaud Hayette, professeur de français dans un collège à Vonnas (01). Depuis deux ans, il sonde ses élèves pour connaître leurs pratiques de l’IA : ils affirment, pour les plus honnêtes, attendre que l’outil fasse le travail à leur place. Une réalité peu satisfaisante pour les professeurs, qui aimeraient que les jeunes se servent de l’IA pour approfondir leurs cours. Yann Houry, responsable de l’innovation pédagogique de l’Institut Florimont (Genève) et professeur de collège, conseille aux jeunes de voir l’IA comme un « manuel augmenté », à qui on peut poser des questions : « Les élèves ont parfois peur de prendre la parole en cours, de peur d’être jugés ».
Focus
L’IA avant 13 ans ?
Le guide de l’IA dans l’éducation de l’Unesco recommande un âge minimum d’utilisation de l’IA, fixé à 13 ans. Une consigne approuvée par Thibaud Hayette et Yann Houry, qui estiment que les jeunes devraient apprendre à chercher, analyser et avoir un regard critique avant d’avoir accès à ces outils. Cependant, ils ont pris le parti de parler de l’IA en classe. Pour la définir : « une machine en mesure de réaliser des tâches normalement humaines », selon Yann Houry. Et pour mieux la démystifier : « Il faut montrer aux élèves qu’il n’y a aucune magie derrière, mais bien des mathématiques et des probabilités », affirme Thibaud Hayette.
S’entraîner plutôt que tricher
Si certains trichent, d’autres testent… Kelly, elle aussi en 3e, demande à l’IA de « traduire des mots d’anglais et de résumer des textes de français ». À ses côtés, Sacha utilise ChatGPT pour comprendre la consigne d’un exercice. À ce sujet, Thibaud Hayette insiste sur la nécessité de bien rédiger son « prompt » : « Tout réside dans la demande faite à la plateforme. Si un jeune ne comprend pas une consigne, il pourra lui demander de reformuler pour un enfant de 10 ans ». Yann Houry approuve : « L’art du prompt est en réalité celui de la prose ». Il prend en exemple la génération d’image : une demande non précise aboutira à la création d’une image aléatoire. Renseigner l’outil sur « le style attendu, comme un dessin, une gravure, une peinture… » se révèle alors essentiel. Pour le professeur, l’IA ne peut être efficace qu’en cas de connaissances premières du cours. « Il faut être conscient que les outils ne sont pas fiables à 100 %. Pour se rendre compte des erreurs, en mathématiques notamment, mieux vaut l’interroger sur une leçon que l’on a déjà apprise ou mieux encore, de vérifier ensuite avec un professeur. » L’avantage premier de ces outils réside dans la personnification des réponses apportées. Parmi les solutions recommandées, Thibaud Hayette cite Perplexity pour la préparation d’un exposé, « car il détaille les sources utilisées », NotebookLM pour effectuer une synthèse d’un cours ou d’un polycopié, ou encore Canva comme aide à la création de diaporama…
Une aide supplémentaire pour le brevet
Sans encourager à « outre-mesure » l’usage des IA, qu’il estime plus adaptées aux élèves de lycée, Thibaud Hayette admet que certains outils peuvent être utiles pour les révisions d’un examen. Élèves au collège Notre-Dame de la Gare, Lina et Tahline ont substitué Google à ChatGPT, qu’elles trouvent plus performant : « Pour des exercices complexes, les réponses apportées par ChatGPT sont plus précises et sont données rapidement ». Pour ce qui concerne sa matière, Thibaud Hayette conseille des entraînements sur des textes classiques que l’IA connaît déjà, comme Balzac. Ensuite, l’élève peut lui poser des questions liées à la conjugaison, à la grammaire… Pour la dictée, autre exercice prévu par le brevet, Yann Houry propose alors de donner des consignes liées à la nature des mots présents dans le texte, ainsi que sur le temps des verbes : « Demandez-lui trois passés simples, un imparfait… L’IA est multimodale, elle vous générera un texte comme un fichier audio. » Pour l’épreuve d’histoire, durant laquelle le collégien est amené à construire un paragraphe argumenté, l’IA peut aider à la création du plan : « En cas de syndrome de la page blanche, je demande à l’IA trois pistes de réflexion sur mon sujet. Ou alors, je rédige un brouillon puis je lui demande un feedback. » Pour la dernière ligne droite, Lina et Tahline envisagent de créer des fiches de révisions avec l’IA. Des outils, comme Quiz Wizard, viennent en « complément » du cours du professeur. Avec, en ligne de mire, l’idée que l’IA reste un assistant. Et que le jeune continue de réfléchir par lui-même.
Focus
Et pour réviser un oral ?
Si l’IA est utile pour s’entraîner à l’écrit, elle peut aussi être une grande aide pour un oral, exercice aussi présent au collège. Élève de troisième, Sacha affirme utiliser ChatGPT pour reformuler ses exposés : « Pour l’oral de stage, je lui ai envoyé mon texte en lui demandant de le réécrire dans un français plus soutenu ». Yann Houry conseille de son côté de donner un « rôle » à l’IA et de dialoguer avec elle : « Il faut créer un prompt détaillé, en lui demandant d’endosser le rôle d’un professeur de collège. Puis lui demander des questions sur des sujets précis. »