Bonnes résolutions Environnement : comment réduire l’impact des usages numériques au quotidien ?
En bref
- Nos utilisations des outils numériques se répercutent sur l’état de la planète.
- Alain Tord, expert au sein du collectif Green IT, livre ses préconisations pour consommer mieux.
- Faire durer le matériel, voilà le maître mot.
Prendre le problème à la racine
Le numérique émet 4 % des gaz à effets de serre au niveau mondial. « C’est autant que le transport aérien », affirme Alain Tord, expert indépendant en matière de numérique responsable et contributeur au sein du collectif Green IT. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise des énergies (Ademe), l’augmentation des usages pourrait même entraîner un doublement de l’empreinte carbone du numérique d'ici à 2025. Difficile de s’en rendre compte au quotidien lorsqu’un simple clic permet d’envoyer un mail ou d’acheter une nouvelle tablette.
« À l’échelle d’un ordinateur ou d’un smartphone, la plupart des impacts environnementaux se produisent lors de la fabrication et de l’usage »
expert au collectif Green IT
Énormément de matières premières comme des minéraux sont nécessaires à la fabrication de ces appareils. Sur les 156 kilos de CO2 générés lors du cycle de vie d’un ordinateur, 103 kg sont émis lors de sa fabrication, indique l’Ademe, l'agence de la transition écologique. Fabriquer un ordinateur de 2 kg mobilise 600 kilos de matières premières. Avant de devenir des composants de nos appareils, ces matières premières sont d’abord extraites des sols et sous-sols, souvent dans des conditions très difficiles pour les travailleurs, puis transformées. Deux étapes qui nécessitent d’importantes ressources en eau et autres procédés chimiques puissants.
Faire durer quitte à réparer
Les fabricants fabriquent. Soit. Mais en tant qu’utilisateur, nous avons la possibilité d’agir en prolongeant la durée de vie de nos équipements. Conserver une tablette ou un ordinateur 4 ans améliore de 50 % son bilan environnemental, précise l’Ademe. De quoi faire réfléchir ! Sur le plan matériel, on peut protéger son téléphone avec une coque, remplacer un écran cassé plutôt que d’acheter un nouvel appareil. Sur le plan logiciel, on peut désinstaller les applications qui ne servent pas, supprimer les données dont on n’a pas besoin, pour éviter que le téléphone ou l’ordinateur rame. « La lenteur d’un appareil entraîne de la frustration et souvent, nous changeons de matériel pour cette raison. Or, la désinstallation de logiciels inutilisés donne un coup de fouet à un smartphone ou un ordinateur », affirme Alain Tord. « Il y a de nombreuses communautés en ligne, comme iFixit, qui livrent leurs astuces pour apprendre à réparer », précise le spécialiste. « Il s’agit de prendre soin de ce que l’on possède déjà et de réparer avant de racheter. Et, si besoin, il faut se tourner vers des appareils reconditionnés ». Ces derniers bénéficient d’une garantie légale de deux ans.
Vers un usage raisonné du numérique
Le numérique, c’est un ensemble d’appareils connectés, de données stockées dans des data centers, de réseaux pour les faire transiter. « Il y a toute une réflexion à mener autour du besoin. De quoi a-t-on réellement besoin, qu’est-ce qui est nécessaire ? », estime Alain Tord. « Il faudrait essayer de modérer nos usages ou en tout cas de limiter la qualité lors du visionnage d’une vidéo, car une définition plus réduite de l'image peut être tout à fait suffisante ». Parmi les usages quotidiens, l’envoi d'emails peut aussi être réduit pour limiter les émissions de CO2. Quand vous transférez un fichier par courrier électronique, ce fichier est stocké à la fois chez vous et chez le destinataire qui va le recevoir. De quoi démultiplier le nombre de fichiers et donc le nombre de données stockées. C’est énergivore. « Il est préférable de recourir à des services en ligne qui permettent d’envoyer un lien vers un fichier stocké temporairement sur le cloud ». Faire régulièrement un tri dans ses mails et ses fichiers peut aussi s'avérer utile. Sur Internet, au lieu de passer par un moteur de recherche, taper directement l’adresse d'un site permet de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre, signale l’Ademe. L'impact environnemental d'une recherche web dépend du temps passé et du nombre de pages consultées. Certains moteurs de recherche utilisent les recettes publicitaires pour planter des arbres comme Écosia ou aider au financement de projets portés par des ONG comme Lilo. « Il s’agit en fait de métamoteurs qui utilisent les bases de données d’un moteur de recherche (en l'occurrence Bing, développé par Microsoft, ndlr). Or, cela n’a pas beaucoup de sens de rajouter une couche intermédiaire pour effectuer une recherche », souligne Alain Tord. L'expert alerte sur l'impression de bonne conscience écologique induite : « C’est un peu comme la compensation carbone dans l’aérien. Je paie mon billet d’avion un peu plus cher et j’ai l’impression d’être écolo... Mais ce n’est pas parce qu’on utilise ces moteurs que l'on peut se permettre de changer de smartphone chaque année ! ». Ou comment le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Rendre la pomme un peu plus verte
De leur côté, les géants du numérique comme Microsoft, Facebook, Apple ou Google ne peuvent pas rester indifférents aux enjeux environnementaux. Ils mettent d'ailleurs volontiers en avant leur neutralité en carbone. « Il y a un peu de green washing dans leurs discours comme dans leurs pratiques », estime Alain Tord. « Les GAFAM adoptent une apparente politique écolo qui ne remet nullement en cause leur modèle économique. Ils visent une croissance exponentielle de leur trafic et du temps passé sur leurs outils… ». Le numérique fait partie de nos vies, c’est un fait. Mais on peut aussi réfléchir à son usage pour limiter ses impacts sur l’environnement et pourquoi pas sur nos vies ? « Je dirais qu’il faut réfléchir avant d’agir, prendre du recul face aux injonctions des plateformes qui sont conçues pour nous pousser à partager, à réagir dans l’instantanéité ou face aux tactiques marketing des fabricants qui sortent sans cesse de nouveaux modèles pour ringardiser le précédent et donner envie d’acheter le nouveau qui est pourtant quasiment identique... », conclut l'expert. « On peut reprendre du contrôle en se disant que, d’une certaine manière, tous ces outils restreignent nos libertés ».
Focus
Une démarche légale
Depuis quelques années, plusieurs lois vont dans le sens de la durabilité des produits. La loi du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a fait de l’obsolescence programmée un délit. Une bonne nouvelle, même si de telles méthodes restent difficilement prouvables. En janvier 2021, un « indice de réparabilité » est entré en vigueur pour certains produits, notamment les téléphones et ordinateurs portables. Il indique si celui-ci est réparable, difficilement réparable ou non réparable. Depuis avril 2024, un « indice de durabilité » vient le compléter en introduisant d’autres critères, comme la robustesse ou la fiabilité.