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Devenir infirmier : mes premiers pas de jeune diplômé

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Devenir infirmier : mes premiers pas de jeune diplômé

Maxime, infirmier diplômé en juin 2020, a vécu sa dernière année d’études et ses premiers pas en tant que professionnel en pleine pandémie de la Covid-19. Pas de quoi le faire renoncer pour autant, le jeune homme est plus que jamais sûr de son choix. Retour sur son expérience.

« Lors de ma première semaine aux urgences, j’ai dû faire face au décès d’une patiente en fin de vie, arrivée dans un état critique et ne souhaitant pas être réanimée. Là j’ai réalisé que je n’étais plus étudiant », se souvient Maxime, 23 ans. Affecté à l’hôpital public dans l’Ouest de la France, en pleine crise sanitaire, il raconte comment il est passé du monde étudiant au monde professionnel.

Infirmier diplômé, j’ai fait le choix du travailler aux urgences

Diplômé en juin 2020, Maxime a été recruté aux urgences d’un hôpital public : « il s’agissait d’un renfort pour l’été, car le nombre d’habitants augmente de manière significative durant la période estivale ». Il a pris son poste non sans quelques inquiétudes. « J’appréhendais le manque de moyens humain et matériel dont on entend parler durant nos études ».

Avec la crise sanitaire due à la Covid-19, le jeune infirmier a vu son poste pérennisé avec la mise en place d’une nouvelle équipe partagée entre les urgences et la réanimation. « La réanimation a des besoins en ce moment. Avec des cas de covid parmi les équipes de soignants, certains sont arrêtés. Et les urgences sont tout simplement saturées », raconte Maxime. « Si on arrive à se poser deux minutes, et qu’on arrive à manger à 5 heures du matin en ayant commencé à 20h30 c’est déjà super ». Les périodes d’accalmies entre 2 et 6h du matin, que ses collègues ayant 30 ans de métier ont parfois connues, sont de l’histoire ancienne.

« Beaucoup de gens viennent aux urgences alors que ce serait plutôt la médecine de ville qui conviendrait. Ce qui m’embête c’est de me dire qu’on pourrait prendre plus de temps pour faire mieux notre métier avec des personnes qui nécessitent vraiment des soins d’urgence et des soins hospitaliers. Après, bien sûr, tout le monde a le droit d’accéder aux soins et on se doit de les accueillir », analyse le jeune infirmier. Du coup, l’affluence étant plus importante à partir de la fin de journée, les cadences de travail sont plus intenses.

Ce, d’autant plus que la Covid-19 a bouleversé les conditions de travail. « Aux urgences on a un protocole à suivre lorsqu’un patient avec une suspicion covid arrive. On doit prendre énormément de précautions, mettre un masque FFP2, une charlotte, une sur-blouse. Et on reste bien 45 minutes à 1 heures avec le patient dans une petite chambre, le temps de faire les examens comme une prise de sang, un électrocardiogramme, les gaz du sang [pour évaluer la fonction respiratoire, ndlr]… Donc il fait rapidement très chaud avec ces équipements ! ».

Il y a des patients que je n’oublierai jamais

Un service qui bouge tout le temps, c’est ce qu’est venu chercher le jeune infirmier : « Je ne regrette pas mon choix des urgences car je n’aime pas la routine. Même si c’est éprouvant de travailler dans ce service, je préfère tout donner dans les soins d’urgence pour les patients qui sont dans des situations délicates durant un laps de temps assez court, entre 30 et 40 minutes par exemple. Je ne me verrais pas travailler dans un service comme l’oncologie [où l’on traite les cancers, ndlr], où les patients sont suivis sur le long cours et reviennent à plusieurs reprises. Là, on sait qu’il y a un risque de les perdre et ce serait difficile pour moi de garder la distance et le recul nécessaire ».

Mais Maxime reconnaît qu’il est difficile de ne pas se faire happer par ce qu’il vit et voit tous les jours aux urgences. « Il y a des patients que je n’oublierai jamais. On parle souvent de transfert dans notre métier, on fait beaucoup d’analogies entre ce qu’on vit dans la vie perso et ce qu’on vit au boulot », admet-il.

Le métier d'infirmier peut empiéter sur la vie privée. « On nous explique à l’école que dès qu’on revêt la blouse d’infirmier, on doit être à 100 % dans nos missions et quand on enlève la blouse, on ne doit plus penser au travail pour se concentrer sur soi et ses proches. » Pas si simple lorsqu’on débute sa vie professionnelle. Maxime dit se confier fréquemment à sa petite amie pour évacuer les émotions engrangées.

Des situations marquantes, les infirmiers en vivent régulièrement, dès le début de leurs études. En particulier cette année. « Une grande partie de notre 3e et dernière année d’études a été impactée par la pandémie de Covid-19 », souligne Maxime.

Devenir infirmier : ma 3e année d’études bousculée par la Covid-19

Lorsque le confinement a été décrété, Maxime était en stage en réanimation : « au départ, comme on ne savait pas grand chose sur ce virus, on nous a dit de rentrer chez nous pour ne pas prendre de risque ». Finalement, les étudiants infirmiers ont été réquisitionnés pendant plusieurs semaines d’affilées en tant que renfort dans divers services, dont beaucoup en Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes).

« J'étais affecté dans un service en psychiatrie. D’ordinaire, les patients voient beaucoup leurs familles et peuvent se promener dans le parc de l’hôpital. Ils ont aussi subi le confinement et nous étions là en renfort auprès d’eux. Ça été dur. Beaucoup ont des troubles cognitifs et regarder les chaînes d’information en continu qui ressassent sur la pandémie, c’était très anxiogène pour ces patients », raconte Maxime.

D’autres étudiants ont occupé les missions de titulaires en arrêt maladie. « C’était compliqué de se retrouver dans cette situation au pied levé en étant encore en formation. En plus, nous avons perçu la gratification de stage habituelle, soit 50 € par semaine pour les 3e année et 80 centimes de l’heure pour les 1re année. Ce qui est peu », déplore Maxime.

La situation sanitaire a mis en lumière les conditions de travail difficiles des personnels de soins hospitaliers. « Le métier d’infirmier est valorisé aux yeux du grand public, mais il n’a pas la reconnaissance en terme de salaire ». Sur ce point, il y a eu une avancée :  le gouvernement a augmenté la rémunération des personnels hospitaliers (hors médecin). Les infirmiers vont percevoir un peu plus de 200 € net supplémentaires par mois. Cette revalorisation sera progressive entre septembre 2020 et mars 2021.

« La 3e année a laissé un goût d’inachevé à cause de la pandémie de Covid-19, poursuit le jeune infirmier. Normalement, on fait un gala de fin d’année et on a une remise des diplômes qui vient clôturer 3 années d’études assez difficiles et en même temps inoubliables ».

Le jeune homme évoque la difficulté du passage de la 3e année d’études à la vie de salarié. « Le diplôme nous autorise à exercer, mais ça ne veut pas dire qu’on est déjà un bon professionnel. On a encore beaucoup de choses à apprendre. Une fois sur le terrain, en tant qu'infirmier diplômé, on se rend compte qu'il y a une différence entre la théorie et la pratique. Par exemple, pour une même pathologie, les patients peuvent réagir différemment. Il n’y a donc jamais une prise en charge qui est la même. Et on doit faire du mieux qu’on peut face au manque de moyen humain ou matériel. »

« C’est un métier qui demande de l’adaptation constante. J’ai parfois eu des remises en question, lorsque j’étais étudiant notamment, mais cela ne m’a pas fait renoncer. On ne peut pas devenir infirmier par défaut, on ne tient pas le coup sinon. Ce qui me touche, c’est de voir le sourire d’un patient, un merci, un bon courage, c’est un métier tellement riche humainement. »

 

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 30-09-2020 / créé le 30-09-2020