Pénurie de serveurs : une opportunité pour se lancer dans la restauration ?
- Commerce, tourisme et hôtellerie
Depuis la reprise de l’activité dans l’hôtellerie-restauration en juin dernier, le secteur manque de bras et peine à recruter. Parmi les métiers les plus recherchés, celui de serveur, un métier avec ses atouts et ses contraintes, qui peut offrir des opportunités d’évolution intéressantes. Le secteur est en pleine réflexion sur l’amélioration des conditions d’exercice, notamment en matière de salaire, dans le but d’améliorer l’attractivité de ses métiers.
Entre février 2020 et février 2021, le secteur de l’hôtellerie-restauration a perdu 237 000 salariés selon des chiffres du ministère du Travail publiés en septembre dernier. Cette baisse s’explique par un recrutement moindre de nouveaux salariés. Dans cette période, seuls 213 000 salariés ont été recrutés, soit presque moitié moins que l’année précédente. Les besoins en personnel sont nombreux.
De très nombreuses offres d’emploi
Il faut dire que le secteur a subi les conséquences de la crise sanitaire : fermetures, couvre-feu, chômage partiel… Et la reprise d’activité progressive depuis juin dernier n’a pas résolu le problème. Une partie du personnel n’est pas revenue travailler, dont près de 150 000 qui se sont reconvertis dans d’autres secteurs.
Les établissements peinent à recruter, notamment pour le service en salle. Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais la crise du Covid-19 a accentué ces difficultés de recrutement. Les offres d’emplois pour des postes de serveur sont très nombreuses, dont beaucoup en CDI à temps plein. Début novembre, Pôle emploi recensait plus de 10 300 offres d’emplois de serveur partout en France, tous types de contrats confondus (CDD, CDI, intérim, saisonnier), dont plus de 6 300 CDI. La plateforme Extracadabra, qui met en relation candidats pour un poste dans l’hôtellerie-restauration et établissements recruteurs, recense aussi de très nombreuses offres pour des postes de serveur en CDI.
« Depuis la reprise, nous réalisons nos meilleurs chiffres. Les demandes de la part des établissements clients ont connu une très forte hausse », reconnaît Mathieu Brochet, marketing manager au sein de la start-up. « Mais, il est vrai qu’il y a eu une baisse du nombre de candidats inscrits par rapport à l’avant Covid. Fin 2019-début 2020, nous avions en moyenne 3 000 inscriptions par mois contre 2 500 en moyenne actuellement. On ressent que le secteur a été atteint par la crise sanitaire et que ses métiers attirent moins qu’avant. »
Serveur : être recruté sans formation ?
Ce qui expliquerait la pénurie de candidats serait aussi le manque de personnel formé. « Dans l’imaginaire, on pense qu’il n’y a pas besoin d’être formé pour être serveur puisque les restaurateurs recrutent des personnes non formées pour occuper ce poste. Mais beaucoup font ce choix par défaut car nous n’en formons pas suffisamment », indique Lorenzo Dri, directeur Emploi-formation à l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih). « Structurellement, on devrait former deux fois plus de serveurs que de cuisiniers. Je pense qu’il faut réussir à adapter les formats de formation aux différents publics intéressés par notre secteur. »
Le représentant de l’Umih estime « qu’une période de formation de 12 mois suffit pour apprendre les techniques pures de service en salle et trouver un emploi en étant bien payé ». Mais il concède toutefois qu’il faut aussi acquérir un certain nombre de savoir-être et maîtriser des langues étrangères pour répondre aux attentes des recruteurs. Ainsi, 24 mois de formation en CAP pourraient tout à fait être nécessaires pour un jeune qui sort de 3e. Mais pour un jeune avec une ou deux années d’études post-bac qui décide de changer de voie et à qui le métier de serveur plaît, devoir s’engager dans un parcours de formation initiale en CAP suivi éventuellement d’un bac pro peut s’avérer un peu long.
Le secteur attire par ailleurs beaucoup de travailleurs en reconversion qui ont déjà une expérience plus ou moins longue dans le monde de l’entreprise. Pour ces personnes qui relèvent de la formation professionnelle, le titre professionnel de serveur en restauration (de niveau CAP) est adapté, puisqu’il forme en quelques mois des serveurs opérationnels.
L’absence de formation n’empêche pas d’être recruté, notamment pour des postes de saisonnier l’été. Une manière de se faire une expérience dans le secteur, de tester sa motivation et son intérêt pour le métier. Car si certains établissements sont amenés à recruter des personnes sans formation pour des contrats longs, ils demandent cependant très souvent une première expérience ainsi qu’un profil axé sur la relation client.
Serveur : faire carrière dans ce métier ?
Lorsque le secteur était à l’arrêt ou au ralenti au gré des mesures sanitaires, les salariés ont pris conscience de leur rythme de travail au quotidien avec des horaires décalés, des coupures entre les services du midi et celui du soir, des week-ends inexistants… Des contraintes pour lesquelles le salaire ne suit pas forcément, même si ce n’est pas le cas dans tous les établissements de restauration ou hôteliers. « Le salaire seul n’explique pas les difficultés de recrutement », estime Lorenzo Dri. « J’ai en tête l’exemple d’une entreprise qui lors de la reprise a passé ses salaires bruts en net pour attirer les candidats, mais qui a pourtant eu des difficultés à recruter. Travailler dans ce secteur signifie accepter de travailler lorsque les salariés d’autres secteurs d’activité sont en repos, comme le soir et le week-end. »
Mais il offre aussi des avantages et des opportunités. « Contrairement aux idées reçues, les contrats courts ou les extras ne représentent pas la plus grande part des contrats. Le taux de CDI dans l’hôtellerie-restauration est similaire à la moyenne nationale », assure Lorenzo Dri. Est-ce que pour autant il est envisageable de faire toute une carrière professionnelle dans ce secteur en tant que serveur ? « Il faut quand même un peu de passion, ce sont des métiers de service. Si on n’est pas en accord avec ça, c’est compliqué d’envisager d’y rester toute une carrière », admet Mathieu Brochet.
Les perspectives d’évolution sont réelles, il est possible de gagner en responsabilité rapidement, à condition d’être mobile. « 95 % des entreprises emploient moins de 10 salariés. Dans une entreprise de quatre salariés, si un serveur veut progresser, il va devoir changer pour un établissement plus grand où il occupera une fonction de chef de rang ou de maître d’hôtel », explique Lorenzo Dri. « Le turn-over, qui n’est pourtant pas voulu par le secteur, est nécessaire pour le salarié. Même dans les grandes entreprises, vous ne restez pas dans le même établissement ou dans la même région. La mobilité est inhérente à ce secteur professionnel pour évoluer. »
« Nous avons des candidats qui ont commencé en tant qu’extra et qui aujourd’hui ont leur propre affaire », ajoute Mathieu Brochet. Il faut préciser que les extras chez Extracadabra sont des indépendants avec le statut de micro-entrepreneur. « C’est un système satisfaisant pour les candidats, il offre une flexibilité pour choisir avec qui et quand ils veulent travailler », explique-t-il. Comme la start-up, d’autres plateformes de mise en relation d’indépendants avec des établissements existent. Le secteur de l’hôtellerie-restauration tend-il à s’ubériser avec les risques de dégradation des conditions de travail que l’on a observé dans d’autres secteurs tels que celui de la livraison ? Mathieu Brochet s’en défend : « Chez Extracadabra, le taux horaire que l’on propose est intéressant pour les candidats. Il est de 13,50 € minimum pour un poste à la plonge à 25 €, ce qui est quand même bien au-dessus que pour un statut salarié ». La start-up a par ailleurs décidé d’offrir une responsabilité civile gratuitement ainsi qu’une prévoyance santé durant la mission, ainsi qu’une heure avant et une heure après, nous apprend-il.
En septembre, la ministre du Travail, Élisabeth Borne a enjoint les acteurs de l’hôtellerie-restauration à faire des propositions afin de redonner de l’attractivité aux métiers qui peinent à faire le plein, comme celui de serveur. Augmentation de salaire, 13e mois, week-end off, jour de congé supplémentaire… les réflexions sont en cours dans la profession. Dans une interview au Parisien, l’Umih se dit, pour sa part, prête à revaloriser les salaires de 6 à 9 %. Des négociations devraient se tenir d’ici la fin de l’année.
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Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 08-11-2021
/ créé le 08-11-2021
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