Témoignage Yield manager, un métier qui recrute dans l’hôtellerie
En bref
- Sur le Web, le tarif d’une chambre d’hôtel varie d’un jour à l’autre. Derrière ces fluctuations de prix, se cache l’analyse pointue du yield manager : un poste stratégique, dans tous les grands hôtels. Adlène Djekiref, directeur du revenue management dans un grand groupe hôtelier, nous décrit son quotidien. Zoom sur ce métier qui recrute.
L’objectif du yield manager ? Vendre une chambre d'hôtel au bon prix, au bon moment et au bon client pour faire gagner un maximum d’argent à l’hôtel pour lequel il travaille.
Avoir du flair et un œil partout
"Pour exercer le métier de yield manager, il faut à la fois être un pro des chiffres et des tableaux, mais aussi être doté d’une grande curiosité et d'un excellent esprit d'analyse", prévient Adlène Djekiref, directeur du revenue management pour le groupe Home Plazza Hotels et cofondateur du LRMC, club de revenues manager de l'hôtellerie parisienne. "Le métier consiste à définir et à adapter les tarifs de l'hôtel en fonction d'une multitude de paramètres : dates du séjour (vacances scolaires ou cœur de semaine), type de clientèle ou taux de change", poursuit-il.
"Cela demande de se tenir au courant de tous les événements à venir dans la ville : Fashion week, Salon de l’auto, Euro 2016… et garder un œil sur tout ce qui peut avoir une influence sur les réservations. Avec les événements en Ukraine, on a perdu beaucoup de nos clients russes. Après les attentats à Paris en janvier 2015, on a eu une baisse de la fréquentation. A contrario, la grève de l’Eurostar a joué en notre faveur, car les voyageurs restaient une nuit de plus." À défaut de pouvoir toujours tout prévoir et anticiper, le yield manager doit se montrer très réactif.
Le quotidien d'un revenue manager : des pics de stress motivants !
C’est un métier stressant, mais c’est justement le challenge et la prise de risque qui plaît à Adlène Djekiref. Le jeune homme se souvient particulièrement d’un épisode qui lui a coûté une nuit blanche et beaucoup de stress : "Paris s'apprêtait à accueillir le congrès de cardiologie. Le genre d’événement important où l’on sait qu'il y aura beaucoup de demandes et que l’on pourra vendre facilement les chambres à un prix intéressant." Adlène Djekiref dicte la marche à suivre aux autres services : refuser les réservations des groupes qui proposent un tarif plus bas que celui qu'il a fixé. "Un yield manager ne cherche pas à vendre à tout prix mais à vendre au bon prix", explique le yield manager.
Mais tout ne se passe pas comme prévu : "Au fur et à mesure que l’événement approchait, les réservations restaient rares", se souvient Adlène Djekiref. La veille de l’événement, beaucoup de chambres n’avaient toujours pas été vendues." Très stressé, le jeune homme a peur de s’être planté et de frôler la catastrophe. En refusant de baisser les prix, il fait peut-être perdre beaucoup d'argent à son hôtel. Le jeune homme, inquiet, garde les yeux rivés sur son écran d'ordinateur à guetter l'état en direct des réservations. "Finalement dans la soirée, les réservations ont commencé à prendre, ça ne s’arrêtait plus !", se souvient soulagé le jeune homme. "Le lendemain matin à 10h l’hôtel était complet et toutes les chambres étaient parties au prix fort", conclut Adlène Djekiref qui a bien cru qu’il risquait de perdre son poste.
« On est un peu comme des traders »
"Quand on rentre dans le bureau du yield manager c’est un peu comme dans une salle de marchés boursiers", sourit Ludovic Corpechot, general manager à l’hôtel Napoléon et président pour la promotion touristique du syndicat Synhorcat. Ce que confirme volontiers Adlène Djekiref, revenue manager : "Je me sens un peu comme un trader de l’hôtellerie", confie-t-il. "En un clic, je peux faire passer le prix d’une chambre de 150 à 350 €", explique le jeune homme. Mais il ne faut pas se tromper car si le prix est trop élevé le risque est de ne pas réussir à vendre. "C’est une grande responsabilité qui repose sur les épaules du yield manager", remarque Adlène Djekiref. C’est lui qui suggère d’adopter telle stratégie plutôt que telle autre. "Il faut faire preuve d’habilité, se montrer diplomate mais aussi convaincant pour défendre ce qu’on propose au directeur commercial", conseille ce spécialiste du revenue management.
Tous les grands hôtels ont leur yield manager
"Ce métier propre aux compagnies aériennes est apparu récemment dans le secteur de l’hôtellerie. C’est la chaîne d’hôtel Marriott qui a initié le mouvement du yield management, il y a une vingtaine d’années", explique Adlène Djekiref.
Aujourd’hui, tous les grands hôtels ou groupes hôteliers ont leur Yield manager. "C’est un poste clé, impossible de faire sans", assure Ludovic Corpechot.
Média, transport, restauration : de plus en plus d'entreprises se mettent au yield management
"Une fois confirmé, un yield manager peut évoluer comme general manager, directeur des opérations ou directeur sales et marketing au sein de son hôtel", explique Adlène Djekiref. Mais il est aussi possible de changer de domaine facilement : "Un yield manager qui a commencé dans un hôtel peut très bien, par la suite, se faire embaucher par la SNCF, un grand restaurant, une compagnie aérienne ou la régie publicitaire d’un média…" . Des perspectives rassurantes pour ce métier porteur, car les compétences en yield management sont recherchées dans de nombreux secteurs.
Quelle formation ?
Le yield manager apparaît dans le classement des "50 professions sur lesquelles il faut miser pour échapper à la crise", selon le magazine Le Point. Aux balbutiements de la profession, aucun diplôme ne préparait à ce métier. Aujourd’hui, les écoles de commerce et hôtelières, conscientes de l'importance de ce poste stratégique, proposent de plus en plus cette spécialité dans leurs cursus. Adlène Djekiref a suivi le master 2 marketing des services et revenue management conçu par l’université d’Angers en collaboration avec l’École supérieure des sciences commerciales d’Angers (Essca). Il a très vite décroché son premier emploi à la sortie de ses études.