Enquête Sport féminin : le combat pour l’égalité

Isabelle Fagotat Isabelle Fagotat
Publié le 22-02-2018

En bref

  • La coupe du monde féminine de football se tient en ce moment en France et fait l'objet d'une exposition médiatique méritée. L'occasion de relire l'enquête de Cidj.com consacrée aux femmes dans le sport.
Crédit : Charlène Morgo - Toulouse Multi Boxe

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à pratiquer une activité sportive. Même les sports réputés « masculins » sont impactés. Entre 2014 et 2017, le nombre de licenciées en rugby a par exemple bondi de 49 %. Mais à l'image de l'équipe de France féminine de rugby, les sportives ont plus de mal à obtenir un statut professionnel que leurs homologues masculins. En cause, pas assez de femmes parmi les instances dirigeantes et un manque de médiatisation. Enquête.

Qu’il s’agisse de football, handball, boxe, yoga ou longboard, les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire du sport. Selon l’Insee*, en 2015, 45 % des femmes (et 50 % des hommes) de 16 ans ou plus déclaraient avoir pratiqué une activité physique ou sportive au cours des douze derniers mois. Elles n’étaient que 40 % en 2009.
Les femmes sont aussi plus nombreuses à adhérer à un club ou à une association sportive : entre 2008 et 2014, le nombre de licences délivrées à des femmes a augmenté de 16,54 %. Cette tendance touche autant les sports individuels que collectifs. Depuis 2010, la fédération française de hanbdall a par exemple vu son nombre de licenciées s’accroître de près de 50 000 membres.

Même les sports traditionnellement considérés comme masculins sont impactés. En 2017, les femmes représentaient par exemple 40 % des licenciés de boxe française, soit 8 % de plus qu’il y a 10 ans. En rugby, même si elles restent très minoritaires, le nombre de licenciées a bondi de 49 % entre 2014 et 2017.

 

Infographie : part de femmes licenciées en 2017 : football : 7,36 %, basketball : 35,1 %, handball : 35,74 %, boxe française : 40,6 %.

« Depuis 2012, on assiste à une politique volontariste pour féminiser le sport », résume Marie-Françoise Potereau, ancienne cycliste de haut niveau, actuellement vice-présidente de la fédération française de cyclisme et présidente de l’association Femix'Sports qui promeut le sport féminin. Les diverses lois en faveur de l’égalité entre hommes et femmes ont joué un rôle d’accélérateur dans le domaine sportif en imposant notamment aux fédérations de mettre en place des plans de féminisation. « En ce qui concerne la loi du 4 août 2014, elle impose aux fédérations sportives comptant au moins 25 % de licenciées de nommer 40 % de femmes dans leurs instances dirigeantes. Les fédérations ayant entre 0 et 25 % de licenciées doivent quant à elles investir au moins 25 % de femmes dirigeantes. Cette loi a fait bouger les choses. Moi-même, si j’ai été nommée vice-présidente de la fédération française de cyclisme, c’est grâce à ce dispositif. »
Le travail se poursuit au niveau politique : en septembre 2017, la ministre des Sports, Laura Flessel et Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes ont lancé la Conférence permanente du sport féminin qui regroupe des sportives et sportifs de haut niveau et qui rendra un rapport annuel avec des préconisations pour promouvoir le sport féminin.

Dès 2006, quatre fédérations sportives (handball, basketball, cyclisme et football) ont mis en place un plan de féminisation. Ce dispositif est désormais obligatoire : actuellement 89 fédérations sportives sur 117 en ont un. L’objectif est de promouvoir la place des filles et des femmes dans tous les domaines : pratique sportive mais aussi arbitrage, formation et encadrement.
L’enjeu repose également sur des campagnes de communication pour développer le sport féminin. Dès 2013, la fédération française de football a par exemple lancé l’opération « Mesdames, franchissez la barrière », qui incite les femmes à s’impliquer dans le football et les accompagne dans leur prise de fonctions.
Même dans les sports disposant de peu de moyens, des efforts sont faits pour favoriser la mixité. « Nous proposons des tarifs préférentiels aux filles pour participer à nos manifestations », souligne Arnaud Tisserand, président de l’association FRRR (Fée des rations de ride à roulette) qui organise divers événements autour du longskate. Certaines fédérations proposent pour leur part des variantes pour développer la pratique féminine. C’est par exemple le cas de la fitness boxe.

Mais malgré ces initiatives positives pour promouvoir la mixité, le retard reste considérable au niveau des instances dirigeantes des fédérations sportives. « Il n’y a qu’une seule femme présidente d’une fédération olympique (l’escrime) et seulement 11 femmes à la tête de fédérations non olympiques. Les 117 fédérations sportives françaises ne comptent que 12 directrices techniques nationales. Les femmes ne représentent par ailleurs que 11 % des entraîneurs nationaux », rappelle Marie-Françoise Potereau.

Infographie : place des femmes dans les instances dirigeantes : 1 femme dirigeante parmi les 31 fédérations olympiques, 12 directrices techniques nationales parmi les 117 fédérations sportives.

Certains athlètes pratiquent leur sport de façon professionnelle : ils sont rémunérés pour s’entraîner et participer à des compétitions. Ils peuvent être salariés d’un club, avoir un contrat de fonctionnaire et bénéficier de convention d’aménagements d’emploi, être rémunérés par des sponsors…
Les hommes sont beaucoup plus nombreux à bénéficier de ce statut. Rares sont les sportives de haut niveau qui perçoivent un salaire pour exercer leur passion. En cyclisme, il n’y a par exemple qu’une seule équipe féminine professionnelle contre une dizaine d’équipes masculines. Quant aux Bleues qui ont enflammé les stades en août 2017 en terminant troisièmes en Coupe du monde de rugby à XV féminin, elles jouent sous statut amateur. « Il n’y a que les joueuses de l’équipe de France de rugby à VII qui disposent d’un contrat avec la fédération. Les autres, même si elles participent à des compétitions internationales ne touchent pas de primes exceptionnelles. Elles sont juste défrayées et perçoivent seulement des compensations de salaire », explique Céline Bourillot, vice-présidente de la fédération française de rugby en charge du rugby féminin.

Les sportives de haut niveau qui n’ont pas de statut professionnel doivent du coup redoubler d’efforts pour mener de front activité professionnelle et pratique sportive. Championne du monde de boxe française « assaut » en 2014 et 2016, Charlène Morgo du club Toulouse multi boxe, mène ainsi deux vies en parallèle. La boxeuse qui vient de passer en catégorie « combat », se prépare à devenir professeure des écoles. « Je suis actuellement stagiaire en alternance à l’école élémentaire Cantelauze à Fonsorbes (31). J’essaie de pratiquer la boxe en moyenne 12 heures par semaine. Après une grosse journée avec les enfants, c’est parfois dur de s’entraîner mais tant que j’arriverai à concilier les deux, je continuerai », résume-t-elle. 
Pour gagner sa vie, Emilie Sadoux, championne du monde de roller de descente est quant à elle monitrice de ski et de rollers et accompagnatrice de haute montagne. Cette sportive de haut niveau originaire de la Clusaz (74), tour à tour patineuse puis skieuse de fond, apprécie de pouvoir transmettre sa passion aux enfants auxquels elle donne des cours. « Je pourrais passer plus de temps à chercher des sponsors mais dans le roller, nous sommes généralement de piètres communicants ! Et puis en n’ayant pas de sponsor, je n’ai pas de compte à rendre ; je suis complètement libre. Mais évidemment, si quelqu'un venait me voir en me disant qu’il finance ma saison, je ne dirais pas non ! », confie-t-elle.

Lorsqu’elles ont la chance d’avoir un statut de sportive professionnelle et de pouvoir vivre de leur passion, les athlètes femmes ne sont pourtant pas logées à la même enseigne que les hommes en matière de salaire. Qui oserait comparer les 2000 à 4000 euros mensuels perçus par les footballeuses professionnelles aux dizaines voire centaines de milliers d’euros versés à leurs homologues masculins ? Si le football est certainement le plus discriminant en la matière, les inégalités de salaires entre hommes et femmes existent dans tous les sports.
« Quand on est basketteuse professionnelle, on est correctement payée mais on l’est beaucoup moins que les hommes. Ce n’est pas normal. Dans le sport comme dans n’importe quel domaine, à emploi égal, les rémunérations devraient être les mêmes. Mais si le sport féminin a plus de mal à attirer les sponsors, c’est parce qu’il est moins médiatisé », analyse Diandra Tchatchouang, basketteuse professionnelle au Tango Bourges Basket.

En 2016, le sport féminin a représenté, selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel, entre 16 % et 20 % du volume horaire de diffusion de retransmissions sportives, autant dire peu. Or, la médiatisation d’un sport, en particulier lors de compétitions et qui plus est en cas de bons résultats, donne envie aux sponsors d’investir et aux gens de se licencier. « Nous avons eu une augmentation importante (18 %) du nombre de licenciées après la Coupe du monde de rugby qui s’est déroulée en France en 2014. La couverture médiatique, notamment les matches diffusés en prime time sur France 2, a permis de faire connaître la discipline à un large public, d’autant plus que l’équipe de France féminine est arrivée à la 3ème place », explique Céline Bourillot.
Pourtant en matière d’audimat aussi, les sportives peuvent faire de bons résultats : le match de demi-finale France-Angleterre de la Coupe du monde de rugby féminin à XV diffusé le 22 août 2017 à 20h45 sur France 2 a réuni 3 millions de téléspectateurs avec un pic de 3,5 millions en fin de match.

Infographie : perception du sport féminin par les Français : 70 % des   de 18 ans sont autant intéressés par le sport féminin que masculin

« Pratique physique ou sportive des femmes et des hommes : des rapprochements mais aussi des différences qui persistent », Institut national de la statistique et des études économiques, novembre 2017.

 

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