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Demain, voyagerons-nous autrement ?
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L’environnement arrive en tête des préoccupations des 18-30 ans, selon une étude du Crédoc. En témoignent les grèves et marches pour le climat ou le score des listes écologistes aux dernières élections européennes. Achat de seconde main, recours au covoiturage, intérêt pour le zéro déchet… Si les habitudes des jeunes adultes tendent progressivement à changer, certains comportements consuméristes sont plus tenaces que d’autres. C’est le cas des voyages en avion à l’heure, pourtant, où des alternatives émergent.
Deux bus et quatre trains différents. Environ 8 000 km parcourus à travers l’Europe. Mis bout à bout, le trajet a représenté 3 jours de voyage, dont 26 heures à bord d’un train couchette. Ce périple est celui qu’a réalisé, il y a quelques mois, Benoît, étudiant à l’université d’Aix-Marseille et actuellement en échange universitaire à Nijni Novgorod en Russie. L’objectif ? Rentrer fêter Noël en famille dans le sud de la France sans prendre l’avion.
« Cela faisait quelques temps que je cherchais à réduire mon impact environnemental » raconte l’étudiant de 20 ans qui, avant de se lancer dans cette aventure, avait déjà commencé à revoir certaines de ses habitudes en privilégiant les déplacements à pied ou en participant à des collectes de ramassage de déchets, l’été. Comme Benoît, ils sont nombreux de sa génération à être inquiets pour le climat. Selon l’étude Consommation et modes de vie du Crédoc, le sujet arrive en tête des préoccupations pour 32% des jeunes de 18 à 30 ans. Pourtant, en pratique, leurs comportements restent consuméristes, selon l’enquête.
Une conscience écolo mais des envies de voyage
Renoncer à faire les soldes, à acheter des produits innovants ou high tech seraient, bien que bénéfiques pour l’environnement, des compromis encore difficiles à faire pour la plupart des jeunes adultes. Du côté des transports, même constat : si les moins de 30 ans prennent le vélo pour aller travailler, ils sont aussi très souvent adeptes des voyages en avion. Paradoxalement, à l’heure où émerge un phénomène venu de Suède appelé le flyskam, qui signifie en français « la honte de prendre l’avion », 28% des 18-24 ans interrogés par le Crédoc déclarent avoir pris l’avion au moins deux fois au cours des douze derniers mois. L’abondance des vols low cost et la multiplication des compagnies aériennes y sont pour beaucoup.
Pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre, certaines compagnies aériennes proposent aux voyageurs de soutenir des projets de plantation d’arbres ou visant à favoriser l’accès à une énergie de cuisson propre. En parallèle, le Gouvernement souhaite développer les carburants « verts » dans l'aéronautique. En attendant, un trajet Paris-Bordeaux en train émet 42 fois moins de CO2 que l’avion, selon les calculs de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Valentin Dupouey, ancien membre du réseau Erasmus Student Network (ESN), aujourd’hui directeur de la communication du parti vert européen*, qui a participé à une conférence sur le sujet, est tiraillé : « Plus jeune, j’ai fait un échange universitaire en Angleterre, un volontariat au Danemark, aujourd’hui je me déplace très régulièrement pour mon travail…J’ai eu la chance de voyager et je ne voudrais pas que les générations futures en soient privées, mais il y a ce constat : je pollue trop, rien que par mes voyages » reconnaît-il.
Des initiatives pour voyager en polluant moins
Comment assouvir son envie d’ailleurs sans sacrifier son empreinte carbone ? Dans le domaine du tourisme, des licences professionnelles et master intègrent de plus en plus les questions environnementales dans le contenu de leurs formations et forment au « tourisme durable ». Chez les professionnels, des hébergements touristiques sont labellisés « verts », des agences proposent des excursions en vélo et des outils sont mis en place pour aider le consommateur à choisir un vol à moindre impact carbone.
Auprès des plus jeunes voyageurs, on assiste de plus en plus à des incitations européennes à voyager en respectant l’environnement. La Commission européenne organise, chaque année, un concours pour permettre aux jeunes de 18 ans de voyager principalement en train à travers l’Europe. Du côté d'Erasmus+, le programme de mobilité à destination des étudiants, des apprentis et des jeunes professionnels, des choses aussi se mettent en place. « Environ 500 000 participants ont pris l’avion en Europe pour partir étudier, faire un stage ou un échange dans le cadre du programme » comptabilise Sébastien Thierry, directeur adjoint de l’agence Erasmus+ France. « Demain, ils seront 1 million à en bénéficier », soit autant de personnes potentielles à sensibiliser. C'est pourquoi, sous l'impulsion de la Commission européenne, une nouveauté prévue en 2020: « les participants peuvent désormais demander la prise en charge des surcoûts liés à l’utilisation d’un mode de transport plus propre, tel que le train » précise Sébastien Thierry.
Concevoir le voyage autrement
Benoît, qui est parti via un programme d’échange de son université, autre qu’Erasmus+, a déboursé 460 euros pour son trajet en train, soit « entre 100 et 160 euros de plus » que ce qu’il aurait payé en avion, selon ses calculs.
Outre un effort financier, pour Valentin Dupouey, la question est aussi d’ordre « philosophique ». Dans une société « où tout doit aller vite », difficile d’hésiter « entre un low cost à 20 euros ou un trajet de 15 heures en train » remarque-t-il. Bouder l’avion peut aussi s’avérer être un vrai casse-tête en terme d’organisation. Benoît a dû redoubler d’inventivité pour rejoindre le sud de la France en partant de Russie : « il y a un train express qui rejoint Moscou à Paris en passant par la Biélorussie » explique-t-il « mais cela m’aurait posé problème pour des questions de visa car les ressortissants non-russes et non-biélorusses ne sont pas autorisés à franchir la frontière par la voie terrestre ». À défaut de faire le voyage d’une seule traite, Benoît établit donc un nouvel itinéraire avec plusieurs correspondances : « en tout, j’ai pris 4 trains et 2 bus pour rentrer en France » comptabilise Benoît. « Je suis passé par l’Ukraine, la Pologne, la Hongrie… C’est plus long mais j’en ai profité pour m’arrêter visiter Cracovie et Budapest. L’avantage du train de nuit, c’est que ça permet d’économiser une nuit d’hôtel » renchérit l’étudiant.
Pour lui, le trajet fait partie intégrante du voyage : « l’excitation des vacances a commencé dès le moment où je me suis rendu à la gare» se souvient-il. « J’avais préparé des films, de la musique et des livres si je m’ennuyais mais, au final, je n’ai rien sorti de tout ça. J’en ai profité pour regarder le paysage changer à travers la fenêtre du train et mettre en pratique mes bases de russe en discutant avec les autres voyageurs ».
Habitué des vacances lointaines et des voyages en avion depuis l’enfance, Benoît est prêt à remettre en cause ce modèle. « L’idée n’est pas d’empêcher les gens de prendre l’avion mais, à l’avenir, j’essayerai de me demander s’il n’y a pas un autre moyen d’y aller et si ça vaut le coup par rapport à la durée du séjour » explique-t-il. Sur son site, l’Ademe recommande de respecter un ratio entre la distance parcourue et la durée de l’escapade et préconise pour un trajet de 5 heures aller, de rester au moins 10 jours sur place, par exemple.
« La question est aussi : a-t-on besoin d’aller si loin pour les vacances? » s’interroge Benoît. Sans forcément aller jusqu’au staycation, contraction de stay et vacation, qui consiste à, volontairement, rester chez soi pendant les vacances, le principe de « micro-aventure » où l’on s’évade à seulement quelques kilomètres de chez soi pour vivre des aventures de plein-air, peut aussi être une piste.
* précision ajoutée à la demande de l’interviewé : « les propos tenus dans cet article le sont à titre personnel. Ils n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la position du Parti vert européen. »
Laura El Feky © CIDJ
Article mis à jour le 27-04-2020
/ créé le 14-04-2020
Crédit photo : Oxana/Unsplash