Du répit pour la planète Demain, voyagerons-nous autrement ?

Laura El Feky
Publié le 06-08-2024

En bref

  • En matière d'environnement, les habitudes des jeunes changent bien que l’attrait pour l’avion demeure.
  • Benoit explique ce qui l’a amené à privilégier le train lors d’un voyage entre la Russie et la France, alors que Valentin se trouve tiraillé entre son désir de voyage et celui de réduire son empreinte carbone.
  • Des initiatives émergent pour inciter à recourir à des modes de transport plus respectueux de la planète.
Un voyageur prépare son périple à l'aide d'une carte.
Redoubler d'inventivité pour préparer son périple s'impose lorsqu'on veut éviter l'avion ! Crédit : Oxana - Unsplash
« Avec le train on arrive directement dans le centre historique d'une ville pour l'explorer sans attendre », apprécie Lucas, 20 ans. Crédit : Perrine Basset Fériot, Laura El Feky - CIDJ
Blandine, 32 ans, a choisi le footbike, un moyen de transport propre, pour rejoindre Budapest en Hongrie depuis Nantes en empruntant l'EuroVélo route numéro 6. Crédit : Laura El Feky - CIDJ

Modifier progressivement ses habitudes

Deux bus et quatre trains différents. Environ 8 000 kilomètres parcourus à travers l’Europe, en pas moins de trois jours de voyage, dont 26 heures à bord d’un train couchette. Ce périple, c'est celui réalisé par Benoît, il y a cinq ans, alors étudiant à l’université d’Aix-Marseille et en échange universitaire à Nijni Novgorod en Russie. Son objectif ? Rentrer chez lui pour fêter Noël en famille, dans le sud de la France, en excluant toute étape en avion. Réduire son impact environnemental, le vingtenaire y veillait déjà depuis quelque temps, en modifiant certaines de ses habitudes. « Avant de me lancer dans cette aventure, je privilégiais les déplacements à pied et je participais à des collectes de ramassage de déchets l’été », raconte-t-il. Comme Benoît, ils sont nombreux parmi les jeunes de sa génération à s’inquiéter des changements climatiques. Une réalité révélée par une enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) parue en 2019 – et depuis étayée par d’autres – alors que les marches et grèves pour le climat, initiées par la militante suédoise Greta Thunberg, se multipliaient à travers le pays. L’environnement figure alors en tête des préoccupations pour 32% des jeunes de 18 à 30 ans. Pourtant, en pratique, leurs comportements demeurent consuméristes, selon les réponses recueillies.

Renoncer aux soldes, aux produits innovants ou high tech ? Bien que salutaire pour la planète, cette idée semble inenvisageable pour la plupart des jeunes adultes. Du côté des transports, même constat : si les moins de 30 ans optent pour le "vélotaf" et se rendent au travail en biclou, très souvent, ils inclinent par ailleurs aux voyages en avion. En témoigne un sondage réalisé pour l’Alliance France Tourisme, dans lequel des jeunes déclarent privilégier l’avion et la voiture pour partir en vacances. Un choix qui se rit du flygskam, terme suédois qui désigne « la honte de prendre l’avion ». En cause ? L’abondance des vols low cost et la multiplication des compagnies aériennes aux tarifs alléchants. En attendant, un trajet Paris-Bordeaux en train émet 77 fois moins de CO2 par personne que l’avion. Un chiffre qui comprend les émissions directes, la construction du véhicule et la production et distribution d’énergie. Conscient de l’impact de ses voyages, Valentin, un ancien membre du réseau Erasmus Student Network, qui a participé à une conférence sur le sujet, se dit tiraillé : « Plus jeune, j’ai réalisé un échange universitaire en Angleterre, un volontariat au Danemark et aujourd’hui, je me déplace très régulièrement pour mon travail… Je ne voudrais pas que les générations futures soient privées de la chance de voyager ». Dès lors, comment assouvir son envie d’ailleurs sans augmenter son empreinte carbone ?

Pour répondre à cette demande, des licences professionnelles et masters dans le domaine du tourisme intègrent davantage les questions environnementales et forment ainsi les futurs professionnels au « tourisme durable ». Cette dynamique se traduit par une offre qui cherche à s’adapter : hébergements touristiques labellisés « verts », agences proposant des excursions à vélo, outils numériques pour aider le consommateur à choisir un vol à moindre impact carbone… En direction des plus jeunes, on compte toujours plus d’incitations à voyager en respectant l’environnement. Ainsi, la Commission européenne organise chaque année un concours destiné aux jeunes de 18 ans, dont les vainqueurs gagnent un Pass Interrail pour voyager à travers l’Europe, principalement en train. Ce sésame, accessible à tous en version payante, coûte entre 239 et 286 euros selon la formule. Du côté d'Erasmus+, le programme de mobilité à destination des étudiants, des apprentis et des jeunes professionnels, des actions se mettent en place également. Plusieurs centaines de milliers de participants ont déjà pris l’avion en Europe pour leurs études, un stage ou un échange dans le cadre du programme, selon Sébastien Thierry, directeur adjoint de l’agence Erasmus+ France. « Demain, ils seront 1 million à bénéficier de ce programme. Soit potentiellement autant de personnes à sensibiliser », remarque-t-il. C'est pourquoi depuis 2020, sous l'impulsion de la Commission européenne, les participants perçoivent, en plus de la bourse Erasmus +, un forfait de 50 à 100 euros lorsqu’ils choisissent un mode de transport écoresponsable, tel que le train.

Focus

Évaluez les émissions carbone de vos déplacements

Il existe un outil très pratique pour connaitre l'impact environnemental d'un trajet selon le mode de transport et comparer les émissions de CO2 : https://impactco2.fr.

Le train, c'est plus écolo, mais c’est aussi plus cher. Benoît, qui a profité d’un programme d’échange autre qu'Erasmus +, par le biais de son université, déclare avoir déboursé 460 euros pour son trajet, soit « entre 100 et 160 euros de plus » que ce qu’il aurait payé pour l'avion, selon ses calculs. Mais pour Valentin, la question est aussi « philosophique ». Dans une société « où tout doit aller vite », difficile de ne pas hésiter « entre un low cost à 20 euros et un trajet de quinze heures en train », concède-t-il. Bouder l’avion peut aussi se révéler un vrai casse-tête au niveau de l'organisation. Benoît a dû redoubler d’inventivité pour rallier le sud de la France en partant de la Russie : « Un train express rejoint bien Paris depuis Moscou en passant par la Biélorussie, explique-t-il, mais cela m’aurait posé un problème pour des questions de visa ». À défaut d’effectuer le voyage d’une seule traite, l’étudiant établit donc un nouvel itinéraire, avec plusieurs correspondances : « En tout, j’ai pris quatre trains et deux bus pour rentrer », comptabilise-t-il. « Je suis passé par l’Ukraine, la Pologne, la Hongrie… L’avantage du train de nuit, c’est d’économiser l’hôtel. C’est plus long, mais j’en ai profité pour m’arrêter et visiter Cracovie et Budapest ». Pour lui, le trajet fait partie intégrante du voyage : « L’excitation des vacances a commencé dès le moment où je me suis rendu à la gare ». Et de poursuivre : « J’en ai profité pour admirer le paysage qui défilait et mettre en pratique mes bases de russe en discutant avec les autres voyageurs ».

Habitué des voyages lointains depuis l’enfance, Benoît remet désormais en cause ce modèle. « L’idée n’est pas d’empêcher les gens de prendre l’avion. Mais pour ma part, j’examinerai désormais les alternatives en fonction de la durée du séjour », explique-t-il. À ce propos, l’Ademe, l'Agence de la transition écologique, recommande sur son site de respecter un ratio entre la distance parcourue et la durée de l’escapade. Autrement dit, si l’on part loin, privilégier les longs séjours. « Mais s’éloigner autant pour les vacances s’impose-t-il ? », s’interroge Benoît. S'il est vrai que les séjours en France facilitent les déplacements en train, plus vertueux pour l'environnement, pas sûr que les 18-24 ans adhèrent. Ils sont moins d’un tiers à rester dans l'Hexagone pour les vacances, selon un récent baromètre. Non seulement le rail reste plus couteux que le transport aérien, mais il faut également compter avec la concurrence des vacances à l’étranger, qui présentent souvent des atouts non négligeables : séjours tout compris, plus longs, taux de change avantageux… Idéal pour les budgets serrés, moins pour la planète. Alors, sans forcément inviter au staycation, contraction de stay et vacation, qui consiste à rester volontairement chez soi pendant les vacances, le principe de « micro-aventure », pour s’évader à seulement quelques kilomètres de chez soi, constitue peut-être une piste à explorer. 

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